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29 août 2016
Communiqués
En direct avec Michel Tubiana,
Président d’Honneur de la Ligue des Droits de l’Homme
A propos de l’affaire du Burkini
La Libre Pensée : L’actualité récente a été marquée par ce que l’on a appelé le « Burkini ». Plusieurs municipalités ont pris des arrêtés clairement liberticides avec une forte consonance sous-jacente xénophobe. Quelle est l’analyse de la Ligue des Droits de l’Homme ?
LP : Pour la LDH, les rues, les plages, les piscines, les magasins, les cinémas font-ils partie de la sphère ou de l’espace public dans lesquels devrait s’appliquer la laïcité ?
LP : Il est quelque peu surprenant que des hommes politiques commeNicolas Sarkozy, Eric Ciotti, Marine Le Pen et d’autres aussi à« Gauche » se déclarent très laïques quand il s’agit des musulmans, mais plus du tout quand il s’agit de l’Eglise catholique. On a même vu Nicolas Sarkozy faire des signes de croix chrétiens dans l’exercice de sa fonction présidentielle. Comment expliquez-vous cette schizophrénie politique ?
MT : Je ne vois là rien de surprenant ! Ces personnes n’ont jamais été laïques ! Historiquement, comme aujourd’hui, elles ont toujours été attachées à une vision chrétienne de la France, à laquelle elles ont fini par ajouter le terme « judéo » pour tenter de relativiser le vieil et solide antisémitisme chrétien qui a eu sa part de responsabilité dans la destruction des juifs d’Europe. Aujourd’hui, l’ennemi principal c’est l’Islam, les musulmans, etc…Ils ne font que reproduire les mêmes schémas d’exclusion, avec leurs variantes contemporaines et héritières du colonialisme.En fait, la laïcité est utilisée, ici, comme le féminisme, comme un paravent pour tenter de justifier l’exclusion de plusieurs millions de personnes en raison de leur altérité et de leur situation sociale.
Et comme ce « soutien » à la laïcité va de pair avec l’accusation de favoriser lecommunautarisme, un mot à ce propos. Là encore, cessons d’employer des mots à tort et à travers. Le communautarisme, c’est d’abord édicter un dispositif légal dans lequel des droits seraient reconnus à des individus selon leur appartenance à une communauté. Au-delà des droits spécifiques qui résultent de situations spécifiques (congés de maternité, situation de santé, de handicap, etc), je mets au défi de trouver dans notre législation une disposition qui fasse dépendre l’exercice d’un droit de l’appartenance à une communauté.
Le reste, c’est la tendance naturelle de tout groupe humain à se reconnaître en une communauté dont la nature est, par hypothèse, diverse : la communauté des libres penseurs, des amateurs d’andouillette, etc. En l’espèce, nous accuser de favoriser le communautarisme en se battant pour le droit de ses femmes à s’habiller comme elles le veulent à la plage, revient à ignorer que les replis identitaires qui existent ont d’abord pour cause les discriminations infligées au nom de la République. De plus, je persiste à penser qu’il vaut mieux que ces attitudes soient publiques et fassent donc l’objet d’un débat public plutôt que d’y ajouter un enfermement dans la sphère la plus privée.
LP : Que pensez-vous de l’attitude de Manuel Valls qui se déclare« laïque intransigeant » quand il s’agit de l’Islam, mais plus du tout quand il va au Vatican assister à la canonisation de deux papes ?
LP : Comment la LDH envisage l’avenir juridique de ces arrêtés liberticides, le Conseil d’Etat ayant jugé en référé, mais par encore sur le fonds ?
MT : la Ligue des Droits de l’Homme poursuivra l’abrogation des arrêtés qui ne seraient pas retirés d’office par les maires. J’observe à ce propos deux choses. La première est que ces maires qui font de la « résistance » sont ceux qui passent leur temps à dénoncer l’absence d’autorité de l’Etat, autorité qu’il s’empresse d’abaisser en méprisant la décision du Conseil d’Etat. La deuxième est la complicité avérée du Ministre de l’Intérieur avec ces Elus car c’est à lui, et non aux associations, qu’il incombe de faire respecter cette décision ce qu’il s’abstient volontairement de faire. Le ministre des cultes a ainsi choisi son camp… Enfin, nous réfléchissons à agir sur le terrain pénal sur la base de la discrimination à raison d’une pratique religieuse, mais aussi, et peut-être surtout, sur la base de l’article 432-4 du Code pénal qui réprime les atteintes aux libertés par des agents publics.
LP : Mon cher Michel, merci d’avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Christian Eyschen
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