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lundi 14 mai 2018

L'" ami " chinois du couple Fabius qui a spolié deux fonds français


13 mai 2018

L'" ami " chinois du couple Fabius qui a spolié deux fonds français

Un litige oppose les sociétés Natixis et Impala à une entreprise de thé qui finance l'association de la compagne de l'ancien premier ministre

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Debout devant le pupitre, Laurent Fabius, alors ministre des -affaires étrangères, vient de terminer, ce 30  septembre 2014, son discours lors de l'inauguration de l'exposition " Visages de Chine ", à Toulouse, l'un des événements marquant les 50 ans de relations entre la France et la Chine. Dans la foulée, il se dirige vers l'un des stands dressés pour l'occasion, celui d'une entreprise de thé chinoise, Sanhe, vante ses produits et fait l'éloge de son jeune président, Wu Rongshan.
Un peu plus tard, c'est la compagne de M. Fabius, Marie-France Marchand-Baylet, qui pose devant les photographes, dégustant les thés de cette même société, l'une des principales donatrices de son association Flag France, créée pour valoriser le patrimoine français. Ce n'est pas la première fois que le couple Fabius -célèbre les activités de Sanhe. Ils l'ont également fait en Chine. En  2015, le ministre attribuera la Légion d'honneur à M. Wu.
Au même moment, pourtant, cette entreprise et son dirigeant sont accusés d'escroquerie et de fraudes par deux fonds d'investissement français, Natixis et -Impala, qui tentent, depuis 2011, de récupérer leur créance. En  2014, elle s'élevait, selon eux, à 38  millions d'euros.
Cette sollicitude de l'un des plus hauts personnages de l'Etat, qui deviendra, en  2016, président du Conseil constitutionnel, en faveur d'une société défaillante mais proche de l'association de sa compagne est le principal enseignement du récit d'un long contentieux financier que Le Monde a pu reconstituer et qui dure toujours.
Tout commence en  2010 lorsque Natixis, filiale du groupe Caisse d'épargne, convainc le fonds -Impala (groupe Louis-Dreyfus) d'investir à ses côtés 25  millions d'euros dans une société chinoise spécialisée dans la production de thé. Ils prennent 30  % du capital de Sanhe.
En  2011, le cabinet d'audit américain Ernst &  Young démissionne de son mandat de commissaire aux comptes de Sanhe et lui retire sa certification lors de l'augmentation de capital. Selon le cabinet, les comptes sont faux et des fraudes grossières ont été commises. Jusqu'en  2014, Natixis et Impala ne déposeront aucune plainte, notamment parce qu'ils ont investi par l'intermédiaire d'une société offshore, South Sparkle, dissimulée derrière des coquilles vides logées aux îles Vierges britanniques.
Transaction en 2015Mais les deux fonds espèrent toujours récupérer leur mise grâce à une clause de l'accord initial, -selon laquelle ils peuvent, quatre ans après, vendre leurs parts à M. Wu. En vain. Face au refus de Sanhe d'honorer cet engagement, Natixis et Impala décident d'ouvrir, en  2014, une procédure d'accord transactionnel devant le tribunal de commerce de Paris. Pour conserver une chance de convaincre M. Wu, qui clame sa proximité avec M. Fabius, ils sollicitent le banquier d'affaires Cyril Benoit. Celui-ci a été son conseiller de 1997 à 2002 à la présidence de l'Assemblée nationale, puis au ministère de l'économie et des finances. Dans une note du 6  janvier 2015, M.  Benoit s'inquiète que " M.  Wu se prévaut -notamment de relations personnelles avec le ministre ".
La petite société de Wu figure, en effet, parmi les principaux -donateurs de l'association Flag  France, créée, en juin  2013, par Mme Marchand-Baylet. Le 23  février 2014, en Chine, M.  Fabius, ministre des affaires étrangères, a célébré l'ouverture par Sanhe d'un salon de thé sino-européen dans la ville de Fuzhou, où se trouve le siège de la société. Le site Internet de Sanhe montre le ministre et M. Wu mettre en terre un arbre millénaire pour sceller l'amitié franco-chinoise.
Marie-France Marchand-Baylet a demandé à Sanhe de créer le thé de " l'impérissable amitié ", qui est remis par Laurent Fabius aux présidents Xi Jinping et François Hollande lors de la visite, fin février  2014, du président Xi à Paris. Enfin, grâce aux fonds versés par les donateurs de Flag France, dont Sanhe, la résidence de l'Orangerie de La Celle-Saint-Cloud (Yvelines), qui appartient au Quai d'Orsay, est, en partie, restaurée en  2014.
Un accord est finalement homologué entre les deux parties, en juin  2015, par le président du tribunal de commerce de Paris. Natixis et Impala acceptent d'abandonner quelque 16 millions d'euros de créance. Ils n'ont reçu, à la fin mars  2018, qu'un peu plus de 180 000  euros… Au printemps 2017, Natixis a fini par jeter l'éponge et a cédé à Impala sa part de créance et la gestion du dossier.
" Aucune proximité particulière "Contacté, Impala ne dément pas. Les dirigeants de Natixis ont indiqué, pour leur part, qu'ils " n'avaient plus rien à voir avec cette histoire depuis la cession de leur créance ". L'avocat français de Sanhe, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, n'a pas souhaité réagir aux questions que soulève la proximité existant entre son client, M.  Fabius et Mme Baylet.
M.  Fabius assure au Monde que " le dirigeant de Sanhe - lui - a été présenté en Chine comme un important propriétaire de champs de thé et un ami de la France, sans aucune information défavorable le concernant ". Et précise n'avoir " rencontré l'intéressé que lors d'événements officiels ou protocolaires, ce qui ne dénote aucune proximité particulière ".
" En  2013, plusieurs personnalités du monde économique, dont M. Wu, ont souhaité s'associer aux manifestations initiées par Flag  France pour le 50e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine, explique de son côté au MondeMme Marchand-Baylet. Pendant la durée de nos relations avec Sanhe, personne ne m'a fait part d'un -différend commercial qui l'opposerait à deux fonds d'investissements français. " Mme Marchand-Baylet n'a pas souhaité dévoiler le -montant versé par M. Wu à son association.
Jacques Follorou
© Le Monde

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