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mardi 1 janvier 2019

Les Crises.fr - En tant que citoyen saoudien en exil, je sais ce que le régime fait pour faire taire ses détracteurs. Par Ali al-Ahmed

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27.novembre.2018 // Les Crises


En tant que citoyen saoudien en exil, je sais ce que le régime fait pour faire taire ses détracteurs. Par Ali al-Ahmed


Source : Ali al-Ahmed, Consortium News, 29-10-2018
Le 29 octobre 2018
En tant que citoyen saoudien exilé à Washington, D.C., Ali al Ahmed a fait l’expérience directe, depuis 2000, de ce que le gouvernement saoudien est prêt à faire pour faire taire ses critiques, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger.
Le meurtre de l’écrivain saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul, après sa visite au consulat saoudien le 2 octobre, est troublant mais pas surprenant pour moi, ni pour d’autres écrivains et militants dissidents qui donnent une vision critique du royaume et qui en ont payé le prix, généralement par l’exil ou par des poursuites à l’encours de proches.
En tant que citoyen saoudien exilé à Washington depuis 2000, j’ai fait personnellement l’expérience de ce que le gouvernement est prêt à faire pour réduire au silence ses détracteurs à l’intérieur du pays comme à l’étranger. Ces actions remontent à 1979 déjà, lorsque le militant dissident et auteur Naser Al Saeed a été enlevé à Beyrouth, au Liban, en décembre de la même année.
On n’a jamais su ce qu’il était devenu, mais on croit généralement que les services de renseignement saoudiens ont payé des hommes armés de l’OLP pour l’enlever et le ramener à Riyad, où il aurait été tué en secret. (Ironiquement, Khashoggi a travaillé pendant de nombreuses années avec Turki Al Faisal, l’homme qui dirigeait les services de renseignements saoudiens à l’époque et qui est soupçonné d’avoir mené cette opération).
S’opposer à la famille royale saoudienne – surtout si vous préconisez une alternative progressiste au régime actuel – est une entreprise dangereuse, une réalité que j’ai toujours gardée à l’esprit depuis mon déménagement à Washington en 2000, après des études supérieures à Minneapolis.
Quand je suis devenu une voix reconnue de la réforme et de la démocratie, le gouvernement saoudien a utilisé la carotte et le bâton pour me faire taire. En mars 2004, l’ambassade saoudienne a saisi mon passeport lorsque j’ai tenté de le faire renouveler et m’a offert un aller simple pour mon pays. Depuis lors, le gouvernement a tranquillement fait de moi un apatride en me retirant ma nationalité, ce que je n’ai découvert que lorsque ma famille a essayé de faire des démarches administratives dans mon pays.
La monarchie essaie également de me convaincre de rentrer chez moi depuis 2002. En 2007, un haut responsable du renseignement saoudien s’est rendu à Washington pour organiser une rencontre entre l’ancien prince héritier et chef du renseignement saoudien (et frère du roi actuel), le prince Muqrin bin Abdulaziz, et moi-même, au Ritz Carlton Hotel à Tyson’s Corner.
Le prince Muqrin m’a demandé de rentrer chez moi en me promettant richesse et sécurité. J’ai répondu en demandant des excuses publiques à mes parents, et à ma mère en particulier, pour l’avoir jeté en prison. Il a répondu : « L’État ne s’excuse pas. »
Le gouvernement a également utilisé des ressortissants arabes pour m’attirer en Malaisie et au Liban, pays connus pour avoir livré des dissidents au gouvernement saoudien. J’ai eu le bon sens de refuser ces invitations et d’en informer le gouvernement américain.
Une révélation WikiLeaks
Un document WikiLeaks envoyé en 2013 par le ministère saoudien des Affaires étrangères à son ambassade à Washington (à l’époque dirigée par l’actuel ministre des Affaires étrangères Adel Al-Jubair) a ordonné la surveillance de l’Institute for Gulf Affairs (IGA), un groupe de réflexion indépendant fondé en 2001 [et dirigé par l’auteur de l’article, NdT].
De plus, le document indiquait avec précision que l’IGA traversait des difficultés financières – un détail que mon personnel et moi seuls connaissions et dont nous avons appris par la suite qu’il avait été divulgué au gouvernement par un ressortissant saoudien qui avait travaillé avec nous pendant un certain temps avant de rejoindre le gouvernement.
Au cours des derniers mois, j’ai reçu de nombreux courriels de phishing conçus pour pirater mon compte. L’un d’eux était particulièrement troublant parce qu’il illustrait jusqu’où le gouvernement saoudien est prêt à aller pour faire taire ses détracteurs à Washington. Le courriel comprenait une photo de moi assistant à un événement public à l’American Enterprise Institute, ce qui indiquait à coup sûr qu’un agent du gouvernement avait signalé ma présence, extrait ma photo d’une vidéo et me l’avait envoyée dans un courriel de phishing.
En juin dernier, le chef du Comité de relations publiques américano-saoudiennes, Salman Al Ansari, m’a qualifié de terroriste après que j’ai fait état de ses liens avec l’antisémitisme. J’ai répondu par une poursuite en justice, actuellement instruite par la haute Cour de Washington DC.
J’ai reçu des dizaines de menaces de mort, dont certaines sérieuses.
Dans un cas, un jeune Saoudien m’a dit qu’il viendrait à Washington pour me tuer après que j’ai tweeté que le prince héritier Mohamed bin Salman était « faible d’esprit » pour payer 200 milliards de dollars pour construire un méga projet solaire qui remplacerait la Chine comme premier fournisseur de panneaux solaires du monde. J’ai donné cette information à l’ambassade des États-Unis à Riyad et, heureusement, ils lui ont refusé un visa.
Le gouvernement essaie aussi de faire pression en s’en prenant à ma famille, une tactique saoudienne courante. Deux de mes frères ont été arrêtés, et l’un d’eux est en prison depuis plus de 20 ans au motif qu’il est mon frère. Mes neveux ont également été arrêtés ; l’un d’eux a été condamné à huit ans de prison pour avoir assisté à une manifestation.
Ma famille – parents, frères et sœurs, neveux, cousins et cousines, ainsi que de nombreux parents et amis – n’est pas épargnée par les persécutions politiques. Deux de mes cousins ont été tués pendant le soulèvement de 1979, le premier soulèvement populaire arabe. J’ai moi-même été emprisonné à l’âge de 14 ans et j’ai évité de me faire capturer de justesse à plusieurs reprises en fuyant le pays.
Mon histoire n’est pas unique : le gouvernement saoudien persécute régulièrement d’autres dissidents. Le mois dernier, Ghanem Al Dosary (notre Jon Stewart), célébrité des réseaux sociaux et satiriste de renom, a été agressé par plusieurs saoudiens devant Harrods, le célèbre grand magasin de Londres. Cette attaque en plein jour a été filmée, mais aucun des assaillants n’a été arrêté et le gouvernement britannique n’a pas encore fourni d’explication pour son inaction.
Il y a quelques semaines, un jeune homme de Virginie-Occidentale m’a contacté par l’intermédiaire d’un ami commun pour demander de l’aide concernant sa demande d’asile. Cet individu, M. Hamad Al Sudairi, avait été poignardé par un ressortissant saoudien qui l’avait entendu critiquer la corruption en Arabie saoudite. Une critique aussi légère est une raison suffisante pour qu’un fanatique pro-régime tente de commettre un meurtre. L’affaire est maintenant devant un tribunal de Virginie-Occidentale.
La disparition violente de Khashoggi, attribuée au le gouvernement de l’Arabie saoudite, vise à intimider les autres dissidents pour les faire taire et/ou les faire capituler. Malheureusement pour le régime saoudien, l’histoire nous apprend que les despotes ne parviendront jamais à supprimer complètement les voix de la liberté.
Pour ma part, je peux dire que j’ai hérité de cet esprit de dissidence qui peut conférer à notre peuple le pouvoir d’établir un gouvernement moderne accordant des pleins droits pour tous. Ce rêve ne mourra jamais, quel qu’en soit le prix. Nous n’avons qu’une seule vie, et nous devons faire en sorte qu’elle en vaille la peine.
Cet article a été publié à l’origine dans The Daily Caller.
Ali al Ahmed est le fondateur et président de l’Institute for Gulf Affairs.
Source : Ali al-Ahmed, Consortium News, 29-10-2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]
Weilan // 27.11.2018 à 08h32
“Le mois dernier Ghanem Al Dosary, célébrité des réseaux sociaux et satiriste de renom, a été attaqué en plein jour devant le fameux magasin Harrods à Londres. Cette attaque a été filmée mais aucun des assaillants n’a été arrêté et le gouvernement britannique n’a pas encore fourni d’explication pour son inaction”.
Ben non, c’est normal !
Une moitié des forces de police britannique est à la poursuite des méchants Russes qui ont empoisonné Skripal et l’autre moitié surveille l’ambassade d’Equateur afin d’appréhender Julian Assange.

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