Achacun son 1er-Mai. A l'approche de cette date destinée à célébrer la Journée internationale de solidarité des travailleurs, et non à fêter le travail, comme le voulait le maréchal Pétain, les cinq centrales syndicales représentatives au niveau interprofessionnel affichent, comme les années précédentes, leur désunion. Il faut remonter à 2012, entre les deux tours de la présidentielle, pour voir la CGT et la CFDT défiler ensemble à cette occasion.
Mais cette année, le 1er-Mai intervient dans un contexte social troublé, avec les mobilisations des cheminots, des fonctionnaires, des étudiants, des retraités ou des salariés des Ehpad et d'Air France. Alors que le premier printemps socialement tendu de l'ère Macron aurait pu être propice à un rapprochement, les confédérations syndicales avancent, chacune, dans leur couloir. Le rassemblement, quand il a lieu, se fait au niveau sectoriel, où les syndicats essaient d'unir leurs forces pour tenter de peser. C'est le cas à la SNCF où la CGT, la CFDT, l'UNSA et SUD-Rail avancent conjointement depuis le début du conflit, mais aussi dans la fonction publique, où la CFDT et l'UNSA ont finalement décidé de rejoindre leurs collègues pour la journée de mobilisation du 22 mai. A Air France également, une large intersyndicale fait bloc. Mais l'unité ne parvient pas à franchir le stade supérieur.
" Unitaire, pour quoi faire ? "Mardi, seul Solidaires devait être aux côtés de la CGT pour manifester
" contre la remise en cause des acquis sociaux " et
" la sélection à l'université ". A Paris, le cortège, dans lequel sera présent le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, partira de Bastille pour rejoindre la place d'Italie. "
Il y a la nécessité pour nous de pouvoir articuler les mouvements sectoriels avec des mots d'ordre plus généraux ", indique Fabrice Angei, de la direction cégétiste. Déjà le 19 avril, la CGT n'avait pas réussi à entraîner les autres centrales pour cette journée interprofessionnelle, qu'elle avait lancée et qui avait faiblement mobilisé. En cause notamment, la
" convergence des luttes " que la confédération appelle de ses vœux mais qui ne convainc par ses homologues et ne prend pas, pour l'heure, sur le terrain.
De son côté, le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, qui hausse le ton ces dernières semaines contre l'exécutif, devait assister à la projection d'un film italien,
7 minuti, de Michele Placido, qui
" met l'accent sur l'importance du dialogue social et de la négociation collective ". Une initiative organisée à Paris par son syndicat, la CFTC et l'UNSA.
" Un 1er-Mai unitaire, pour quoi faire, dans quel objectif ?, interroge la numéro deux cédétiste, Véronique Descacq.
Les cheminots comme les fonctionnaires tiennent à ne pas mélanger leur mouvement et leurs revendications dans quelque chose de plus global. Nous comprenons d'autant mieux cette logique que nous ne souhaitons pas participer à quelque chose de plus politique que syndical. "
La CFE-CGC, qui n'a rien préparé de particulier, n'a pas non plus souhaité rejoindre la CGT.
" Son slogan pour le 1er-Mai n'est pas lisible, estime son président, François Homméril.
La mobilisation est un fusil à un coup. Quand on y va, il ne faut pas tirer à côté. " Quant à Force ouvrière, elle doit se remettre en ordre de marche après son congrès mouvementé de la semaine dernière. Son nouveau secrétaire général, Pascal Pavageau, qui a succédé à Jean-Claude Mailly, devait se contenter de présenter les grandes orientations de son syndicat lors d'une conférence de presse.
" Nous ne nous afficherons avec aucune organisation syndicale : pour le 1er-Mai, il est normal que nous restions au niveau FO ", avait-il déclaré vendredi 27 avril. Certains de ses " camarades " étaient attendus aux côtés de la CGT dans la manifestation parisienne, comme l'union régionale d'Ile-de-France (URIF), qui s'est jointe à l'appel.
Mais la position de FO pourrait évoluer dans les prochaines semaines. Contrairement à M. Mailly, qui rechignait à défiler avec la CGT en novembre 2017 contre la réforme du code du travail,
son successeur devrait se montrer plus ouvert. M. Pavageau a en effet eu mandat du congrès
" pour travailler à une perspective de mobilisation interprofessionnelle dans l'unité la plus large ". Vendredi, lors d'un discours très offensif envers le gouvernement, le nouveau secrétaire général a indiqué à la tribune qu'il prendrait contact
" dès la semaine prochaine " avec les autres leaders syndicaux pour échanger sur le sujet.
Après le 1er-Mai, la fin de la semaine sera également chargée au niveau social. Une nouvelle séquence de la grève à la SNCF – la septième depuis début avril –, aura lieu jeudi 3 et vendredi 4 mai. A ces dates, les salariés d'Air France sont également appelés à cesser le travail. Jeudi, l'intersyndicale des cheminots a aussi prévu des rassemblements à Paris et en province, quatre jours avant leur rencontre à Matignon avec le premier ministre Edouard Philippe. Samedi enfin, une
" marche nationale "pour
" dire stop à Macron et à sa politique ", dont l'idée a été lancée par le député de La France insoumise François Ruffin, se tiendra dans la capitale. Une manifestation à laquelle la CGT a refusé de participer.
" Notre objectif n'est pas de chasser Macron du pouvoir, explique M. Angei.
Le 5 mai n'est ni la date la plus appropriée en termes de timing ni même en termes de contenus. "
Raphaëlle Besse Desmoulières
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