Les seins de Marianne expliqués « à un Premier ministre inculte »
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La mode est à dire du mal de Twitter, et des trous béants dans sa politique de modération. Mais tout de même, un média qui permet à une simple historienne d’administrer à chaud une leçon d’Histoire au Premier ministre, n’est pas totalement mauvais.
Donc hier soir, au cours d’un meeting officiel près de Toulouse, sous haute protection policière, le burkicide Manuel Valls s’est envolé : « Marianne, le symbole de la République, elle a le sein nu parce qu’elle nourrit le peuple. Elle n’est pas voilée parce qu’elle est libre. C’est ça, la République ! »
Cours magistral en 23 tweets
Il n’en fallait pas plus pour inspirer à Mathilde Larrère, historienne à l’université Paris-Est, spécialiste des Révolutions, un cours magistral improvisé. Et sur un point particulier : l’histoire du sein de Marianne, couvert, découvert, recouvert, au fil des représentations au XIXe siècle.
En 23 tweets imparables [sous-titrés « réponse à un Premier ministre inculte », ndlr], voici résumée l’histoire : les républicains « opportunistes » (de droite) ont sagement couvert son sein, quand les républicains « radicaux » (de gauche) le découvraient. Voilà pourquoi la statue de la place de la République, à Paris, a les seins couverts, quand celle de la place de la Nation en découvre un sur deux (n’exagérons tout de même pas).
« La Liberté guidant le peuple », d’Eugène Delacroix - 1830 - exposé au Louvre
Avec cette grille de lecture, Valls serait donc l’héritier des républicains radicaux, ce qu’on appellerait aujourd’hui la gauche de la gauche. Passons. Accessoirement, notons que toute cette démonstration mammaire n’aurait pu être administrée sur Facebook, qui l’aurait censurée dès l’apparition de la première image.
Instrumentalisation du corps des femmes
Sur un point, je me permettrai de discuter une des remarques de Mathilde Larrère. « Evidemment, conclut-elle (tweet 22), tout ce qui se joue là est l’image qu’on veut donner de la République, et pas du tout ce qu’on veut dire des femmes ! ! ! ! »
Oui. Certes. Peut-être. Mais au-delà de l’objet symbolisé, toute cette magistrale démonstration illustrée trahit une autre histoire : l’instrumentalisation par des hommes (sculpteurs, peintres, commanditaires politiques, etc) du corps de la femme, à qui par ailleurs, comme le rappelle Larrère, aucun n’envisageait à l’époque de donner une capacité civile, ou le droit de vote. Sois libre et débraille-toi, sois soumise et recouvre-toi : hier comme aujourd’hui, une injonction succède à l’autre. Sur ce plan comme sur bien d’autres, rien n’a changé.
INITIALEMENT PUBLIÉ SUR ARRETSURIMAGES.NET
http://www.arretsurimages.net
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