Traditionnellement, les défilés du 1er-Mai sont des moments joyeux. Une ambiance bon enfant, où l'on vient en famille, muguet à la boutonnière, poussettes en avant, pour célébrer la Journée internationale des travailleurs. Pour ce premier 1er-Mai du quinquennat Macron, les participants avaient d'autant plus de raisons de descendre dans la rue que, ces dernières semaines, les mobilisations des cheminots, fonctionnaires, retraités, étudiants ou encore des salariés d'Air France ont rythmé le calendrier. Selon le ministère de l'intérieur, 143 500 personnes – soit environ le même nombre que l'année précédente – ont battu le pavé dans toute la France, 210 000 selon la CGT.
Mais à Paris, la fête a été gâchée par les violences. Quelque
" 1 200 black blocs ", selon la préfecture de police, ont pris la tête d'une manifestation hétéroclite composée de 14 500 personnes gravitant hors du cortège syndical, évalué à 20 000 participants par la police et 55 000 par la CGT. Les heurts avec les forces de l'ordre et les nombreuses dégradations qui ont eu lieu ont éclipsé les revendications syndicales.
" Il y a toujours des polémiques "Tout avait bien commencé. Place de la Bastille, le soleil était au rendez-vous. Au milieu des ballons, les slogans se testaient à la sono et au mégaphone contre Emmanuel Macron. Le défilé, devancé par le " cortège de tête ", a vite été stoppé au milieu du pont d'Austerlitz et n'a pu le franchir, repoussé par un nuage de gaz lacrymogène des forces de l'ordre tentant de contrer les assauts des individus cagoulés. Le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, a
" invité " les organisateurs – CGT, Solidaires, la FSU et des fédérations franciliennes de FO – à modifier l'itinéraire mais la manifestation n'a jamais vraiment pu se déployer.
En déplacement officiel en Australie, Emmanuel Macron a souligné, mercredi, que le 1er-Mai était
" la journée des travailleurs, pas la journée des casseurs ".
" Il y a un gouvernement, il y a un Etat, il est dirigé, et il continuera à agir ", a déclaré le président à la presse. Mardi soir, le premier ministre, Edouard Philippe, s'est rendu, avec le ministre de l'intérieur, -Gérard Collomb, dans un commissariat du 13e arrondissement, le quartier où se sont déroulés les heurts. Il a regretté qu'il y " aura des polémiques, - il - y en aura toujours " :
" Soit on bouge trop vite, soit on ne bouge pas assez vite, soit il y a trop de monde, soit il n'y a pas assez de monde. "
Une façon de contrer les attaques de l'opposition, droite et extrême droite en tête.
" Ces milices d'extrême gauche devraient être dissoutes depuis bien longtemps. Mais le problème, c'est que le pouvoir de gauche fait preuve à leur égard d'une mansuétude et maintenant on peut presque dire d'une complicité ", a fustigé la présidente du Front national, Marine Le Pen. Laurent Wauquiez, numéro un du parti Les Républicains, a pour sa part regretté sur Twitter une
" faillite de l'Etat régalien ".
Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a également critiqué la gestion par les autorités de ces débordements qu'il a par ailleurs condamnés.
" J'ai vécu des choses scandaleuses, le fait d'être bloqué sur ce pont " d'Austerlitz, a-t-il déclaré sur CNews avant d'ajouter :
" Quand un cortège ne peut plus avancer, il recule, sauf qu'à l'autre bout du pont, par où il fallait reculer, il y avait plusieurs rangées de CRS, des camions qui nous empêchaient de reculer. "
Avant le départ de la manifestation parisienne et le début des affrontements, c'était l'absence d'unité syndicale que déplorait le numéro un de la centrale de Montreuil. S'il est rare que les cinq centrales représentatives (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC) défilent ensemble à cette occasion, le contexte social tendu de ce printemps n'y aura rien changé. En cause, la
" convergence des luttes " souhaitée par la CGT mais rejetée par d'autres.
" Il est important de montrer, face à un gouvernement qui essaie de diviser, qu'on a des points communs ", a plaidé M. Martinez, qui a assuré ne pas connaître
" un gouvernement qui n'ait pas cédé devant la pression de la rue ".
Un discours à mille lieues de -celui de la CFDT, de la CFTC et de l'UNSA qui avaient organisé leurs propres festivités. Pour mesurer le fossé qui les sépare de la CGT, il suffisait de se rendre dans une salle du 14e arrondissement où les trois syndicats avaient donné rendez-vous à leurs militants afin de -visionner un film italien sur le dialogue social. Leur but : afficher l'unité des centrales réformistes qui, selon Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, "
sont de vraies forces de proposition et de progrès, même si certains semblent l'oublier ".
Des mobilisations à venirCe qui n'a pas empêché le leadeur cédétiste de s'en prendre à la politique d'Emmanuel Macron.
" Il n'y aura jamais ni ruissellement ni cordée tirée par le haut, a-t-il lancé.
Seuls la solidarité, l'égalité et l'accompagnement des plus fragiles nous garantiront un avenir meilleur collectivement. " Mais selon lui, la convergence des luttes est une
" confusion des luttes ".
" Ce n'est pas Philippe Martinez qui donne le la du mouvement social aujourd'hui ", a-t-il lâché.
Entre ces deux blocs, Force ouvrière. A peine élu, Pascal Pavageau, le nouveau secrétaire général de la confédération, avait souhaité un 1er-Mai
" purement FO ",même si certains de ses camarades franciliens étaient aux côtés de la CGT. Avant de se rendre sur la tombe de Léon Jouhaux, le fondateur de FO, le successeur de Jean-Claude Mailly avait convoqué une conférence de presse pour présenter sa nouvelle équipe. Baissant d'un ton par rapport au congrès du syndicat qui s'est tenu la semaine dernière à Lille, il a rappelé qu'il prendrait contact avec ses homologues
" dès demain ", soit mercredi, pour
" regarder si une action commune est envisageable ". Son mandat :
" Travailler à une perspective de mobilisation interprofessionnelle dans l'unité la plus large. " Il a cependant refusé de préciser à quelles conditions sa confédération accepterait de se lancer.
Cette division syndicale au plus haut niveau fait les affaires du gouvernement. A son arrivée en Australie, M. Macron s'est défendu de vouloir
" esquiver " les conflits sociaux.
" Vous vouliez que je fasse quoi ? Que je reste chez moi à regarder la télévision ? J'ai autre chose à faire, je continue à travailler ", a-t-il balayé, ajoutant qu'il n'y a
" pas de jour férié quand on est président de la République ".
Le chef de l'Etat n'en a pas moins fini avec les mobilisations qui vont continuer d'émailler les prochaines semaines. Jeudi, lors de leur prochaine séquence de grève de deux jours, les cheminots ont prévu d'organiser des rassemblements. Samedi, c'est une marche pour
" faire la fête à Macron ", à l'initiative du député de La France insoumise François Ruffin, qui aura lieu à Paris. Le 22 mai, les fonctionnaires sont de nouveau appelés à descendre dans la rue. Cette fois, à l'appel de l'ensemble de leurs syndicats. Mercredi matin, Gérard Collomb a promis sur France 2 de mobiliser
" encore plus de forces de l'ordre " pour encadrer ces prochaines manifestations.
Raphaëlle Besse Desmoulières
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