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samedi 12 mai 2018

Derrière les relations entre l'Iran et les Etats-Unis, le prix du pétrole


12 mai 2018

Derrière les relations entre l'Iran et les Etats-Unis, le prix du pétrole

Une guerre entre l'Iran et l'Arabie saoudite, producteurs de l'or noir le plus rentable, arrangerait bien les industriels américains, fait remarquer avec ironie Robert Bell

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Et si les constructeurs automobiles qui se sont lancés dans les véhicules électriques gagnaient leur pari ? Les prix du brut baisseraient, même s'il y a bien sûr d'autres utilisations du pétrole que le carburant pour les automobiles. Il serait moins rentable d'investir dans les infrastructures pétrolières. Les baby drillersaméricains, ces petites sociétés de forage dont l'essor a été favorisé par la -déréglementation environnementale et les allégements fiscaux de l'administration Trump, seraient en difficulté. Et la Russie de Poutine, grande exportatrice de pétrole, ferait la grimace.
Pour les pétroliers, le compte à rebours a commencé. Bloomberg New Energy -Finance prévoit que, dès 2025-2029, " dans la plupart des pays les véhicules électriques auront des coûts de cycle de vie plus bas et seront moins chers à l'achat que les voitures à moteur à combustion -interne ". C'est une très mauvaise nouvelle pour lesbaby drillers de Trump, dont la santé financière n'est pas brillante. -Jusqu'à cette année, alors que le brut américain se situait entre 60 et 68 dollars (entre 50,5 et 57,2 euros) le baril, le pétrole de schiste est un gouffre financier, les foreurs empruntant lourdement pour garder la tête hors de l'eau : ils ont souscrit 293  milliards de dollars en obligations entre 2008 et 2017, selon le -Financial Times du 23  avril 2018. Et la hausse des taux d'intérêt renchérit d'ores et déjà ces emprunts.
Les baby drillers ne peuvent se contenter d'atteindre le seuil de rentabilité. Ils ont besoin d'un flux de trésorerie suffisant pour creuser de nouveaux puits ; la -production des anciens diminue rapidement – d'environ 50 % ou davantage au cours de la première année, selon la -plupart des experts. Ainsi, selon les -analystes de marché, les exploitants ont -besoin d'un minimum de 53 dollars le -baril, simplement pour continuer à forer de nouveaux puits et maintenir la même production.
Il est intéressant de noter que les meilleurs projets de forage en eau -profonde (offshore) peuvent atteindre un seuil de rentabilité d'environ 50 dollars le baril, peut-être même moins. Mais ces -foreurs ont un problème plus important : un délai d'exécution d'une dizaine -d'années. Il est peut-être déjà trop tard pour investir massivement dans ce type d'exploitation pétrolière. Lorsque l'administration Trump a mis aux enchères de nouvelles concessions dans le golfe du Mexique, en mars, même en abaissant les redevances, seulement 128 des 14 000 parcelles offertes ont trouvé preneur. Le gouvernement n'a encaissé que 125 millions de dollars. La meilleure adjudication de tous les temps avait rapporté 3,7  milliards de dollars : c'était en  2008.
Région explosiveComparez maintenant les coûts du -pétrole offshore et des pétroles de schiste américains à ceux du pétrole saoudien, où le coût marginal pour produire un -baril de pétrole à partir d'un puits conventionnel se situe entre 4 et 9  dollars. Même à l'extrémité supérieure de cette -fourchette, le royaume d'Arabie saoudite sera le dernier à vendre du pétrole quand la demande aura diminué et que les prix auront baissé. Mais si une guerre éclatait dans le golfe Persique entre l'Iran et l'Arabie saoudite, les prix du brut augmenteraient, et les baby drillers de Trump, tout comme les exportateurs de pétrole russe, retrouveraient le sourire…
Les Etats-Unis, la Russie et l'Arabie -saoudite produisent actuellement chacun -environ 10 millions de barils de pétrole par jour. L'Iran et l'Irak produisent un peu plus de 4 millions de barils par jour, les Emirats et le Koweït chacun -environ 3 millions de barils, le Qatar 1,5 million de barils. Une guerre entre l'Iran et l'Arabie saoudite pourrait retirer beaucoup de -pétrole du marché, peut-être pendant des années. Cela entraînerait une hausse spectaculaire du prix du -pétrole, -peut-être pour la dernière fois. Les baby drillers américains auraient tout à y -gagner.
Il n'est même pas besoin d'une -conspiration des Etats-Unis et de la Russie pour provoquer cette guerre à l'aide d'agents secrets aux lunettes noires. La région est tout simplement explosive. Le - " printemps arabe ", qui a été une surprise -totale, a déstabilisé plusieurs Etats. Les pays du Golfe pourraient entrer en guerre simplement en étant laissés à eux-mêmes. Ils se querellent déjà : les Emirats et l'Arabie saoudite bloquent le Qatar ; les Saoudiens sont au Yémen pour -combattre les rebelles liés à l'Iran, qu'ils accusent d'" acte de guerre contre le royaume " après le lancement de missiles rebelles depuis le Yémen…
Trump et Poutine n'ont qu'à laisser les pays de la région faire ce qu'ils semblent décidés à faire, ou ne pas les en empêcher. Voire à déstabiliser davantage la région. Par exemple, en déplaçant à Jérusalem l'ambassade des Etats-Unis. Ou en se -retirant de l'accord nucléaire iranien…
Robert Bell
© Le Monde

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