MAI 1968
Un article paru dans le DL u 13.05.2018
VOLET VII |
Meneur trotskiste de la révolte à Grenoble, il est
devenu élu Insoumis
René Revol,
camarade toujours…
René Revol est maire de Grabels,dans l’Hérault, et en
2020, cet ancien professeur de sciences conomiques et sociales sera candidat de
la France Insoumise à Montpellier. Mais il est aussi
bien connu en Isère.
Né à Grenoble en
1947, élevé en Matheysine, il fut en effet l’un des meneurs trotskistes de la
révolte étudiante de Mai-68 sur le campus isérois.
À chaque grand anniversaire de Mai68, on
cherche toujours des anciens lanceurs de pavés, passés de l’autre côté. Comme
si la prise d’âge effaçait forcément les penchants révolutionnaires.
Avec
le poids des années, l’assagissement, la confrontation au réel, l’aisance, le
confort, et tout le reste…
On en
cherche, et on en trouve... Forcément.
Le
premier d’entre eux, Dany le Rouge, n’est il pas aujourd’hui un fidèle soutien
du président de la République?
Mais
il y a aussi les autres, que la vie a pu blesser ou à l’inverse énormément chérir,
mais qui adorent toujours
autant
lever le poing.
À Grabels, dans l’Hérault, le maire René Revol
est de ceux là.
Ce
petit fils d’ouvrier et de mineur matheysin (Isère), ce fils de résistant gaulliste,
passé par le PS et le Parti
de
gauche, est aujourd’hui un FI.
Un Insoumis,
qui envisage même de partir à l’assaut de la mairie de Montpellier en 2020. «
Mélenchon a fait un super score là-bas à la dernière présidentielle!
Notre équipe a donc ses chances », dit celui
qui fut, il y a 50 ans, avec Jean Pierre Juy, l’un des piliers du mouvement étudiant
de Mai68 à Grenoble.
Sur
les photos d’archives du “Dauphiné Libéré”, dans le “classeur” de Mai68, on
retrouve partout sa bouille
de
jeune homme engagé. Dans les assemblées générales, au premier rang des défilés
et des meetings, portant la sono reliée aux haut parleurs, distribuant des
tracts aux ouvriers… Mais on enrage de ne pas avoir les clichés de son
interpellation, avec plusieurs de ses “camarades”, lors d’une des premières manifs.
« Eh oui, j’ai quand même passé deux nuits, à la tranquille… »
« Les commémorations débilesqui ne se concentrent
que sur la révolution sexuelle, pour faire baver les vieux cochons»
Car de
cette époque, René Revol a gardé des souvenirs très précis à la date près comme
si le journal de bord des “événements” était à jamais inscrit dans sa mémoire.
Reste qu’il n’aime pas trop les raconter, sinon à quelques uns.
Comme,
par exemple, aux jeunes de la France Insoumise « qui ont vraiment à coeur de s’engager
».
À eux,
il décrit son apprentissage de la liberté de penser au côté du professeur
trotskiste et mentor des soixante huitards grenoblois, Pierre Broué. « Des
heures passées à lire, à analyser le monde, à débattre »
À eux, il conseille de ne jamais cesser de se
former intellectuellement.
«
Quand je vois la pauvreté du contenu politique de certains partis actuels, je
suis atterré.
C’est pour cela qu’il ne faut jamais arrêter d’apprendre
»…
Puis,
il se laisse finalement aller au récit de Mai68, pour donner sa propre version.
Et
surtout pour trancher avec les « éternels discours des anciens de 68 qui se
justifient de leurs abandons
postérieurs
» et avec les « commémorations débiles qui ne se concentrent que sur la
révolution sexuelle, pour faire baver les vieux cochons ».
Son
Mai68 à lui, c’est « l’histoire d’une révolte de la jeunesse contre une société
réactionnaire et d’une incroyable grève générale qui a tout balayé sur son
passage ».
Enfin,
un mois durant.
Et de
ce mois grenoblois, René Revol se souvient d’abord du 3 mai 1968, « quand on a
commencé à faire le tour
des
amphis et que j’ai eu cette conviction intime que cela allait marcher.
C’était
très rare, ce genre de sentiment ».
Puis,
il y a eu cette assemblée de l’AGEG Unef « où on a gagné d’une voix l’appel à
la grève ».
Et cette première marche dans Grenoble. « 3000
à 4000 étudiants qui défilent, ça faisait du monde pour l’époque.»
Il évoque ensuite « l’extraordinaire
chevauchée de la grève, avec les liens qu’on a pu tisser avec les syndicats,
les ouvriers, les salariés. À Grenoble, plus qu’à Paris, le mouvement était
vraiment unitaire.»
Mais
il n’oublie pas non plus les mésententes, « au début du mouvement, les
staliniens nous recevaient dans les usines, en brandissant des barres de fer »,
ni cet autre et dernier mauvais souvenir : « Quand la CGT et le PC ont organisé
le retour au travail dans les usines et donc ouvert la porte à l’organisation
des élections.
Des
élections que de Gaulle allait gagner.
C’était
la fin d’un moment intense et incroyable. J’ai pleuré. »
« Si on courbe le dos, ne serait ce qu’un instant, on
finit par disparaître »
Pour l’autocritique,
il est partant aussi.
Il se
moque volontiers de « la catéchèse marxiste de nos discours de l’époque», à
laquelle « personne ne comprenait rien ».
Et
raille avec vigueur les slogans qui faisaient florès à l’époque. « Le pire, c’était
“CRS/SS !”
Du
grand n’importe quoi ! Une connerie de gosses qui n’avaient pas connu la
guerre.
Il y avait aussi “Élections, pièges à cons”.
Une belle
ânerie.
Car il
faut savoir que dans le camp d’en face, à droite et à l’extrême droite, on s’y
rend toujours, aux urnes.»
Alors,
50 après ?
Eh bien, René Revol assure toujours lever le
poing, « car si on courbe le dos, ne serait ce qu’un instant, on finit par
disparaître » et affirme toujours croire au pouvoir de « l’action de masse ».
Mais il y ajoute autre chose.
« Ce
que je retiens de 1968, c’est cette leçon politique qui reste ancrée chez moi :
le mouvement social, même
le
plus puissant du monde, ne suffit pas. Il faut qu’il constitue en son sein une
force organisée qui lui donne du
sens
et une direction, et qui l’aide à accomplir sa mission.
Le
mouvement ne peut pas s’émanciper de la construction d’une issue.
Mai68 nous a appris cela. »
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