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samedi 12 mai 2018

SNCF : quatre leçons à tirer d'un conflit qui s'éternise


12 mai 2018

SNCF : quatre leçons à tirer d'un conflit qui s'éternise

L'intersyndicale appelle les salariés à se prononcer sur la réforme ferroviaire. Un scrutin jugé sans légitimité par le président de la SNCF

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Alors que s'est achevé, mercredi 9  mai, le seizième jour de grève des cheminots contre la réforme ferroviaire, sur trente-six annoncés, le conflit à la SNCF semble s'être installé dans une routine que n'ont pas brisée les rencontres, lundi 7  mai, entre les syndicats et Edouard -Philippe. Le premier ministre est resté inflexible sur les points fondamentaux de la réforme, tout en laissant entrevoir quelques ouvertures (annonces imminentes sur la dette, implication du gouvernement pour une convention collective de haut niveau). Le nouveau moment qui va courir jusqu'au 23  mai, début de l'examen, en commission, du nouveau pacte ferroviaire par le Sénat, est l'occasion de tirer plusieurs leçons du mouvement en cours.

Le front syndical reste uni Si les quelques gages donnés par le premier ministre, le 7  mai, avaient pour but d'enfoncer un coin dans l'union syndicale, c'est plutôt manqué. Réunis en intersyndicale, mercredi 9  mai en fin de journée, les responsables des fédérations ont fait montre d'une unité sans faille et sans faux-semblants. L'unité syndicale n'a pas chancelé, s'est félicité Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots : " Nous avons des appréciations qui peuvent varier d'un sujet à l'autre, mais cela ne nous empêche pas de nous battre ensemble, de faire des constats identiques ensemble. "
Presque deux mois d'unité syndicale à ce jour, c'est du jamais-vu. " La conscience que la SNCF est à un tournant majeur de son histoire a réduit les habituelles chicaneries,écrit Gilles Dansart, directeur de la lettre spécialisée Mobilettre, et l'un des meilleurs spécialistes du ferroviaire. Cette solidarité de fait a sans doute été négligée par les stratèges gouvernementaux. "

La bataille de communication fait rageGuerre des chiffres, guerre des mots, guerre des postures. Le conflit se cristallise essentiellement dans les escarmouches -incessantes entre le management de la SNCF et les syndicats. Le référendum sur la réforme, appelé par les syndicats " vot'action ", en est le dernier épisode. " La direction de la SNCF affirme que les cheminots soutiennent cette réforme à 80 %, souligne Laurent Brun. Il faut clore les élucubrations de certains dirigeants de la SNCF. " L'intersyndicale a donc, en riposte, décidé d'organiser une consultation, du 14 au 21  mai, sur cette question : " Etes-vous pour ou contre le pacte ferroviaire porté par le gouvernement ? "
Dans Le Parisien vendredi 11  mai, Guillaume Pepy estime que cette consultation n'aura" aucune légitimité. La réforme ferroviaire est un sujet qui ne concerne pas que l'entreprise, mais tous les Français, et qui sera tranché par les élus nationaux dans quelques semaines. Personne ne peut confisquer le débat et le vote au Parlement ", explique le PDG de la SNCF. Quant à " l'opération reconquête " des clients annoncée par M. Pepy dans le même journal, elle ressemble fort à un contre-feu destiné à faire passer au second plan l'annonce du référendum.
" Vot'action, ce n'est pas simplement un vote ", souligne Sébastien Mariani, secrétaire général adjoint de la CFDT-Cheminots. C'est aussi une modalité d'action pour que les cheminots puissent exprimer leur opinion. C'est en même temps un moyen d'échanger avec eux sur les enjeux de la réforme et sur nos propositions. "
Pour les syndicats, cette consultation aura pour intérêt de relancer la mécanique d'un mouvement en phase d'essoufflement. Les taux de participation à la grève donnés par la direction s'érodent, même s'ils restent élevés chez les conducteurs. Pour la journée du 9  mai, le taux global atteignait 14,5  % (le plus bas depuis le début du conflit) et celui des conducteurs, 53  %.
Les investissements publics, sujet qui monte C'est l'une des annonces attendues dans les semaines qui viennent qui pourrait contribuer à faire basculer le conflit. Edouard Philippe s'est engagé à donner des indications chiffrées précises (peut-être le 24 ou le 25  mai lors de sa nouvelle entrevue avec les syndicats) sur le modèle économique global du système ferroviaire.
Outre le sujet de la reprise de la dette de SNCF  Réseau (un peu moins de 50  milliards d'euros) par l'Etat, un autre thème pourrait faire l'objet d'annonces : les investissements publics dans le système ferroviaire et principalement dans le réseau.
Le gouvernement a laissé entendre que son effort en la matière pourrait aller au-delà des 3  milliards d'euros par an déjà programmés pendant dix ans, mais que les syndicats (mais aussi de nombreux experts) jugent insuffisants pour remettre en état le rail français.
Trouver une issue au conflit, un casse-tête" On ne sort de l'ambiguïté qu'à ses dépens ",disait le cardinal de Retz, au temps de la Fronde, au XVIIe  siècle. La leçon de stratégie demeure : l'un des problèmes de l'unité syndicale est que la première fédération qui s'en exonérera risque de le payer cher lors des élections professionnelles, prévues à la SNCF en novembre.
Pourtant, les syndicats réformistes (CFDT et UNSA) ont vocation à être ceux qui aideront à sortir du blocage. Les deux centrales ont travaillé, ou sont en train de le faire, sur plusieurs dizaines d'amendements pouvant être adoptés au Sénat. Elles ont accepté de rencontrer de nouveau la ministre des transports Elisabeth Borne, vendredi 11  mai.
Quels amendements seront retenus par le gouvernement ? C'est l'un des points-clés qui pourraient décider du sort de la grève. Mercredi, l'intersyndicale a exigé du premier ministre la tenue d'une table ronde au début de la semaine prochaine, dont le but premier sera de savoir quels amendements pourraient devenir réalité.
" Pour le moment, les réformistes sont coincés, glisse un bon connaisseur du dossier. Il va falloir que le gouvernement fasse un effort plus substantiel que les quelques mesurettes jusqu'ici concédées. "
Éric Béziat
© Le Monde

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