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lundi 14 mai 2018

A Paris, une droite sans chef et sans ligne


13 mai 2018

A Paris, une droite sans chef et sans ligne

En quête d'une tête d'affiche pour les municipales, Les Républicains s'interrogent sur une coalition avec LRM

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Adeux ans des municipales, la droite rêve d'une revanche en -reconquérant Paris, en  2020. " La fenêtre de tir est étroite, mais il y a un coup à jouer ", assure le maire (Les Républicains) du 17e arrondissement, Geoffroy Boulard. Sur le papier, la configuration pourrait sembler idéale : la maire sortante (PS), Anne Hidalgo, est fragilisée, et le parti présidentiel, La République en marche (LRM), qui n'a pas de troupes rompues au combat municipal, devra chercher des alliés.
De leur côté, Les Républicains (LR) tiennent neuf mairies d'arrondissement sur vingt et restent le premier groupe d'opposition au Conseil de Paris. Les guerres des clans et les luttes intestines dans lesquelles se sont abîmés pendant des décennies les " barons " de la droite ont cessé, sous la houlette de la nouvelle patronne du groupe LR au Conseil de Paris, Florence Berthout, qui a resserré les rangs.
Mais la situation de la droite parisienne, même temporairement pacifiée, reste fragile. Depuis le -départ en juin  2017 de Nathalie -Kosciusko-Morizet, battue aux législatives, elle est désespérément en quête d'une tête d'affiche pour les municipales. " Entre une vieille garde complètement carbonisée et une jeune garde au sein de laquelle personne n'émerge, nous sommes dans un désert assez abyssal ", résume l'élu LR du 9e arrondissement, Jean-Baptiste de Froment.
En quête d'un casting, la droite recherche aussi une stratégie. Face à l'absence d'un leader identifié, une partie des élus LR imagine en effet une " coalition " avec LRM portée par un candidat qui ne serait pas nécessairement LR. " Pour gagner face à Hidalgo, nous devons bâtir une offre politique qui rassemble au-delà des vieilles étiquettes ", fait valoir M.  Froment, premier vice-président du groupe.
Transcender les clivagesCe courant macron-compatible au sein de LR est notamment incarné par la maire du 9e arrondissement, Delphine Bürkli. Sans aller jusqu'à prôner ouvertement une alliance avec LRM dès le permier tour des municipales, elle juge que, " si l'on arrive à se mettre d'accord sur un projet d'alternance et de gouvernance, toutes les options sont ouvertes ". Autrement dit, elle n'écarte pas une candidature commune portée par la droite et les macronistes. Le 6  avril, elle a ainsi pris le temps d'arpenter les rues de son arrondissement avec Benjamin Griveaux. Le porte-parole du gouvernement, qui ne cache pas son envie de porter les couleurs macronistes à Paris, venait sonder les commerçants du quartier sur l'enjeu du travail du dimanche. Interrogée sur un éventuel soutien à M. Griveaux, Mme Bürkli refuse de se prononcer avant de savoir si ce dernier sera investi par LRM.
Car la maire du 9e mise aussi sur un autre prétendant, capable selon elle de transcender les clivages partisans : Pierre-Yves Bournazel. Le conseiller de Paris du 18e arrondissement – qui a soutenu les campagnes parisiennes de Françoise de Panafieu (2008) et de " NKM " (2014) – prépare depuis longtemps sa propre candidature. Elu député en  2017, avec le soutien d'Edouard Philippe, il est membre du groupe Agir-Les constructifs à l'Assemblée. A la Mairie de Paris, il siège au groupe LR. " 2020 ne sera pas la victoire d'un camp contre un autre. Il faut en finir avec le gouvernement des partis à Paris ", fait-il valoir.
Son ambition est de réussir à créer " un large spectre " qui irait de la droite à LRM, en passant par des élus centristes, tout en captant des électeurs de gauche déçus par Anne Hidalgo. A ce stade, M.  Bournazel est pourtant loin de susciter l'enthousiasme dans les rangs LR à l'Hôtel de ville. " Bournazel n'est nulle part ! Il n'est ni En marche ! ni LR. Il va falloir qu'il dise où il se -situe ", grince un élu de droite.
La patronne des troupes LR dans la capitale regarde la démarche de M. Bournazel d'un bon œil, mais se garde d'encourager sa candidature ni aucune autre à ce stade. " 2018 ne sera pas l'année des candidatures. Nous devons d'abord cultiver notre jardin, faire pousser nos propositions. L'urgence est de rassembler notre camp ", explique Mme Berthout. Au passage, la maire du 5e arrondissement met en garde ses élus contre la tentation de " s'afficher avec tel ou tel " macroniste à deux ans de l'échéance municipale. " Il faut se garder des combinazione ", insiste-t-elle.
Reste qu'en dehors de M.  Bournazel aucun volontaire ne s'est manifesté pour porter une candidature LR " pur jus " en  2020. La seule à sortir du bois est la maire du 7e arrondissement, Rachida Dati. Interrogée par Le Monde sur l'éventualité d'une candidature, l'ex-garde des sceaux répond que " tout est possible ". " Je prendrai ma décision dans la concertation avec ma famille politique ", précise l'ex-ministre de Nicolas Sarkozy.
Députée européenne, elle se trouve toutefois face un " cruel dilemme ", selon ses mots. Du fait de la loi sur le cumul des mandats, elle devra choisir entre briguer un nouveau mandat au Parlement de Strasbourg en  2019 ou demeurer maire du 7e. " Rachida est passionnée par Paris ", remarque une élue (LR). " Quel que soit mon choix, je prendrai ma part du combat parisien ", s'engage Mme Dati.
" Pas de zigzag "En attendant, la maire du 7e arrondissement fustige le positionnement de M.  Bournazel. " Ceux qui veulent aller sur les plates-bandes d'En marche ! prennent le risque de se faire marcher sur les pieds. La droite parisienne ne doit pas faire de zigzag. Elle doit rester dans sa tranchée et chasser en meute ", poursuit-elle.
Un autre paramètre rend le casting de la droite pour les prochaines municipales compliqué : le nouveau patron de LR, LaurentWauquiez, aura voix au chapitre sur le choix de la candidature. " S'il nous demande de soutenir un profil qui incarne sa ligne populiste,nous nous couperons définitivement des attentes des Parisiens ", s'alarme un élu LR de la capitale.
Nommé par M. Wauquiez, le secrétaire départemental de LR à Paris, Geoffroy Boulard, s'emploie à rassurer les élus dans ses tournées des arrondissements : " Wauquiez n'interfère pas dans les affaires parisiennes, assure l'élu. Il est conscient que sa ligne ne peut pas être celle de la droite dans les grandes métropoles. Il souhaite que nous forgions un discours qui parle à -notre électorat urbain. "
Certains élus LR redoutent toutefois que le patron du parti tente in fine d'imposer son choix. " Si nous investissons un profil LR casher qui court uniquement dans son couloir, on ne fera pas plus de 15  % ", prévient un conseiller de Paris. La droite parisienne se donne jusqu'en  2019 pour dénicher son candidat. En attendant, elle va continuer de donner l'impression de courir dans toutes les directions, comme un canard sans tête.
Béatrice Jérôme
© Le Monde

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