Analyses et débats pour le renouveau d'une pensée de l'émancipation
La déroute électorale annoncée au soir du premier tour des
élections municipales prend l’allure d’une véritable bérézina. Rejet d’une
politique, rejet des socialistes au pouvoir, rejet des hommes, rejet des
institutions de la cinquième république. Tout y est et curieusement politiques,
journalistes, ou encore éditorialistes qui s’obnubilent sur un éventuel
remaniement sont nombreux à ne rien voir…
De la déroute à la bérézina
Même si dans le cadre de nos institutions il est habituel de voir aux élections
intermédiaires le parti au pouvoir reculer, le parti socialiste aidé en cela
par le gouvernement et le président François Hollande se sont ce coup-ci
surpassés. La déroute annoncée au soir du premier tour prend l’allure d’une
véritable bérézina. Quelques éléments permettent de cerner l’ampleur de cette
débâcle.
- D’abord le taux historique des
abstentions pour ce type d’élections. Il dépasse nationalement les 36%.
Mais la moyenne est trompeuse. Dans nombre de quartiers populaires, ce
chiffre atteint les 40, 45 voire 50 ou même 60% d’abstentions. Le
« clivage » gauche-droite entretenu les jours de vote a fait
long feu… L’abstention massive exprime un rejet des politiques suivies.
- Les pertes du parti socialiste
sont tout autant historiques. Ce qu’il avait acquis durant plus de dix ans
s’est évaporé en l’espace d’un scrutin.
a/155 villes de plus de
9000 habitants passent à « droite » dont 68 de plus de 30 000
habitants.
b/Parmi les pertes,
certaines sont particulièrement symboliques. Angers que le PS dirigeait depuis
1977, Aulnay-Sous-Bois, ville symbole de la crise depuis la fermeture de PSA
Peugeot-Citroën, où le socialiste sortant est écrasé par l’UMP et par
l’abstention qui atteint 43,43%, Belfort, le fief de Jean Pierre Chevènement
détenu depuis 37 ans, Charleville-Mézières, bastion historique de la gauche au
cœur des Ardennes, La Roche-sur-Yon en Vendée, détenue par le parti socialiste
depuis 1977, Limoges socialiste depuis 1990, Nevers depuis 1971, ou encore
Quimper dans le Finistère où le perdant est le conseiller proche de François
Hollande, Bernard Poignant, qui était en place depuis 3 mandats… Et Reims,
Toulouse, Pau, Saint-Etienne, Valence… etc.…
Derrière les élections
municipales se profile une onde de choc terrible pour le parti socialiste. Les
communautés urbaines de Lille, Lyon, Bordeaux, Nantes, Marseille par exemple,
que les socialistes géraient, risquent bien d’être perdues. Les conséquences
pour le parti de la rue de Solferino vont être redoutables et les députés ou
sénateurs qui m’indiquaient craindre le pire –lors de confidences anonymes
ou revendiquées qu’ils me faisaient dans le cadre de mon dernier livre
« L’Imposteur[1] »
que je rédigeais quelques mois avant les élections- ne se trompaient pas. Les
positions municipales permettaient au parti socialiste d’entretenir une armada
d’affidés dans les exécutifs locaux. Avec une hémorragie d’élus et de
fonctionnaires que ces élus faisaient vivre, c’est le parti socialiste lui-même
qui va un peu plus s’étioler…
A la gauche de la gauche, c’est pas mieux
Le constat est là aussi sans appel. Ce que le parti socialiste a perdu n’a pas
bénéficié à la gauche de la gauche qui depuis les présidentielles de 2012 a
l’ambition de se présenter comme le recours.
Là encore quelques résultats symboliques sont sans appel :
a/Bobigny dominé depuis
un siècle par le parti communiste -depuis sa création en 1920 - est terrassée
par un candidat UDI et par 49% d’abstention.
b/Saint-Ouen, un des
bastions historiques du parti communiste, tombe dans l’escarcelle d’un
divers-droite avec une participation qui n’atteint que 55,26%.
c/Villejuif, gérée depuis 1925 par le parti communiste, qui tombe dans les
mains de l'UMP.
....
Mais il y a pire que les résultats arithmétiques. Dans les faits que reste-t-il
en effet du Front de Gauche principalement constitué par le parti de gauche et
le parti communiste ? Le parti communiste pour sauver quelques fauteuils a
privilégié des accords à géométrie variable, parfois dés le premier tour, avec
le parti socialiste. Il s’est ainsi retrouvé sur des listes communes pour les
élections locales avec ceux qu’il est censé combattre au niveau national. Vive
l’austérité et le pacte de compétitivité d’un côté, à bas de l’autre….
Comprenne qui pourra… Il s’est ainsi défini non comme un parti, mais comme une
espèce de fédération ou ses composantes sont plus déterminées par leurs
intérêts que par une orientation commune. En quoi dés lors peut-on encore parler
d’un parti ? Situation explosive au sein du PCF –que l’appareil et les
intérêts particuliers peuvent certes momentanément contenir- mais surtout au
sein du front de gauche. A Paris par exemple, les tensions avec le parti de
Jean Luc Mélenchon ont été à l’extrême. Dés lors le Front de gauche risque
d’avoir bien du mal à se redonner une légitimité que l’absence de cohérence de
sa principale composante lui a ôtée.
L’Imposteur et ses complices
La scène vaut toutes les démonstrations. Nous sommes sur le plateau de France 2
le soir dimanche au soir. Pour la énième fois de la soirée, David Pujadas pose
la même question. Quel que soit l’invité, elle semble l’obséder.
-Alors, va-t-il y avoir
remaniement ? Quand ? …
Chaque fois la même
réponse des émissaires socialistes sur les plateaux de télévision…
-C’est au président de
savoir et de décider…
Et soudain c’est à
Marine Le Pen que le présentateur s’adresse, après avoir recensé la dizaine de
villes –Nîmes, Fréjus, Beaucaire, Béziers, Hayange, Cogolin…- emportées par le
Front National. Il questionne encore…
-Un remaniement, vous
en pensez quoi ?
La leader du
Front national saisit la perche.
-La leçon du soir, ce
n’est pas remaniement ou pas, mais quelle politique demain. Vous allez arrêter
le « pacte de responsabilité » j’espère… dit-elle à l’adresse de
Pierre Moscovici.
-Il nous faut aller
plus vite et plus fort, répond celui-ci sans sourciller.
-Mais le
remaniement ? demande à nouveau Pujadas.
-A quoi sert un
remaniement ? C’est la politique suivie qui compte ! conclut Marine
Le Pen.
La scène serait
grotesque si elle ne révélait le caractère tragique de la situation. Alors que
les ministres socialistes se succèdent pour annoncer qu’il leur faudra aller
« plus vite et plus fort », donc pour qui sait comprendre poursuivre
en l’amplifiant la politique qui a été désavouée et rejetée par les français,
c’est la leader d’extrême droite qui ramène le débat là où il doit être.
Tout cela révèle les complicités dont jouit François Hollande, l’Imposteur qui
a été élu pour une rupture avec Nicolas Sarkozy et qui une fois au pouvoir fait
la même politique, en pire parfois. Les médias, journalistes en vue en tête,
sont les acteurs d’un grand « jeu » qui se borne à savoir si dans le
cadre de la même politique, c’est Pierre, Paul ou Jacques qui occupera le poste
de commandes. Mais nul ne s’aventure sur le contenu de cette politique qui
réalise le consensus PS – UMP et malgré les apparences FN aussi, et que
rejettent les français. Cela transgresserait les règles du jeu au point d’en
perturber le déroulement. Cela remettrait en cause le système, et c’est
précisément cela que nul ne veut. Alors pas un mot sur la politique suivie et
surtout sur le désintérêt que représente un remaniement pour une politique qui
globalement demeurerait identique.
Ce n’est qu’un début
Comme le « jeu » doit se poursuivre, quitte à conduire à la
catastrophe, le parti socialiste, François Hollande et les ministres ont déjà
asséné que la politique qui sera suivie sera globalement la même. Ils se
retranchent derrière les institutions anti-démocratiques de la 5ème république pour se croire tout permis,
et intouchables.
Hollande, l’Imposteur encore et toujours. Elu pour mettre un coup d’arrêt au
Sarkozysme, « moi président » s’est empressé de reprendre la TVA
sociale, de s’inscrire dans les « réformes » des retraites, de
multiplier les cadeaux aux chefs d’entreprises, payés par les contribuables, de
mettre en place l’ANI qui instaure la flexibilité du travail et interdit tout
recourt sérieux, de démanteler un peu plus l’organisation territoriale avec le
nouvel acte de décentralisation, d’entamer le caractère national de l’éducation,
de s’inscrire dans le projet « d’Europe des régions », d’instaurer la
MAP en lieu et place de la RGPP, de liquider toujours les postes de
fonctionnaires et d’entamer notre bien commun, les services publics, au nom
d’économies exigées par le Medef et les marchés financiers, …. La liste n’est
pas close. C’est celle qui a conduit à la débâcle des municipales et qui
annonce une amplification aux prochaines européennes.
François Hollande « l’Imposteur » se trompe-t-il ? Comme me
l’ont confié certains de ses proches[2],
il suivrait un plan de marche établi par ses conseillers avec en ligne de mire
les présidentielles de 2017. Cela en trois étapes. D’abord la réduction dans
son propre camp de ses adversaires potentiels. La mise à mal du PS tomberait à
pic. Ensuite la réduction de la droite parlementaire au profit du FN. Il compte
sur les affrontements au sein de l’UMP et sur la « droite la plus bête du
monde » pour l’y aider. Enfin un duel Hollande Le Pen dont il se verrait
victorieux, comme Jacques Chirac avant lui. Mais c’est là oublier que si
l’histoire se répète parfois, c’est souvent en tragédie ou en farce…
La question posée aujourd’hui est bien celle de la politique suivie. Du
consensus des formations politiques qui toutes se retrouvent au parlement de
Strasbourg ou à Bruxelles pour cautionner les directives qui jouent contre les
peuples au profit du capital financier. Ces questions sont incontournables et
devraient être abordées dans les combats à venir, dont celui qui se mènera pour
le boycott militant des prochaines élections européennes, farce tragique
destinée à faire cautionner l’Union Européenne par les peuples qui la subissent
au quotidien.
Jacques Cotta
Le 31 mars 2014
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