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vendredi 12 juillet 2024

L'actualité littéraire HEBDO avec BIBLIOBS - vendredi 12 juillet 2024

 



BibliObs

Vendredi 12 juillet 2024

Ces dernières semaines, nos esprits en pleine dissolution ont cherché dans les livres des réponses et un peu de consolation. Parce que, dans ce « moment de clarification », on nageait en réalité en pleine confusion. Mais vers qui se tourner pour tenter de trouver du sens au chaos ? Stefan Zweig et son incontournable chef-d’œuvre « Le Monde d’hier » ? Le deuil d’une Europe disparue - celle d’avant 1914 -, la montée du nazisme et la culpabilité de ne pas avoir su voir le péril… C’est l’évidence, mais pas forcément le meilleur remède à l’angoisse et à la mélancolie. Zweig posta le manuscrit du « Monde d’hier » à son éditeur depuis le Brésil, où il s’était exilé. Le lendemain, le 22 février 1942, il mettait fin à ses jours, trop épuisé par des années d’errance pour « voir encore l’aurore après la longue nuit ».

Bien sûr, nous ne faisons pas face à une tragédie de même ampleur. Mais la menace se fait chaque jour plus pesante, plus pressante. Les régimes illibéraux se propagent en Europe comme un virus. En France, si l’extrême droite n’a pas obtenu le succès électoral que lui prédisaient les sondages, elle n’a jamais été aussi forte. Et le mécontentement, les inégalités et le sentiment d’abandon qui la nourrissent n’ont pas disparu par enchantement. Ni les pyromanes qui jouent avec ce feu. Il n’est qu’à voir la dernière Une d’un mensuel qui ose clamer « L’antifascisme ne passera pas ! ».

Donc, le combat continue. Et s’il est une œuvre à laquelle s’abreuver pour prendre des forces, c’est assurément celle de l’écrivaine italienne Goliarda Sapienza, morte en 1996 et dont on commémore le centenaire de la naissance. C’était en 1924, à Catane, en Sicile, dans une famille d’anarchistes. Une enfance qu’elle a partiellement transposée dans son livre devenu succès mondial et posthume : « L’Art de la joie ». L’histoire crue, violente et charnelle de Modesta, à la fois traversée du XXe siècle et roman d’apprentissage.

Pendant l’entre-deux-tours, les éditions du Tripode qui, après Viviane Hamy, ont diffusé l’œuvre de Sapienza en France, ont posté fort à propos sur les réseaux sociaux une phrase extraite de « L’Art de la joie » : « Mais ne te laisse pas fourvoyer, Modesta, la résistance au fascisme existe. » Nous non plus, ne nous laissons pas fourvoyer. L’arrivée au pouvoir de l’extrême droite n’est pas une fatalité. A nous de faire exister la résistance aux idées qu’elle promeut.

Pour cela, on pourra aussi s’inspirer de Goliarda Sapienza elle-même, d’une pugnacité à toute épreuve malgré les blessures, les humiliations et même un séjour en prison. On décèle son courage dans ses propres livres (citons pour seul exemple cette phrase tirée de ses « Carnets » : « Ne déserte pas juste quand tu commences à comprendre. »), mais aussi dans ceux de son dernier compagnon Angelo Pellegrino (« Goliarda », éd. Le Tripode) et de sa traductrice française Nathalie Castagné (« Vies, morts et renaissances de Goliarda Sapienza », éd. du Seuil). Viva Goliarda !

Elisabeth Philippe

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