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25 novembre 2018
Publications
Les Martyrs de la Libre Pensée
En vente à la librairie de la Libre Pensée
Martyrs et héros
Dans un contexte où les repères sont bousculés, la Libre Pensée prend l’excellente initiative de rendre hommage à ceux qui ont combattu le, ou plutôt les cléricalismes sous toutes les formes. Cette initiative renoue en l’actualisant avec le livre de Maurice Barthélemy, publié en 1904 par la « Librairie de propagande socialiste et anticléricale » : « La Libre Pensée et ses Martyrs, petit dictionnaire de l’intolérance cléricale ».
En 1904, Maurice Barthélemy, membre de l’Association nationale des Libres Penseurs de France, de l’Association anticléricale des Lanterniers (ceux qui soutenaient « La Lanterne », le quotidien anticlérical), mais aussi de la Ligue des Droits de l’Homme, a dressé, seul, un inventaire de ces martyrs. En 2018, ce sont 29 membres de la Fédération Nationale de la Libre Pensée qui ont pris la plume pour une actualisation ! C’est dire le sérieux et la qualité de l’ouvrage, que j’ai le plaisir et l’honneur de préfacer.
Ma désignation provient d’une amitié fraternelle et d’une complicité militante qui me lient à celui qui présente cet ouvrage avec le talent qu’on lui connaît : Christian Eyschen. Il a souhaité illustrer symboliquement, à travers une préface d’un responsable de la Ligue de l’enseignement en charge de la laïcité, la nécessaire convergence entre deux organisations dans les actions pour l’émancipation de tous.
Entre la Fédération Nationale de la Libre Pensée et la Ligue de l’enseignement, c’est une longue histoire d’amour au service des principes républicains. Le meilleur exemple est qu’en 1905, au moment de l’adoption de la Loi de Séparation des églises et de l’Etat, nous avions un même Président, Ferdinand Buisson qui, président par ailleurs de la Commission Parlementaire, a eu un rôle décisif permettant à Aristide Briand et Jean Jaurès de faire adopter cette loi fondamentale.
Mais, comme souvent dans les histoires d’amour, les relations de nos deux organisations ont connu des épisodes de chamailleries plus ou moins intenses, avec même une période à la fin du dernier siècle où, bien qu’ayant des adhérents communs, les responsables nationaux ne se fréquentaient plus. Il y a un peu moins de 15 ans, nous avons Christian et moi, contribué à sortir de cette situation dommageable. Convaincus tous les deux que le dialogue est préférable aux diatribes, nous avons pu constater que nos divergences ne portaient, pour l’essentiel, que sur les conditions de mise en œuvre de principes qui nous étaient communs et que si nos deux organisations n’avaient pas toujours emprunté les mêmes chemins, ni être allées à la même vitesse, la direction était la même. Chaque fois que les fondements laïques ont été menacés, elles se sont retrouvées dans le même camp pour les défendre.
Depuis, le dialogue sans concession mais fructueux a permis d’heureuses initiatives publiques, comme le colloque « Laïcité et libertés publiques » ou le meeting à Paris pour la défense de l’Ecole laïque. La vigilance, la réflexion et l’action communes de nos organisations sont en effet indispensables face aux défis du monde tel qu’il est et tel qu’il devient. L’heure est à l’unité d’action face aux cléricalismes les plus divers. Mais aussi face à ceux qui veulent instrumentaliser la laïcité pour en faire une arme contre les musulmans, rien que les musulmans, tous les musulmans. Dans un contexte complexe, où ceux qui se déclarent défenseurs de la laïcité n’ont pas les mêmes points de vue, il est essentiel que nos deux organisations, ayant une longue expérience, aient une expression commune, sans naïveté ou laxisme face à des comportements inacceptables, mais sans tomber dans des procès d’intention non justifiés.
Pour toutes ces raisons, j’ai bien volontiers accepté la demande de préfacer cet ouvrage où certains des « martyrs » évoqués par Maurice Barthélemy sont présentés sous un jour renouvelé et où d’autres sont ajoutés. Ce sont de grands noms. Car ceux qui les ont porté ont combattu pour leur liberté, et donc pour la nôtre. Avec une mention spécifique pour le Père Noël cher au cœur de tous ceux qui ont su rester enfant et apprécier la poésie et la philosophie liées à la thématique du renouveau portée par le solstice d’hiver. Tous les autres sont des combattants, en général pacifiques, des militants exemplaires par leur idéal et leur courage. Ce sont bien des « martyrs ». Dans la Grèce ancienne, le mot μάρτυς, rendu par le moderne « martyr », signifie « témoin ». Mais lorsque le christianisme se répand en Europe, le « martyr » désigne le tenant de la nouvelle foi qui accepte de sacrifier sa vie. Ses héritiers sacrifieront celle des autres. C’est pourquoi, à martyr, j’ajoute volontiers mot « héros » qui ne charrie pas cet étrange goût du supplice, cette recherche morbide de la souffrance, caractéristiques d’un certain christianisme. Le héros, tel le résistant moderne, risque sa vie pour un idéal. Il est tout entier positif.
Ainsi la vie et l’œuvre de 29 héros combattant pour la liberté de penser sont rappelés dans le présent ouvrage. Vous aurez, j’en suis sûr, plaisir, comme moi à redécouvrir, ou pour certaines sans doute tout simplement à découvrir, les monographies rassemblées. Leur combat est plus que jamais d’actualité. LeMémorial des victimes des religions proposé est édifiant. Je suggère que sa lecture soit prolongée par celle du rapport mondial sur la liberté de penser dans le monde qu’édite depuis 2012, l’Union internationale humaniste et laïque (IHEU), l’ONG qui rassemble une centaine d’organisations laïques. L’idée de ce rapport émane de l'American Humanist Association (AHA) qui constatait que le Département d’Etat américainrendait un rapport annuel sur la liberté de religion dans le monde en ignorant totalement les athées, les agnostiques ou les humanistes. Dans ce rapport, en ligne sur http://freethoughtreport.com/, chaque pays apparaît avec un tableau de notation interactif. Les nombreux faits mentionnés justifient notre engagement.
L’action est toujours indispensable contre les méfaits que génèrent les liens entre le religieux et le politique qui se cristallisent dans des mouvements identifiés. Parmi les nombreux exemples que l’on pourrait citer, au-delà de la présence sur notre territoire de l’islamisme, la situation de Jérusalem est édifiante dans cette « région bénie » par les trois variantes du dieu monothéiste. Dans un ouvrage paru fin 2017 : « Les dieux criminels » (Editions du Cerf), Antoine Fleyfel décrit de façon minutieuse la situation dramatique générée par les actions concurrentes de l’évangélisme sioniste, du sionisme religieux et du salafisme djihadiste.
L’hommage rendu aux « Martyrs de la Libre Pensée » nous rappelle aussi que la liberté de conscience et d’expression doivent en permanence se conjuguer avec les actions pour l’émancipation individuelle grâce à l’accès le plus large à l’éducation et à la culture et pour une démocratie sociale grâce aux luttes collectives au service de la justice et de l’égalité.
Pierre Tournemire
Vice- Président de la Ligue de l’enseignement
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