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jeudi 3 mai 2018

Pollution de l'air : 7 millions de morts par an.....Des habitants de la vallée de l'Arve attaquent l'Etat pour son inaction.....


3 mai 2018

Pollution de l'air : 7 millions de morts par an

Selon l'OMS, 9 habitants sur 10 dans le monde respirent un air contenant de " hauts niveaux de polluants "

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1 000
microgrammes de particules fines par litre d'air à New Delhi
La capitale indienne a connu, le 7 novembre 2017, un pic de pollution culminant à plus de 1 000 microgrammes de particules fines par litre d'air. Le seuil de danger est fixé à 300, et l'OMS recommande de ne pas dépasser 25 microgrammes en moyenne journalière. L'agglomération avait été plongée dans un épais brouillard de pollution, obligeant les autorités à fermer les écoles.
La pollution de l'air ne fait pas seulement tousser. Elle tue. En masse. Chaque année, 7 millions de personnes meurent dans le monde parce qu'elles respirent un air trop chargé en particules fines. Tel est le dernier bilan macabre publié mercredi 2  mai par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui sonne l'alerte. C'est davantage que les morts cumulés du sida (1,1  million), de la tuberculose (1,4 million), du diabète (1,6 million) et des accidents de la route (1,3 million).
Aussi, l'OMS reconnaît désormais la pollution de l'air comme un " facteur de risque majeur " des maladies non transmissibles considérées comme étant à l'origine de 70 % des décès dans le monde. Selon les estimations de l'institution onusienne, ce risque serait, chez les adultes, en cause dans 29  % des morts par cancer du poumon, 25  % par accident vasculaire cérébral (AVC), 24 % par infarctus et 43 % des maladies pulmonaires chroniques obstructives (asthme, broncho-pneumopathies…).
Et ce risque s'accroît. L'estimation globale de 7 millions de morts est en légère hausse. Le dernier bilan, de 2016, faisait état de 6,5 millions de décès. Cette augmentation s'explique par une explosion de la mortalité due à la pollution de l'air extérieur (4,2 millions, contre 3  millions en  2016). Les décès imputables à la pollution de l'air intérieur, eux, régressent de 4,3 millions à 3,8  millions.
Les efforts de la ChineUn autre chiffre, tout aussi impressionnant, donne la mesure du péril. Selon les dernières données compilées par l'OMS, neuf personnes sur dix (91 % de la population mondiale) sont exposées quotidiennement à un air contenant de " hauts niveaux de polluants ". L'organisation recommande la limite annuelle de 10 µg (microgrammes)/m³ en particules fines PM2,5 (de diamètre inférieur à 2,5  micromètres).
" A l'instar de New Delhi, Pékin, Shanghaï, Lima ou Mexico, de nombreuses mégalopoles du monde entier dépassent plus de cinq fois ce seuil, alerte Maria Neira, la directrice du département de santé publique de l'OMS. Cela représente un risque majeur pour la santé des populations. "
Ce risque est inégalement réparti. Les régions les plus affectées sont l'Asie du Sud-Est (dont l'Inde) et le Pacifique occidental (incluant la Chine), avec plus de 2 millions de décès chacune. L'Afrique totalise près de 1 million de victimes. Les pays de l'arc méditerranéen oriental concentrent autant de morts que l'ensemble du continent européen : environ 500 000. Les Amériques s'en sortent le moins mal, avec tout de même plus de 300 000  morts par an.
Dans ce panorama aussi alarmant que détaillé, l'OMS note que les premières victimes sont sans surprise les enfants. La pneumonie est la principale cause de mortalité chez les moins de 5 ans. L'institution insiste aussi sur la vulnérabilité des femmes qui, dans les pays en développement, cuisinent encore avec des équipements d'un autre âge, comme des fours à charbon.
" La pollution de l'air menace chacun d'entre nous mais ce sont les plus pauvres et les plus marginalisés qui paient le plus lourd tribut, déclare le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Il est inacceptable que plus de 3  milliards de personnes – la plupart sont des femmes et des enfants – continuent à respirer des fumées mortelles tous les jours en utilisant des poêles et des combustibles polluants dans leurs maisons. " Pour le patron de l'organisation, " si nous ne prenons pas des mesures urgentes contre la pollution de l'air, nous ne parviendrons jamais à atteindre le développement durable ".
Les données compilées par l'OMS sont les plus complètes jamais publiées par l'institution sur la qualité de l'air. Elles se fondent sur les résultats des mesures effectuées dans plus de 4 300 villes de 108 pays, soit 1 000 villes de plus que lors du dernier bilan de 2016. Avec un " sérieux manque de données " pour le continent africain, où seuls huit des 47  pays surveillent les niveaux de particules fines.
Malgré ce vaste tableau catastrophique, le directeur de l'OMS se félicite que " des leadeurs politiques, à tous les niveaux, et notamment des maires, commencent à prendre le sujet au sérieux et à agir ". L'organisation salue les efforts de la Chine – le gouvernement a décrété cet hiver la fin du chauffage au charbon – ou d'une ville comme Mexico qui, sur le modèle de Paris, a annoncé l'interdiction des véhicules diesel dans ses rues d'ici à 2025.
En Europe, après dix ans d'avertissements sans frais, la Commission semble enfin décidée à mettre la pression sur les Etats qui ne respectent pas sa directive de 2008 sur la qualité de l'air et qui dépassent régulièrement les valeurs limites en PM10 (de diamètre inférieur à 10 µm - micromètres - ) et dioxyde d'azote (NO2).
" Tueur invisible "Pour la première fois, le commissaire à l'environnement, Karmenu Vella, avait convoqué fin janvier les ministres de l'écologie de neuf pays (France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Hongrie, Roumanie, République tchèque et Slovénie) pour les presser de prendre rapidement des mesures capables de mieux protéger leurs citoyens. Faute de réponses adéquates, Bruxelles devrait bientôt mettre sa menace à exécution en renvoyant certains de ses Etats cancres devant la Cour de justice de l'Union européenne. Maintes fois reportée, la sanction est attendue avant la fin mai.
Mais d'autres régions du monde n'ont pas encore pris la mesure de l'urgence. A commencer par l'Inde. Alors que New Delhi a encore connu en novembre  2017 des pics de pollution culminant à 1 000  µg/m³, le ministre de l'environnement continuait à nier la réalité de leurs effets sanitaires (plus de 1  million de morts par an à l'échelle du pays) et se contentait de réclamer des masques à l'OMS plutôt que de s'attaquer aux sources du problème, comme l'incinération des résidus agricoles.
Pour convaincre un maximum de pays de déclarer la guerre à ce " tueur invisible ",l'OMS organisera à Genève, du 30 octobre au 1er  novembre, la première conférence mondiale sur la pollution de l'air et la santé.
Stéphane Mandard
© Le Monde



3 mai 2018

Des habitants de la vallée de l'Arve attaquent l'Etat pour son inaction

Quatorze familles de cette vallée encaissée au pied du mont Blanc lancent une série de recours devant le tribunal administratif de Grenoble

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En septembre  2017, Nicolas Hulot avait choisi la vallée de l'Arve (Haute-Savoie)," une des plus polluée,  de France ", selon les termes du ministre de la transition écologique et solidaire, pour son déplacement sur le thème de la qualité de l'air. Aux habitants excédés de ce territoire coincé entre les montagnes au pied du mont Blanc, M. Hulot avait expliqué, bardé de ses collègues des transports et de la santé, qu'il n'avait pas de " baguette magique ".
Depuis, 540 plaintes contre X pour mise en danger d'autrui ont été déposées auprès des gendarmeries du département conduisant le parquet de Bonneville à ouvrir une enquête préliminaire. Et quatorze  familles de plaignants s'apprêtent à ouvrir un deuxième front judiciaire en lançant, mercredi 2  mai, une vague de recours pour " carence fautive " de l'Etat devant le tribunal administratif de Grenoble.
Parmi ses plaignants figurent les représentants légaux de quatre enfants. Ils demandent jusqu'à 100 000  euros d'indemnisation pour les préjudices subis. Les recours s'appuient sur des dossiers médicaux épais. " Ces enfants souffrent de pathologies que nous estimons liées à la pollution : asthme, otites, pneumopathies… ", explique auMonde François Lafforgue, l'avocat spécialiste des affaires d'environnement et santé qui défend les familles.
Mallory Guyon est médecin généraliste aux Houches et habite à Passy, dans la vallée : "Dans mon quotidien de médecin, je constate de plus en plus de pathologies ORL et respiratoires, longues, persistantes et difficiles à traiter. Ça m'interpelle. Des patients me racontent que lorsqu'ils partent en vacances ailleurs, ils respirent mieux. Et, a contrario, d'autres me disent que quand ils viennent dans leur résidence secondaire dans la vallée, ils se mettent à tousser au bout de deux jours. "
" Prise de conscience générale "La docteure  Guyon a décidé de s'impliquer au sein du collectif local Coll'air pur santé qui coordonne les plaintes avec le soutien d'Ecologie sans frontière. Cette association avait la première porté plainte contre l'Etat après les pics de pollution de 2014. " On organise la résistance, explique Mme  Guyon. On n'attaque pas de gaieté de cœur. L'objectif est de susciter une prise de conscience générale dans le pays, que chaque Français se rende compte qu'il s'agit d'une urgence sanitaire. "
A l'échelle de la France, on estime que la pollution de l'air est à l'origine de 48 000  morts prématurés chaque année. Selon une étude de Santé publique France de septembre  2017, les seules particules fines PM2,5 (de diamètre inférieur à 2,5  µm - micromètres - ) seraient responsables de 8  % de la mortalité annuelle dans la vallée de l'Arve, soit 85  morts.
En  2016,113 000 habitants du territoire étaient exposés à des niveaux de PM2,5 supérieurs aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (10  µg/m³ par an). Une baisse de 30  % de ces concentrations permettrait de diviser par deux cette mortalité et de gagner cinq mois d'espérance de vie, relève l'étude. Or, pour la docteure  Guyon et maître Lafforgue, c'est l'" inaction " de l'Etat et des autorités administratives qui est en cause.
Et ils ne sont pas les seuls à le penser. La vallée de l'Arve est l'une des 14 zones de dépassements des normes européennes de qualité de l'air (PM10, inférieurs à 10  µmet dioxyde d'azote) qui valent à la France d'être sous la menace d'un renvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne et d'avoir été enjoint par le Conseil d'Etat de prendre rapidement des mesures pour réduire la pollution.
Nicolas Hulot a présenté, le 13  avril, quatorze " feuilles de route " élaborées avec les préfets de région. Celle concernant la vallée de l'Arve et ses 155 000  habitants prévoit notamment d'amplifier les aides (Fonds air bois énergies) pour réduire le recours au chauffage au bois ou de privilégier le report modal de la route vers le ferroviaire pour le transport des marchandises et des voyageurs. Des mesures jugées " insuffisantes et pas assez ambitieuses " par les associations.
" Ces plaintes ont pour objectif de faire bouger l'Etat. Il doit agir vite et bien, exhorte Mme  Guyon. Ici, tout est à revoir de façon urgente : le chauffage, les infrastructures routières, l'industrie. " Le chauffage au bois est la principale source de pollution dans la vallée. Mais pas la seule. Elle accueille aussi de nombreuses usines spécialisées dans l'industrie du décolletage. Et chaque année, elle est traversée par les flots de touristes qui accèdent aux stations de ski depuis l'A40 et près de 600 000  poids lourds empruntant le tunnel du Mont-Blanc.
En janvier, la communauté de commune Pays du Mont-Blanc se félicitait d'une qualité de l'air " en nette amélioration " en  2017. Pour la première fois depuis que des mesures sont effectuées dans la commune savoyarde de Passy, les jours de pic de pollution (supérieur à 50  µg/m3 en PM10) n'ont pas excédé la limite européenne (trente-cinq jours). Vingt et un ont été recensés, contre trente-six jours consécutifs durant l'hiver 2016 ou 44 en  2015. Mais comme le fait remarquer la docteure  Guyon, pour ses patients, le plus dangereux, ce ne sont pas les pics mais la " pollution chronique ".
Les familles de la vallée de l'Arve ne sont pas les premières victimes de la pollution de l'air à déposer un recours pour carence fautive de l'Etat. En  juin  2017, comme Le Monde l'avait relaté, Clotilde Nonnez, une professeure de yoga vivant dans la capitale, avait saisi le tribunal administratif de Paris. Près d'un an après, son cas n'a pas encore été traité mais ses problèmes respiratoiresse sont un peu plus dégradés.
St. M.
© Le Monde

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