Pourquoi les hommes ne font-ils pas les valises ? Cette curiosité a récemment animé un déjeuner avec une amie, au détour d’une conversation sur les « nouveaux pères » (une arnaque camouflant de béantes inégalités dans la répartition des tâches au sein des foyers, aussi tenaces qu’une tache de fruit rouge sur une nappe blanche).
Je m’explique : il se trouve qu’une partie non négligeable de l’humanité ne prépare pas son sac lorsqu’elle s’absente quelques jours, pour un week-end ou une semaine de vacances. Dans ce monde parallèle, qui a l’air diablement confortable, cette population n’a pas à compter le nombre de slips nécessaires à une hygiène convenable lors de son séjour, ni la bonne quantité de paires de chaussettes à sortir de l’armoire. Elle n’a pas non plus à consulter la météo pour sélectionner le pull le plus adapté à la température ou prévoir une veste de pluie ou un cache-cou. Quelqu’un s’en charge pour elle.
D’après mes observations, confortées par des sondages d’opinion, des hommes adultes, dotés de toutes les compétences techniques pour réunir quelques vêtements et parfaitement autonomes au regard de la loi, peuplent cette catégorie de privilégiés. #NotAllMen, me répondrez-vous. Très certainement. Il n’empêche qu’en 2023, 54 % des femmes en couple hétérosexuel affirmaient gérer la valise commune au moment des vacances, contre 3 % des hommes interrogés par l’Ifop (43 % assuraient la préparer ensemble).
Le chiffre dérape lorsqu’il est question de la valise des enfants qui, comme vous vous en doutez, ne se boucle pas toute seule. La charge mentale de regrouper les (bonnes) affaires de la progéniture revient encore principalement aux mères – à 71 %, selon ce même sondage, contre seulement 12 % des pères interrogés…
Pas grand-chose ne semble avoir changé depuis le siècle dernier, donc. En 1980, sur le plateau d’Antenne 2, Georges Marchais, alors secrétaire du Parti communiste français, prononce une réplique devenue culte, que nous remémorait récemment « le Monde ». A l’été 1977, Marchais se trouve en Corse avec son épouse, la militante Liliane Grelot, lorsque François Mitterrand rompt avec le programme commun de la gauche. Sentiment de trahison. « J’ai dit à ma femme […] : fais les valises, on rentre à Paris », relate-t-il en plateau, sous les rires du public. Curieusement, cet homme capable de gérer des affaires politiques avait besoin de quelqu’un pour s’occuper des siennes.
Emilie Brouze
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