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lundi 14 mai 2018

Des députés en guerre contre l'article 40 de la Constitution


13 mai 2018

Des députés en guerre contre l'article 40 de la Constitution

Des élus veulent profiter de la réforme constitutionnelle pour supprimer une disposition qui leur retire l'initiative de la dépense publique

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C'est l'histoire d'un article de la Constitution qui complique la vie des parlementaires. Et dont ces derniers rêvent, depuis longtemps, de se débarrasser. Il s'agit de l'article  40 de la Constitution de 1958, qui retire de facto aux députés et sénateurs l'initiative de la dépense publique. L'article pose en effet une condition majeure au dépôt d'amendement parlementaire : celui-ci n'est pas recevable s'il a pour effet d'augmenter les dépenses publiques. Une précaution justifiée par le souci d'éviter tout dérapage budgétaire.
Mais les parlementaires estiment que ce garde-fou restreint leurs pouvoirs. " C'est un bouclier budgétaire pour le gouvernement mais, le problème, c'est qu'on s'en sert comme d'un outil politique afin d'éviter l'examen de certains amendements ", explique la présidente du groupe socialiste à l'Assemblée, Valérie Rabault, ex-rapporteuse générale du budget.
En  2008, lors de la révision constitutionnelle lancée par Nicolas Sarkozy, les présidents des commissions des finances à l'Assemblée et au Sénat, Didier Migaud et Jean Arthuis, avaient déjà plaidé, en vain, pour la fin de ce qu'ils qualifiaient alors de " forme d'autocensure parlementaire ".
L'examen du projet de loi constitutionnel voulu par Emmanuel Macron et qui doit débuter avant l'été au Palais-Bourbon va rouvrir le débat. Certains élus, de droite ou issus de la majorité notamment, plaident à nouveau pour sa suppression. " Aujourd'hui le seul vrai législateur en France c'est l'exécutif ", tonne ainsi la députée LRM Barbara Pompili, présidente de la commission du développement durable. Selon l'élue de la Somme, la disparition de l'article  40 " redonnerait de la valeur au travail parlementaire ".
Le débat n'est pas anodin dans un contexte où la première version du projet de loi constitutionnel, présentée le 9  mai en conseil des ministres, est jugée au Sénat comme à l'Assemblée trop restrictive des droits du Parlement. Les élus fourbissent donc leurs armes pour répondre à l'exécutif.
Mme Pompili affirme que plusieurs présidents de commission se trouvent sur cette même ligne. C'est notamment le cas de Brigitte Bourguignon (LRM), aux affaires sociales, qui avait fait une proposition en ce sens dans le cadre des groupes de travail sur la réforme de l'Assemblée nationale. Le député Les Républicains et président de la commission des finances, Eric Wœrth, défendra lui aussi cette position. " C'est déresponsabiliser le Parlement que d'encadrer son droit d'amendement ", défend celui qui est pourtant ancien ministre du budget et apôtre de la maîtrise de la dépense publique.
" Glissière de sécurité "En décembre  2017, l'un des groupes de travail transpartisan sur la réforme de l'Assemblée nationale jugeait que la question de l'article  40 " mérite d'être débattue ",car elle " reflète une conception du parlementarisme héritée des débuts de la Ve  République " qui " n'a nullement su empêcher la dérive des finances publiques ".
Les détracteurs de cet article s'appuient sur une réflexion en cours à l'Assemblée : plusieurs députés sont mobilisés autour de la création d'un outil d'expertise budgétaire au service des élus, qui permettrait notamment de mesurer le coût des amendements. De quoi réguler et responsabiliser leur dépôt, selon ceux qui ne veulent plus de l'article  40. Mme Pompili n'envisage d'ailleurs la suppression de ce dernier qu'à condition que les amendements dispendieux " soient obligatoirement assortis d'une étude d'impact ".
Sa proposition ne fait par l'unanimité au sein de la majorité. " On est dans un pays qui vit en déficit sans interruption et qui a une propension à la dépense publique, l'article  40 est une glissière de sécurité bienvenue ", plaide le président (LRM) de la commission des affaires économiques, Roland Lescure. " Ce n'est pas un tabou, mais ce n'est pas l'urgence ", explique l'entourage de la chef de file du groupe LRM à la commission des finances, Amélie de Montchalin.
Pour le député MoDem Jean-Noël Barrot, l'article  40 deviendra acceptable quand les élus auront accès aux moyens d'expertise. " Aujourd'hui, nous sommes frustrés car nous ne pouvons pas faire des contre-propositions crédibles, or l'expertise nous en donnera les moyens et l'article  40 apparaîtra alors comme un principe sain ", estime l'élu des Yvelines. De son côté, Valérie Rabault plaide pour une -solution intermédiaire : un aménagement de l'article pour que des amendements coûteux puissent être débattus, à condition qu'ils n'excèdent pas un seuil de dépenses. Elle balaye les espoirs de ses collègues : " Ces gens se font plaisir en voulant supprimer l'article  40, mais cela n'arrivera jamais. "
Manon Rescan
© Le Monde

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