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samedi 12 mai 2018

Iran-Israël : les risques de l'affrontement


12 mai 2018

Iran-Israël : les risques de l'affrontement

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 Après le retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien, Israël a massivement bombardé les positions de Téhéran en Syrie
 L'Etat hébreu a réagi à une salve de roquettes sur le Golan en lançant une attaque préparée de longue date
 La France est l'un des premiers investisseurs en Iran ; Macron et Merkel tentent de présenter un front européen uni
Pages 2-4 et cahier éco page 4
© Le Monde



12 mai 2018

Périlleuse escalade entre l'Iran et Israël

Au lendemain du retrait des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire, Tel-Aviv a pris prétexte de tirs sur le Golan pour mener une vaste opération contre les forces iraniennes en Syrie

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Stupeur à Téhéran. Moins de deux jours après le retrait des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien, le 8  mai, doublé de l'annonce par Donald Trump de sanctions économiques de pleine force, l'armée israélienne a procédé à des frappes massives, dans la nuit du 9 au 10  mai, contre des dizaines de sites militaires en Syrie, dont l'essentiel aux mains des forces iraniennes.
Selon l'armée russe, 28 avions F-15 et F-16 israéliens auraient participé et tiré 70 missiles. Mettant à exécution un plan préparé de longue date, l'opération " House of Cards " a presque suscité de l'euphorie chez les officiels israéliens. " J'espère que ce chapitre est clos et que tout le monde a reçu le message ", s'est avancé le ministre de la défense, Avigdor Lieberman. Selon lui, " la plupart des infrastructures iraniennes - en Syrie - ont été détruites. "
Impossible de l'établir. L'armée israélienne a publié une liste et des photos aériennes des cibles choisies. Il s'agit d'entrepôts, d'un dépôt de munitions iranien à l'aéroport de Damas, de batteries de défense antiaériennes syriennes (S-200, S-75, SA-22, Buk) qui ont tiré sur les avions de chasse israéliens et de sites utilisés pour le renseignement iranien. L'ampleur et l'audace de cette opération interpellent, tout autant que sa justification. Israël dit avoir répondu à des frappes iraniennes de faible intensité mais symboliquement fortes : une salve de vingt roquettes tirée dans la soirée en direction du plateau du Golan, vers le versant annexé par Israël. La plupart des projectiles n'ont même pas pénétré dans cette zone ; quatre autres ont été détruits par le système " Dôme de fer ". Mais ces tirs, s'ils ont bien été effectués par l'Iran, constitueraient la première attaque directe depuis l'avènement de la République islamique contre Israël. Une évolution symbolique majeure et un changement des règles du jeu stratégique qu'Israël a voulu détruire dans l'œuf.
Lignes rouges" Il existe un risque d'escalade, mais nous pensons qu'une position dure aujourd'hui peut prévenir un conflit majeur plus tard, explique au Monde le directeur général du ministère du renseignement, Chagaï Tzuriel. Nous devons convaincre les Iraniens qu'il n'est pas dans leur intérêt, stratégiquement, de poursuivre leurs efforts pour s'établir militairement en Syrie et essayer d'y construire une base avancée contre Israël. " Les responsables israéliens se sont promis de ne pas répéter l'erreur commise avec le Hezbollah, qui a pu patiemment développer son implantation et son arsenal au Liban depuis les années 1980 et malgré la guerre de 2006.
Toutefois, ces tirs attribués à la force Al-Qods, chargée des opérations extérieures des gardiens de la révolution iraniens, l'armée d'élite iranienne, surprennent les experts. Plusieurs hypothèses circulent. Il pourrait s'agir d'une réplique aux derniers raids israéliens en Syrie, en particulier celui du 9  avril qui a visé la base T4, près d'Homs. Quatorze personnes avaient été tuées, dont plusieurs militaires iraniens. Mais alors, pourquoi un modus operandi aussi timide, presque amateur, au regard de l'arsenal de Téhéran en Syrie selon les autorités israéliennes ? Sur les réseaux sociaux iraniens, des conservateurs appelaient de leurs vœux depuis des semaines une réponse massive aux attaques israéliennes.
D'où la deuxième hypothèse : il s'agissait d'une réplique symbolique en attendant que l'Iran ajuste sa stratégie vis-à-vis d'Israël, après le retrait de Washington de l'accord sur le nucléaire, et à la lumière des échanges récents avec Moscou, qui ne veut pas d'escalade. Dans ce cas, Téhéran aurait gravement sous-estimé la volonté israélienne d'anéantir – et non de seulement d'endiguer – ses capacités militaires en Syrie. Enfin, dernière possibilité, celle d'une initiative locale. Les médias iraniens, discrets sur ces événements, évoquent une réponse des forces syriennes à des tirs menés par Israël depuis le Golan dans les heures précédentes.
La réponse sévère de l'Etat hébreu confirme la rigueur avec laquelle il compte faire respecter ses lignes rouges. Ces lignes se sont enrichies au fil du conflit syrien. A l'origine, il s'agissait d'éviter tout débordement des combats vers le plateau du Golan. Puis de contrecarrer les transferts d'armement sophistiqués vers le Hezbollah libanais, qui reste la force la plus menaçante pour Israël, avec ses 120 000 roquettes, dont beaucoup d'une grande précision. Enfin, après le recul territorial de la rébellion anti-Assad et de l'organisation Etat islamique (EI) et la reprise, par Damas, soutenu par ses alliés russe et iranien, de la plus grande partie du territoire syrien, Israël a mis en garde contre une implantation militaire iranienne à sa frontière.
Jeudi, M. Nétanyahou a expliqué que l'Iran avait franchi une " ligne rouge " en déclenchant les tirs de roquettes. " Nous agirons contre ceux qui se préparent à nous attaquer avant qu'ils passent à l'acte ", a dit le premier ministre israélien, confirmant une doctrine d'abord préventive. L'appareil politique et militaire iranien, resté silencieux jeudi, paraissait décontenancé. " Ce sont les troisièmes frappes israéliennes en quelques semaines : c'est une escalade continue et dangereuse, s'inquiète l'analyste Foad Izadi, proche des cercles militaires à Téhéran. Les Israéliens n'agissent pas logiquement : nos forces sont en Syrie à la demande du gouvernement syrien, c'est un fait établi et légal. Et puisqu'il nous faudra répliquer, le Hezbollah le fera au Liban, pas en Syrie où nous avons d'autres préoccupations. "
Frustrations populairesL'Iran cherche encore à évaluer la volonté, exprimée par les Etats-Unis et Israël, de le " repousser " sur tous les fronts et de lui imposer une pression maximale : il craint une escalade plus grave. " Les Iraniens ont peur de se retrouver dans la même position qu'en  2011, lorsque, à Washington et à Jérusalem, le débat ne portait pas sur la nécessité d'attaquer l'Iran pour mettre à l'arrêt son programme nucléaire, mais du moment opportun pour le faire, note Ariane Tabatabai, experte en questions de sécurité et professeure à l'université américaine de Georgetown. Ils craignent qu'un axe formé par Trump, Nétanyahou et les monarques du Golfe se prépare à mener contre eux une intervention militaire. "
A ce titre, le Hezbollah libanais demeure la meilleure garantie de dissuasion régionale de l'Iran – et la Syrie un chaînon indispensable de l'axe qui lie Téhéran à son allié libanais. Tant que Téhéran s'efforce de préserver l'accord nucléaire avec ses autres signataires – Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne –, il dispose de peu d'options pour répondre aux frappes israéliennes. Mercredi, le président Hassan Rohani a sobrement affirmé que son pays ne voulait pas de " nouvelles tensions " au Moyen-Orient, lors d'un entretien téléphonique avec Angela Merkel. L'Allemagne, comme le Royaume-Uni et l'UE, a condamné les frappes attribuées à l'Iran sur le Golan et rappelé le droit d'Israël à se défendre.
La priorité du président iranien consiste à préserver son économie, usée par les années de sanctions et déstabilisée par la menace de leur réintroduction. Le gouvernement s'inquiète d'une montée des frustrations populaires, qui se sont exprimées dans la rue au début de l'année. D'autant que Washington rêve à haute voix d'un écroulement du régime, sur le modèle de l'Union soviétique. En Syrie, les gardiens de la révolution espèrent s'assurer les chantiers de la reconstruction, après cinq ans d'une guerre coûteuse dont ils estiment être sortis vainqueurs, face aux monarchies du Golfe et à leurs alliés occidentaux.
Les frappes israéliennes sont " la conséquence du fait que le régime syrien a repris le dessus, que sa dépendance à l'Iran s'est accentuée et que l'ancrage du Hezbollah et des milices chiites soutenues par Téhéran s'est renforcé, explique Heiko Wimmen, spécialiste du dossier syrien à l'International Crisis Group (ICG). Israël estime qu'il ne peut plus rester un simple spectateur, il est obligé de manœuvrer pour renverser la détérioration de sa position stratégique ".
L'implantation militaire iranienne en Syrie demeure cependant difficile à détruire uniquement par des frappes aériennes. Téhéran cherche à réduire son contingent et à le maintenir le plus discret possible : les gardiens de la révolution noyautent les forces armées syriennes, usent de leurs réseaux logistiques et se reposent avant tout sur une galaxie de milices plus ou moins à leur solde, placées au cœur de la doctrine de " défense avancée " de Téhéran, avec l'arsenal balistique basé en Iran. " Les élites sécuritaires iraniennes se satisferaient d'un pouvoir faible et influençable à Damas, et de poches de territoire insurrectionnel contenues, note Ali Vaez, spécialiste de l'Iran à l'ICG. Elles ont une longue expérience de la gestion du chaos. " Ce savoir-faire, à défaut de leur permettre de répondre à la puissance de l'Etat hébreu, demeure leur meilleure garantie d'influence à la frontière israélienne.
Benjamin Barthe, Louis Imbert (à Paris) et Piotr Smolar

12 mai 2018

Poutine se tait, sans renoncer à l'accord nucléaire avec Téhéran

Allié de l'Iran en Syrie, le Kremlin affiche une neutralité bienveillante à l'égard d'Israël, à l'heure où le leadership américain recule dans la région

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Que fait Vladimir Poutine quand il est " très préoccupé " par la situation au Moyen-Orient ? Il joue au hockey avec son ministre de la défense, Sergueï Choïgou, à -Sotchi, sur les bords de la mer Noire, selon des images diffusées jeudi 10  mai par la présidence. Quarante-huit heures après la décision de Donald Trump de rompre l'accord nucléaire iranien, et tandis que la tension entre Israël et l'Iran culmine après des bombardements massifs de positions iraniennes en Syrie par l'armée israélienne, en riposte à des tirs de roquette à sa frontière, le chef du Kremlin cultive sa différence. Il reste muet.
Le président russe n'a, publiquement, rendu compte d'aucun contact à son niveau, ni avec son allié syrien Bachar Al-Assad, à -Damas, ni avec son partenaire -iranien en Syrie, Hassan Rohani. Une stratégie qui lui permet de temporiser en préservant ses intérêts dans la région. Tout juste, Moscou a-t-il dépêché à Téhéran, jeudi, le vice-ministre des affaires étrangères, Sergueï Riabkov, à la rencontre de son homologue, -Abbas Araghchi, pour rappeler " l'attachement " de la Russie à l'accord nucléaire qu'elle a signé en  2015, en même temps que six autres pays, la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Chine, l'Iran – et les Etats-Unis, avant l'annonce de leur retrait.
" Pleine coopération "" Bien sûr, nous avons réaffirmé notre engagement pour la poursuite de cet accord, et la nécessité d'une pleine coopération avec l'Agence internationale de l'énergie atomique - AIEA - comme cela a été fait jusqu'à présent, c'est une des réussites les plus importantes de ces dernières années ", a déclaré le diplomate, cité par l'agence russe Interfax. Le rétablissement des sanctions américaines contre l'Iran a été abordé d'ici. " Nous avons exprimé nos vues dans le domaine de la coopération, à la lumière de la nouvelle situation, comment défendre nos activités, assurer correctement leur poursuite et leur évolution ", a expliqué M. Riabkov. " La Russie et l'Iran ont convenu de poursuivre une coordination étroite, afin de poursuivre une relation bilatérale adéquate ", a appuyé le ministère des affaires étrangères dans un communiqué depuis Moscou.
La partie russe espère tirer son épingle du jeu, comme elle l'avait fait dans les années 1990 en reprenant, au sud de l'Iran, la construction de la centrale nucléaire de Bouchehr, alors abandonnée par l'Allemagne. Sergueï Lavrov, le chef de la -diplomatie russe, qui -recevait en parallèle, jeudi, son nouvel homologue allemand, Heiko Maas, a pris soin d'afficher une distance tout aussi prudente en appelant l'Iran et Israël, renvoyés dos à dos, " au dialogue ". Le recours à la force est " une tendance très inquiétante, a-t-il déclaré. Nous partons du principe que toutes les questions doivent être résolues par le dialogue. "
Un rôle d'intermédiaireA ce point des tensions, il n'y a guère de dialogue. Mais à la différence d'un Donald Trump, Vladimir Poutine est aujourd'hui capable de parler avec tout le monde, et c'est sans doute ce message qu'il souhaite faire passer. Dans une région où elle a n'a cessé d'étendre ces dernières années son influence, grâce à son intervention militaire en Syrie en septembre  2015, la Russie peut même espérer jouer un rôle d'intermédiaire. Le 9  mai, en dépit de son -alliance avec la Turquie et l'Iran en Syrie, le chef du Kremlin a ainsi eu tout le loisir de s'afficher avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, venu chercher, une nouvelle fois, la bienveillante neutralité de son interlocuteur.
Dès le lendemain, Moscou s'est contenté, par le biais de son ministère de la défense, de livrer les détails " techniques " des frappes israéliennes survenues à l'aube, jeudi, à peine M. Nétanyahou de retour chez lui, en riposte aux tirs de roquettes iraniens sur la partie du Golan syrien occupé par l'état Hébreu.
Tel-Aviv a su faire valoir ses arguments auprès de Moscou. Evoquant des " relations très constructives avec la Russie ", le ministre de la défense israélien Avigdor Liberman, né en ex-URSS, avait fait passer ce message dans un entretien au journalKommersant, le  3  mai, moins d'une semaine avant la visite de M. Nétanyahou : " Nous apprécions ces relations, affirmait-il, même lorsque nos partenaires les plus proches exercent une forte pression sur nous… Par exemple, dans le cas des sanctions contre la Russie auxquelles nous avons catégoriquement refusé de nous associer, ou plus récemment lorsque beaucoup ont renvoyé des diplomates russes, Israël n'a pas rejoint le mouvement. "
L'aggravation des hostilités, sur le plan militaire, entre Israël et l'Iran placerait Vladimir Poutine dans une situation beaucoup plus délicate. Mais pour l'heure, le chef du Kremlin a d'autres raisons de se montrer patient. Le vent de révolte des Européens contre le retour des sanctions américaines contre Téhéran, qui menacent leurs entreprises, va dans son sens.
Isabelle Mandraud
© Le Monde
 

12 mai 2018

Le retrait américain de l'accord avec l'Iran divise les monarchies du Golfe

L'Arabie saoudite se félicite de voir Washington se retourner contre son ennemi, mais le Qatar et Oman sont plus sceptiques

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La décision, mardi 8  mai, du président américain de déchirer l'accord sur le nucléaire iranien a été applaudie par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, deux monarchies du Golfe qui s'estiment menacées par l'influence croissante de Téhéran au Proche-Orient. Mais, signe de la désunion croissante de la région, le Qatar – en conflit ouvert avec ses voisins – et Oman ont réagi de manière beaucoup plus circonspecte, appelant au dialogue plutôt qu'à la confrontation. Dans un communiqué, le royaume saoudien s'est félicité du geste de -Donald Trump, en stigmatisant " l'agression déstabilisatrice de l'Iran dans la région ". Sur Twitter, Anouar Gargash, le ministre d'Etat des Emirats arabes unis pour les affaires extérieures, a raillé " le vernis de conformité de Téhéran avec l'accord - qui - est contredit par ses politiques belliqueuses ".
En  2015, à la signature du compromis à Vienne par les " 5 + 1 " (les cinq membres du Conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne), le pouvoir saoudien avait soutenu ce texte, mais du bout des lèvres. En bon allié de Washington, Riyad disait alors -espérer que ce pacte conduise à " un renforcement de la stabilité et de la sécurité au Proche-Orient ".
Mais dans les palais saoudiens, le rapprochement de Barack Obama avec l'ennemi iranien avait été vécu comme une trahison, d'autant qu'il avait été négocié à l'insu de la couronne. L'approche retenue par les " 5 + 1 ", qui s'étaient focalisés sur le risque de prolifération nucléaire, n'était pas du goût des élites de Riyad qui auraient préféré un accord plus large, englobant tous leurs griefs à l'égard de leur puissant voisin chiite.
" Nous habitons juste à côté "L'arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, désireux de démolir tous les accomplissements de son prédécesseur, leur a permis de commencer à s'exprimer tout haut. Dans les capitales occidentales, le ministre des affaires étrangères saoudien, Adel Al-Joubeir, s'est mis à marteler que " l'accord est défectueux ", pointant du doigt la levée progressive des contraintes pesant sur le programme nucléaire iranien à partir de 2025. " Le temps qu'une résolution soit présentée aux Nations unies, les Iraniens auront trois bombes et le temps qu'elle soit appliquée, ils en auront dix, s'alarmait en -février le chef de la diplomatie saoudienne. Et nous habitons juste à côté d'eux. "
Riyad a également développé la thèse selon laquelle la levée des sanctions pesant sur la République islamique lui permet de financer plus facilement ses interventions dans la région, notamment en Syrie, où une myriade de milices pro-iraniennes, comme le Hezbollah libanais, sont déployées. Les rebelles houthistes du Yémen, de confession zaïdite, une branche du chiisme, sont aussi perçus par les Saoudiens comme le bras armé de l'Iran à leur frontière. " Trop, c'est trop, il est temps qu'ils - les Iraniens -agissent comme un pays normal, la révolution est terminée ", tempêtait en février Adel Al-Jubeir.
Les Emirats arabes unis, pour leur part, ont surtout mis l'accent sur le développement du programme balistique de Téhéran, un  motif de préoccupation très vif dans ce chapelet de cités-Etats, -distantes d'environ 150  km des -côtes iraniennes. " C'est perçu comme une menace existentielle, les Emirats figurent parmi les plus gros acheteurs de systèmes anti-missiles américains ", souligne Jean-Loup Samaan, un chercheur basé à Abou Dhabi.
Sur Twitter, le directeur du quotidien anglophone saoudien Arab News, Siraj Wahab, a salué le - " lobbying " du prince héritier Mohammed Ben Salman. " The deal is dead "(l'accord est mort), claironne d'ailleurs en " une " ce journal. Pour autant, selon Elizabeth Dickinson, spécialiste du Golfe à l'International Crisis Group, " l'idée que l'Arabie saoudite et ses alliés voulaient que l'accord soit déchiré est largement survendue. La plupart des dirigeants à qui j'ai parlé disaient qu'ils voulaient un meilleur accord et non pas plus d'accord du tout. " Awadh Al-Badi, conseiller du prince Turki Al-Faisal, ex-chef des services de renseignement saoudiens et porte-parole officieux du royaume, approuve : " L'enterrement de l'accord n'est pas dans notre intérêt, expliquait-il, quelques heures avant le discours de Donald Trump. Il faut le conserver et accroître les pressions sur Téhéran. Mais nous soutiendrons, bien entendu, tout ce que décide Washington. "
Le Qatar, pour sa part, soumis depuis près d'un an à l'embargo de l'Arabie et des Emirats, qui l'accusent de collusion avec l'Iran et les mouvements islamistes au Proche-Orient, a publié un communiqué en demi-teinte. Plutôt que d'aborder de front la décision de Donald Trump, avec lequel il ne peut pas se permettre de rompre, l'émirat, qui partage un gisement gazier avec Téhéran, a appelé à " prévenir une possible course à l'arme nucléaire "" Tous les acteurs doivent veiller à ce que leurs efforts pour dénucléariser le Moyen-Orient ne mènent pas à une nouvelle escalade ",écrit Doha, dans une critique indirecte de ses voisins. Le sultanat d'Oman, traditionnelle passerelle entre le Golfe et le monde persan, qui avait prêté son territoire à des rencontres secrètes entre Américains et Iraniens en  2012-2013, est allé plus loin, en saluant l'attitude des pays européens, qui cherchent à sauvegarder le texte de 2015.
Les pétromonarchies doivent, désormais, s'ajuster à la nouvelle donne. La voie est étroite entre la poursuite du statu quo et l'escalade avec l'Iran, forcément préjudiciable au modèle économique des principautés du Golfe, basé sur la stabilité. " Le triomphalisme dans les médias saoudiens et émiriens ne durera pas longtemps, estime Elizabeth Dickinson. Nous sommes face à un nouveau statu quo. Rien ne garantit qu'il sera meilleur que la situation précédente. "
Benjamin Barthe
© Le Monde

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