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samedi 12 mai 2018

Le casse-tête de la fiscalité locale divise les élus


12 mai 2018

Le casse-tête de la fiscalité locale divise les élus

Le gouvernement cherche le meilleur moyen de compenser la suppression à venir de la taxe d'habitation

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Un grand chambou-le-tout. En décidant de supprimer la taxe d'habitation, après avoir déclaré lors de sa campagne présidentielle vouloir en exonérer 80  % des contribuables, Emmanuel Macron a ouvert un chantier délicat. Remis mercredi 9  mai au premier ministre, Edouard Philippe, le rapport du sénateur Alain Richard (LRM) et de l'ancien préfet Dominique Bur sur la refonte de la fiscalité locale a proposé plusieurs pistes pour compenser la suppression de cette taxe à l'horizon 2020. Ce qui équivaudra dans deux ans à une perte de recettes pour le bloc communal (communes et -intercos) de 26,3  milliards d'euros.
Un véritable casse-tête pour l'exécutif compte tenu des contraintes budgétaires et politiques. Le gouvernement a affirmé à plusieurs reprises que la suppression de la taxe d'habitation ne devait pas entraîner la création d'un nouvel impôt. Il n'est pas question non plus de revoir la trajectoire de réduction du déficit budgétaire. Matignon a ajouté trois " lignes rouges " : ne pas déséquilibrer le poids de la fiscalité entre ménages et entreprises – en clair, pas d'alourdissement de la fiscalité des entreprises – ; pas de charges administratives ou de coûts de gestion disproportionnés non plus ; enfin, pas de période de transition prolongée qui rendrait la réforme illisible.
Questions délicatesPour compenser la suppression de la taxe d'habitation, les deux rapporteurs identifient deux pistes principales. Ils proposent d'abord de transférer aux communes et inter-communalités la part de la taxe foncière sur les propriétés bâties perçue par les départements, ceux-ci récupérant alors une fraction d'impôt national pour compenser leur perte de recettes. Cela aurait pour avantage de remplacer un impôt local par un autre impôt local, en permettant aux élus de conserver leur " pouvoir de taux " (possibilité de fixer le taux d'un prélèvement et donc d'en faire varier les montants si nécessaires).
Deuxième option : attribuer directement au bloc communal une part d'impôt national. De quoi faire perdre leur pouvoir de taux aux maires, mais leur assurer des recettes parfois plus dynamiques… Toutefois, le transfert de la taxe foncière ne suffira pas à compenser la suppression de la taxe d'habitation, sauf à ce que cela se traduise par une explosion des taux, risque que le rapport pointe en suggérant un encadrement " plus strict " des hausses de taux des impôts locaux décidées par les collectivités territoriales. Il faudra donc trouver d'autres moyens pour compenser.
Le rapport de 153  pages ne prétend pas trancher en faveur d'un dispositif ou d'un autre, même si Olivier Dussopt, secrétaire d'Etat à Bercy, confie que la première option a la préférence de l'exécutif. Mais le gouvernement veut laisser la place à la concertation qui va s'engager avec les représentants des collectivités locales. Avec pour horizon un projet de loi qui pourrait être présenté au premier semestre 2019. La conférence nationale des territoires, qui se réunit le 17  mai, examinera ces questions délicates. Car, si tout le monde s'accorde à reconnaître que la fiscalité locale est un maquis illisible et injuste, chacun s'applique à défendre son pré carré.
Le bloc communal, majoritairement, penche en faveur de la -première hypothèse. Le président de France urbaine, Jean-Luc -Moudenc, se félicite qu'" une des propositions que l'on suggérait ait été reprise, à savoir la descente de la taxe foncière des départements vers les communes et les intercommunalités ". En revanche, il n'est pas emballé par l'idée de l'attribution d'une fraction d'impôt national : " Nous souhaitons que la suppression de la taxe d'habitation soit l'occasion de retrouver plus d'autonomie fiscale. "
Le président de l'Association des communautés de France, Jean-Luc Rigaut, loue également l'" excellent travail " fourni par le rapport et se montre lui aussi favorable à la réunification de la taxe foncière au niveau communal. " Evidemment, cela ne suffit pas à compenser la perte de recettes de la taxe d'habitation, constate-t-il. Nous préférerions récupérer une part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour avoir un impôt local, parce qu'une part d'impôt national redistribuée au niveau communal, cela va faire des comptes d'apothicaire. "
Pour Villes de France, qui -regroupe les villes de taille moyenne, " le mécanisme de partage d'un impôt à un niveau national, qui aurait l'avantage de correspondre à l'évolution de la richesse ou de la croissance nationale, présente le mérite de la simplicité ". Mais ce système devrait alors être assorti d'un mécanisme renforcé de correction des inégalités territoriales.
Sans surprise, les départements ne sont pas sur la même longueur d'onde. Le président de l'Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, se dit " pas du tout favorable au transfert du foncier au bloc communal "" Nous souhaitons conserver une part d'autonomie fiscale ", insiste-t-il. Concilier les points de vue ne va pas être une mince affaire.
Patrick Roger
© Le Monde

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