LE BILLET PAR ANTOINE CHANDELLIER
L’(in)juste prix du lait
Aussi vrai que Vico est le roi de la pomme de terre, l’empereur du lait s’appelle Monsieur Lactalis. Contrairement à Luciano Benetton, personne ne le reconnaît. Il est tapi derrière le camembert Président, le roquefort Société ou Salakis au bon lait de « brebisse ». Bon sang, sous ce bouquet de marques, devrait battre un cœur d’homme ? À défaut d’être une bonne pâte, celui-ci se cache-t-il pour mieux (se) nourrir ? Rares sont ceux qui connaissent le visage de ce patron, quand le lunetier Afflelou en met plein la vue. À se demander si Emmanuel Besnier existe vraiment. Est-ce un concept comme Belle des champs ou la Vache qui rit ? Dans cette guerre de la voie lactée, les producteurs ne le voient jamais, ni à la télé, ni en vrai, ni en hologramme. Sa firme est au cœur de la énième crise agricole mais lui laisser agir ses porte-paroles, à côté de qui Picsou passerait pour humaniste. Ils ne céderont pas à ce prix de 300€ les 1000 litres, pourtant minimum vital des éleveurs.
Quand ces derniers font le siège de son “château” de Laval, unique objet de leur ressentiment, le fromager aussi prospère que discret semble sourd à leur détresse. On s’indignera de tant de mépris. Pourtant pas sûr que le malaise tienne à la seule indifférence du seigneur le plus pingre du secteur et à la stratégie mondialisée des géants de l’agroalimentaire. La surproduction qui résulte de la fin des quotas, l’embargo russe ou la baisse de demande chinoise...Tout cela explique le déséquilibre du marché du lait où le producteur est condamné à la productivité à tous crins. Et que dire de la grande distribution qui s’honore de casser les prix, dans ce jeu de dupes qu’est devenue la juste rémunération laitière ? Inexorable contexte où le ministre Le Foll constate son impuissance. Qu’il est loin le temps heureux où labourage et pâturage étaient les mamelles du pays.
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