HISTOIRE et MÉMOIRE
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VIRIEU - DERNIERS JOURS POUR DÉCOUVRIR L’EXPOSITION “SI LOIN, SI PROCHES”, DANS LES LOCAUX D’ESPERLUETTE
Se perdre dans les yeux des Poilus
L’artiste savoyarde Danielle Berthet est partie de ces objets familiaux, ayant appartenu à son grand-père, pour créer des œuvres, notamment des gravures. L’homme, instituteur de son état, a été tué au front en octobre 1914, à l’âge de 27 ans. Ses effets personnels avaient été renvoyés à sa veuve dans du papier kraft, également exposé à Virieu.
Ce sont des regards où l’on se perd… Bacchantes aux ordres, vareuses impeccables, cheveux gominés. Ce sont des regards un peu perdus, aussi. Ceux de tous ces soldats immortalisés dans leur uniforme, avant que la Grande Guerre ne vienne voler leur jeunesse, tyranniser leur innocence, piétiner la fleur qu’ils avaient glissée dans le canon de leur fusil. En un instant d’éternité, la mitraille, un obus ou même une maladie contractée dans les tranchées de l’enfer a transformé leur destin en un médaillon. Un médaillon accroché à une pierre tombale. Leur dernière demeure.
Une quête sensible, sans fard
Ce sont 160 de ces petites plaques en céramique qui sont exposées, actuellement et pour quelques jours encore, à Virieu, dans les locaux lumineux de l’association “Esperluette, écrit, art”. Le fruit du travail de Christiane Sintès. « En 2010, elle a fait le constat suivant : tous ces hommes qui sont morts à la guerre vont disparaître une seconde fois, lorsque leurs concessions ne seront pas reprises. Elle a décidé de photographier les médaillons de ces soldats dans les cimetières, partout en France », indique Victoria Martinez Saïz, responsable d’Esperluette.
Une quête sensible, les yeux dans les yeux. En ne recherchant ni le parfait, ni le fard. En restituant les craquelures, le soleil qui brûle, l’image qui s’efface. Les affres du temps. On ne sait rien de ce qui se cache derrière cette improbable galerie de portraits. Mais ce n’est pas l’histoire. En ignorant tout de ces hommes, on peut les réincarner à notre guise. Chacun se sent concerné. On retrouvera les traits d’un aïeul tué à l’ennemi. On imaginera les souffrances. La boue, la peur, la mort. C’est aussi leur conférer, de nouveau, une part d’humanité.
Une histoire universelle autant qu’intime
Comme dans cet autre regard, qui se croise avec celui de Christiane Sintès. Danielle Berthet, artiste peintre et graveur, ne s’était jamais intéressée à la Première Guerre mondiale dans son travail. Et pourtant…
Elle avait hérité, de son père, une boîte à chaussures. Dedans, un paquet, envoyé à sa grand-mère au moment de la mort de son mari, tué à 27 ans, en octobre 1914. Dans le papier kraft, des courriers, des pipes, une blague à tabac, un briquet, un couteau, des photos, des lorgnons (l’homme était instituteur) et un carnet. Où l’on peut lire ces derniers mots, rédigés à la hâte au crayon de mine : “Le canon sonne de plus en plus.” De cette histoire toute personnelle, Danielle Berthet a créé des œuvres, gravures et livres d’artiste.
Eux aussi sont à découvrir d’urgence à Esperluette qui, définitivement, propose une immersion dans une histoire lointaine autant que familière. Universelle et intime. Chacun y trouvera son compte, assurément.
Exposition visible jusqu’au 11 novembre, à Esperluette, 112 rue Carnot à Virieu. Vendredi de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h, samedi de 14 h à 18 h et dimanche de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h. Tél. 06 71 28 09 57.
Par Aurélie SOLEGER | Publié le 08/11/2018 à 06:00
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