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samedi 12 mai 2018

En Italie , les partis antisystème prêts à s'unir


12 mai 2018

En Italie , les partis antisystème prêts à s'unir

Berlusconi a donné son accord pour une coalition entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles

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Des progrès significatifs " ont été faits. Jeudi à la mi-journée, les dirigeants des deux formations ayant remporté les élections législatives du 4  mars, Luigi Di Maio (Mouvement 5 étoiles) et Matteo Salvini (Ligue), ont publié un communiqué au sortir d'une réunion commune dans les locaux de la Chambre des députés. Celui-ci laisse transparaître, pour la première fois depuis plus de deux mois, quelque chose qui ressemble à l'espoir d'une sortie de crise post-électorale.
Dans les minutes suivantes, sur Facebook, le dirigeant des 5 étoiles, tout sourire, exposait sa " joie " et sa " fierté " : " Enfin, nous allons pouvoir commencer à parler des sujets. " Dans le même temps, -Matteo Salvini faisait fuiter, auprès des journalistes, une confidence : " Ça se passe bien… " Les deux hommes ont demandé au président de la République, Sergio Mattarella, quelques jours de plus et, dès l'après-midi, les premières réunions sur un futur " contrat de gouvernement " ont commencé.
Matteo Salvini et Luigi Di Maio se sont donné jusqu'à dimanche pour s'assurer qu'il est possible de donner au pays un gouvernement de coalition. Si celui-ci voyait le jour, l'arrivée au pouvoir, à la tête de la troisième économie de la zone euro, d'une alliance entre la droite radicale souverainiste et une formation - " anti-système " inclassable serait un bouleversement politique dont la portée irait bien au-delà des frontières de l'Italie.
Comment en est-on arrivé là, alors que deux jours plus tôt, des élections anticipées semblaient inévitables ? Les schémas d'alliance se trouvaient empêchés par des obstacles infranchissables. D'un côté, le refus des 5 étoiles de traiter avec Silvio Berlusconi, qui, même diminué, reste un partenaire majeur au sein de la coalition de droite, empêchait la mise sur pied d'une entente droite-5 étoiles. De l'autre, la volonté du Parti démocrate (centre gauche) de rester à tout prix dans l'opposition interdisait toute forme d'alliance entre le M5S et la gauche.
Initiative rejetéeEn désespoir de cause, Sergio Mattarella avait annoncé, lundi soir, son intention de former un " gouvernement neutre ", censé représenter le pays et tenir ses engagements internationaux jusqu'à la fin de l'année. Une initiative aussitôt rejetée par la Ligue et les 5 étoiles, qui réclamaient toutes deux des élections dans les plus brefs délais. Le déclic est venu mercredi soir de Silvio Berlusconi. Pressé depuis plusieurs jours de s'effacer, l'ancien premier ministre a publié un communiqué, rappelant qu'il ne voterait pas la confiance à un gouvernement 5 étoiles, cette formation " n'ayant pas la maturité politique pour assumer cette responsabilité ". Cependant, poursuivait-il, " si une autre formation politique de la coalition de droite veut assumer la responsabilité de former un gouvernement avec les 5  étoiles, nous prendrons acte de ce choix avec respect ". Ce préalable ayant enfin sauté, alors, entre la Ligue et les 5 étoiles, tout devient soudain possible.
Cette position particulièrement alambiquée de Berlusconi, baptisée " abstention critique " ou " opposition bienveillante " par les commentateurs, revient à faire de Forza Italia un parti d'opposition allié à un parti de gouvernement. Mais la démocratie italienne, dans son histoire riche de situations atypiques, n'en a-t-elle pas vu d'autres par le passé ? Avec ce " pas de côté ", Silvio Berlusconi évite d'être stigmatisé comme le principal obstacle au dénouement de la crise. Dans le même temps, il calme la colère de cadres de son parti, peu désireux de retourner aux urnes alors que Forza Italia se voyait promettre, en cas de nouveau vote, un véritable désastre.
Une fois levé cet obstacle, les dirigeants de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles ont donc commencé à rentrer dans le vif du sujet, en examinant comment constituer, à partir des promesses de campagne des deux partis, un projet cohérent. Pour cela, deux jours ne seront pas de trop.
Actuellement, en matière économique et sociale, les indiscrétions qui circulent font état d'accords sur un programme de baisse d'impôts (" flat tax ", pièce maîtresse du programme fiscal de la droite), un " revenu de citoyenneté ", mesure phare des 5  étoiles, et la remise à plat de la réforme des retraites, que l'un et l'autre, durant la campagne, avaient promis d'abroger.
Réactions des marchés financiersSachant que chacune de ces trois mesures, à elle seule, est susceptible de faire exploser les déficits, d'importantes turbulences sont à prévoir sur les marchés financiers, en cas d'accord final. Signe de cette tension croissante, les Bourses ont immédiatement réagi à l'annonce du " pas de côté " de Silvio Berlusconi, celle de Milan s'orientant violemment à la baisse tandis que le " spread " (différentiel de taux avec la dette allemande), cauchemar de la crise des années 2011-2013, repartait à la hausse.
Ces mesures ne manqueront pas, également, de préoccuper Bruxelles, alors que la situation de l'Italie, malgré un incontestable redressement, continue d'être scrutée avec inquiétude. Si Luigi Di Maio, en campagne électorale, avait cherché à rassurer les partenaires européens de l'Italie sur les intentions de son mouvement, la Ligue, elle, n'a cessé de défier l'UE, sur tous les domaines.
Hors des questions économiques, et à vrai dire sur presque tous les sujets, les motifs de tensions ne manqueraient pas avec Bruxelles, des questions sanitaires (les deux partis prônent la fin de la vaccination obligatoire) à la diplomatie (la fin des sanctions envers la Russie fait partie de leurs priorités), en passant par la question migratoire – la Ligue et les 5 étoiles veulent un durcissement des politiques d'accueil en même temps qu'une réforme du dispositif de Dublin, actuellement à l'étude.
Malgré l'ampleur de ces points de convergence, et l'évidente envie, de part et d'autre, de parvenir à un accord, les dissensions entre les deux formations sont tout aussi nombreuses. La plus profonde reste sans doute le décalage culturel entre deux mouvements ancrés dans des zones radicalement antagonistes (le Nord industrieux et dynamique pour la Ligue, le Sud délaissé pour le M5S). Reste aussi l'inconnue de la personne du futur président du conseil. Celui-ci ne sera sans doute ni M.  Salvini ni M.  Di Maio, aussi les états-majors cherchent-ils à s'entendre sur une personne " neutre ", susceptible d'être acceptée par les deux camps. Plusieurs profils circulent, mais subsiste une certitude : le futur premier ministre d'un tel gouvernement, s'il existe, devra être nanti de solides qualités de diplomate.
Jérôme Gautheret
© Le Monde

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