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dimanche 28 septembre 2025

Ru89 avec L'OBS - Pourquoi géolocalisent-ils leurs enfants ? - Dimanche 28 septembre 2025

 



Dimanche 28 septembre 2025

Les parents qui géolocalisent leurs enfants sont-ils de gros fachos ou de grands anxieux ? La question me taraude depuis qu’une de mes amies, alors que l’on buvait un verre en fin d’après-midi, a saisi son téléphone et s’est écriée : « Et bah alors, elle n’est pas rentrée directement du collège ! » Et m’a expliqué le plus naturellement du monde qu’elle avait installé un « tracker » dans le téléphone portable de sa fille de 13 ans, afin de pouvoir pister (avec son accord) chacun de ses déplacements.

J’étais bien sûr au courant que ces outils existaient, mais jamais je n’aurais imaginé que mon amie, une quadragénaire sensée, de gauche, adepte de la communication non violente (elle dit « CNV » sur le ton de l’évidence) et auditrice de podcasts sur l’éducation positive, ait pu céder aux sirènes du flicage numérique. Parce que nous avons entre nous la vanne facile, je l’ai traitée de facho et j’ai tourné en ridicule la mère étouffante qu’elle était devenue – une control freak tout droit sortie d’un épisode de « Black Mirror ».

Adolescentes, n’avions-nous pas, elle et moi, régulièrement trompé la vigilance parentale pour nous offrir quelques innocents moments de liberté ? Aurions-nous connu nos premiers baisers derrière l’arrêt de bus, si nos mères avaient su, en temps réel, si nous étions bien montées dans celui de 18h07 ? Et quid des notions de confiance et de respect de la vie privée, dont nous avons tant exhorté nos parents à faire preuve à notre égard ?

« Ça me rassure », m’a expliqué mon amie, en précisant qu’elle ne parlera pas à sa fille de ce petit détour inopiné – à condition, toutefois, qu’il ne dure pas trop longtemps. « Tu comprends, entre les pédophiles, les mascus et les harceleurs de rue, je ne suis jamais tranquille quand elle est dehors. » Dans un soupir, elle a ajouté, « en tant que féministe, je refuse de lui interdire de sortir en crop top : c’est sa liberté de femme. Mais en tant que mère, ça m’angoisse à mort ». A ce stade, j’ai été obligée de lui rappeler que le risque d’une agression sexuelle ne se mesurait pas à la longueur d’une jupe (ou d’un tee-shirt). Elle en a bien convenu, et on s’est longuement interrogé sur la difficulté de conjuguer convictions humanistes et angoisse maternelle. Une question qui dépasse largement cette histoire de tracker.

Anna Topaloff

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