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8
Fév
2018
Si Versailles m’était compté (conté) … Par Guillaume Berlat
Source : Proche & Moyen-Orient, 29-01-2018
SI VERSAILLES M’ÉTAIT COMPTÉ (CONTÉ) – Guillaume Berlat. Décidemment, le président de la République, Emmanuel Macron est sur tous les fronts à la fois. Il symbolise à la fois le retour de la France sur la scène internationale et de la monarchie sur la scène intérieure. Prenons à titre d’exemple la journée du lundi 22 janvier 2018 où l’on annonce une érosion de sa côte de popularité (Cf. sa décision sur Notre-Dame des Landes). Si la France est de retour, la monarchie aussi mais l’humanitaire, c’est du passé.
LA FRANCE EST DE RETOUR
Déplacement du président de la République à l’usine Toyota d’Onnaing dans les Hauts-de-France (annonce de nouveaux investissements avec emplois à la clé) ; participation à la rentrée de la Cour des comptes (Didier Migaud lui rappelle l’urgence de faire des économies et d’en finir avec la politique du rabot1 ; Emmanuel Macron s’attaque au sacrosaint classement de sortie de l’ENA2) ; annonce avec Angela Merkel de la conclusion d’un nouveau traité franco-allemand ; réception à l’Élysée de nombreux investisseurs étrangers en route vers Davos3. Mais, le clou de la journée est bien évidemment le «sommet de l’attractivité » organisé à Versailles4 dénommé en bon français : « Choose France » pour signifier que « France is back »5 au moment où la compétitivité de la France se dégrade encore6, Areva devient Orano7 et le jour où nous avons confirmation du retrait de la candidature de Paris à l’organisation de l’Exposition universelle de 2025. Ce sommet, auquel participe le premier ministre, quinze ministres et 140 dirigeants de firmes étrangères, a pour objectif d’aboutir à des résultats concrets et non pour vanter la France8. On le sait bien, le chef de l’État fait du redressement économique de la France (compétitivité et attractivité9) le marqueur de son quinquennat et de la diplomatie économique l’une des principales priorités des ambassadeurs. Il apparait comme le meilleur VRP de la marque France. Du reste, la méthode Macron convainc les chefs d’entreprise français qui saluent très largement ses premières réformes (droit du travail, fiscalité…). Ces derniers apprécient ses efforts pour renforcer l’attractivité de notre pays même s’il ne suffit pas de la décréter pour la réaliser10.Quid de l’industrie française bien mal en point en ce début d’année 2018 ?11 Certains esprits portés à la dérision prétendent que « la macronisation des grands patrons français est en marche ».On ne saurait mieux dire. La macronite tourne à plein régime.
LA MONARCHIE EST DE RETOUR
Revenons au château de Versailles. Deux cents hauts parmi les plus hauts dirigeants de la planète se sont rendus à l’invitation de Jupiter. L’énergie qu’il déploie intrigue autant qu’elle attire, pour reprendre la formule de Jean-Yves Le Drian. Le « Davos versaillais » a été pensé pour attirer les patrons étrangers, nous dit-on. Mais les chefs d’entreprise y sont aussi en nombre12. « C’est un moment important, qui permet de cristalliser un processus de rétablissement de l’attractivité française engagé depuis des mois », explique Stéphane Boujnah. Le patron d’Euronext se félicite que le président de la République n’ait « pas l’attractivité honteuse ». L’affluence confirme « le revirement flagrant de l’opinion internationale », décrit par Henri Poupart-Lafarge, PDG d’Alstom. La récente tournée de «road-show » de Dominique Cerutti, PDG d’Altran, lui a permis de « mesurer à quel point l’œil de la planète sur la France a changé. On est passé d’un regard compatissant, qui en devenait embarrassant, sur un pays qui semblait à la dérive, à la vision d’un pays qui avance ». Premier résultat concert de cette initiative jupitérienne, Facebook va injecter 10 millions d’euros dans le secteur de la recherche sur l’intelligence artificielle et confirme l’implantation de son centre sur cette thématique à Paris, le premier hors du territoire américain13. Il fait très fort14. Formons le vœu qu’il y en ait d’autres pour le plus grand bien de la France et de son économie au moment où le déficit commercial atteint 63 milliards d’euros pour 2017, à comparer avec les excédents allemands et où le groupe Carrefour annonce la suppression de 2400 emplois dans la même journée ! Qu’ils mangent de la brioche, pourrait clamer le Roi-Soleil Macron à leur propos… dans la langue de Shakespeare qu’il manie avec brio.
L’HUMANITAIRE EST DU PASSÉ
Pour ce qui est des droits de l’homme, ce ne sont pas les brevets d’auto-satisfaction que se décerne régulièrement Jupiter (Cf. son exercice d’auto-célébration devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg) qui impressionnent le président de l’ONG « Human Rights Watch », Kenneth Roth. S’il félicite Emmanuel Macron d’avoir mis « un coup d’arrêt à la vague populiste », il estime que son bilan humanitaire est pour le moins contrasté. Il reproche à notre président de ne « pas être encore à l’aise avec les droits de l’homme quand elle a un coût », pensant mesquinement à l’action de l’Arabie saoudite au Yémen et de la Chine envers les opposants au régime15. Que dit-il de la folie antikurde du président Erdogan ?16 Rien si ce n’est de cultiver l’ambiguïté17. Il est vrai qu’il capitulait en rase campagne devant Theresa May sur la question des migrants sur laquelle il avait annoncé qu’il mettrait au pas la Perfide Albion18.
Dès le surlendemain, Jupiter file sur Davos pour disserter sur le thème « un avenir commun dans un monde fracturé », en une heure montre en main, moitié en anglais, moitié en français. Manifestement, notre président est un amnésique tant il oublie ses envolées lyriques sur l’importance de l’usage du français et de la francophonie dans le monde19. Son discours sur la nécessité de redonner du sens à la mondialisation fustigeant les 1% les plus riches est suivi d’une « standing ovation ». Il martèle : «France is back » et sermonne la terre entière. Dieu soit loué : « Macron peut témoigner, par son destin personnel, que la fréquentation des grands banquiers peut devenir avantageuse. La France attend son tour. En cas de désillusions, gare au boomerang dans la galerie des glaces… »20. Heureusement, le porte-parole de la présidence de la République, Bruno Roger-Petit éclaire utilement notre la lanterne sur cette sauterie royale : « Louis XIV et son imaginaire adapté en macronie, c’est le lieu idéal pour symboliser une France qui rayonne, donc qui attire »21. Décidemment, la macronite aiguë fait de nouvelles victimes22. La morale de cette histoire pourrait revenir à Sacha Guitry en plagiant le titre de son film réalisé en 1954 : « Si Versailles m’était compté (conté)… ».
1 Macron, petit « choose » du déficit, Le Canard enchainé, 24 janvier 2018, p. 2.
2 Soazig Le Nevé, Emmanuel Macron s’attaque au classement de sortie de l’ENA, Le Monde, 24 janvier 2018, p. 10
3 La crise des inégalités s’invite au Forum de Davos, La Croix, 22 janvier 2018, p. 10.
4 Macron veut relancer l’attractivité de la France, Le Monde, 23 janvier 2018, p. 1.
5 Cédric Pietranlunga/Solenn de Royer, Macron se pose en héraut du « France is back », Le Monde, 23 janvier 2018, p. 8.
6 Élise Barthet/Denis Cosnard, La compétivité se dégrade encore, Le Monde, 23 janvier 2018, p. 8.
7 Nabil Wakim, Areva devient Orano : les raisons d’un changement de nom. Une façon de couper les ponts avec l’ère incarnée par Anne Lauvergeon, Le Monde, Économie & Entreprise, 24 janvier 2018, p. 5.
8 Cécile Crouzel, Macron organise à Versailles un « sommet de l’attractivité », Le Figaro Économie, 22 janvier 2018, p. 22.
9 Romaric Godin, Compétitivité et attractivité : les faux-semblants de la politique d’Emmanuel Macron, www.mediapart.fr , 24 janvier 2018.
10 Audrey Tonnelier, La longue marche vers l’attractivité, Le Monde, Économie & Entreprise, 26 janvier 2018, p. 7.
11 Louis Gallois/Pierre-André de Chalendar/Élie Cohen, Peut-on encore sauver l’industrie française ?, Le Monde, Économie & Entreprise, 26 janvier 2018, p. 6.
12 Erik Emptaz, Macron se met une fois de plus en scène au château de Versailles. C’est le règne du Moi-Soleil. Chaud, le Macron Show, Le Canard enchaîné, 24 janvier 2018, p. 1.
13 Vincent Fagot, Facebook lance une offensive de charme en France, Le Monde, Économie & Entreprise, 23 janvier 2018, p. 8.
14 J.-M. Th, Facebook se paie une coupe obole, Le Canard enchaîné, 24 janvier 2018, p. 1.
15 Le Canard enchaîné, 24 janvier 2018, p. 8.
16 Patrice Franceschi (propos recueillis par Alain Léauthier), « Avec sa folie antikurde, Erdogan menace la paix », Marianne, 26 janvier-1er février 2018, pp. 48-49.
17 Marc Endeweld, L’ambigu Monsieur Macron, Points, 2018.
18 Hervé Nathan, À Calais, Macron capitule face à l’Angleterre, Marianne, 26 janvier 2018, p. 9.
19 Michel Guerrin, Francophonie ou cacophonie ?, Le Monde, 27 janvier 2018, p. 24.
20 Hubert Huertas, À Versailles, Macron fait la cour aux rois du monde, www.mediapart.fr , 22 janvier 2018.
21 Solenn de Royer, Pourquoi le chef de l’État utilise si fréquemment Versailles, Le Monde, Économie & Entreprise, 24 janvier 2018, p. 5.
22 Jack Dion, La macronite aiguë fait de nouvelles victimes, Marianne, 26 janvier-1er février 2018, pp. 52-53.
1 Macron, petit « choose » du déficit, Le Canard enchainé, 24 janvier 2018, p. 2.
2 Soazig Le Nevé, Emmanuel Macron s’attaque au classement de sortie de l’ENA, Le Monde, 24 janvier 2018, p. 10
3 La crise des inégalités s’invite au Forum de Davos, La Croix, 22 janvier 2018, p. 10.
4 Macron veut relancer l’attractivité de la France, Le Monde, 23 janvier 2018, p. 1.
5 Cédric Pietranlunga/Solenn de Royer, Macron se pose en héraut du « France is back », Le Monde, 23 janvier 2018, p. 8.
6 Élise Barthet/Denis Cosnard, La compétivité se dégrade encore, Le Monde, 23 janvier 2018, p. 8.
7 Nabil Wakim, Areva devient Orano : les raisons d’un changement de nom. Une façon de couper les ponts avec l’ère incarnée par Anne Lauvergeon, Le Monde, Économie & Entreprise, 24 janvier 2018, p. 5.
8 Cécile Crouzel, Macron organise à Versailles un « sommet de l’attractivité », Le Figaro Économie, 22 janvier 2018, p. 22.
9 Romaric Godin, Compétitivité et attractivité : les faux-semblants de la politique d’Emmanuel Macron, www.mediapart.fr , 24 janvier 2018.
10 Audrey Tonnelier, La longue marche vers l’attractivité, Le Monde, Économie & Entreprise, 26 janvier 2018, p. 7.
11 Louis Gallois/Pierre-André de Chalendar/Élie Cohen, Peut-on encore sauver l’industrie française ?, Le Monde, Économie & Entreprise, 26 janvier 2018, p. 6.
12 Erik Emptaz, Macron se met une fois de plus en scène au château de Versailles. C’est le règne du Moi-Soleil. Chaud, le Macron Show, Le Canard enchaîné, 24 janvier 2018, p. 1.
13 Vincent Fagot, Facebook lance une offensive de charme en France, Le Monde, Économie & Entreprise, 23 janvier 2018, p. 8.
14 J.-M. Th, Facebook se paie une coupe obole, Le Canard enchaîné, 24 janvier 2018, p. 1.
15 Le Canard enchaîné, 24 janvier 2018, p. 8.
16 Patrice Franceschi (propos recueillis par Alain Léauthier), « Avec sa folie antikurde, Erdogan menace la paix », Marianne, 26 janvier-1er février 2018, pp. 48-49.
17 Marc Endeweld, L’ambigu Monsieur Macron, Points, 2018.
18 Hervé Nathan, À Calais, Macron capitule face à l’Angleterre, Marianne, 26 janvier 2018, p. 9.
19 Michel Guerrin, Francophonie ou cacophonie ?, Le Monde, 27 janvier 2018, p. 24.
20 Hubert Huertas, À Versailles, Macron fait la cour aux rois du monde, www.mediapart.fr , 22 janvier 2018.
21 Solenn de Royer, Pourquoi le chef de l’État utilise si fréquemment Versailles, Le Monde, Économie & Entreprise, 24 janvier 2018, p. 5.
22 Jack Dion, La macronite aiguë fait de nouvelles victimes, Marianne, 26 janvier-1er février 2018, pp. 52-53.
LA RÉPUBLIQUE DES RÉSEAUX – Ali Baba. Tout va pour le mieux dans notre République en marche vers la transformation nous assène-t-on avec une rigueur de métronome à longueur de journée dans les médias ! Tout change : le code du travail est rénové pour remplacer l’ancien, trop épais et trop sclérosant, pour faire avancer la société française dans le bon sens : celui de l’efficacité et du mérite personnel. Finie la République des copains et des coquins ainsi que la pratique mortifère des réseaux de tous ordres qui noyautaient tout le système français dans le passé ! Le changement, c’est maintenant comme le déclamait François Hollande. Nous pouvons mesurer in concreto les résultats de ce slogan de campagne pour gogos et autres idiots utiles. Désormais, avec Jupiter, c’est du sérieux comme aurait dit Nicolas Sarkozy ! Pour bien montrer la distorsion entre les paroles et les actes et illustrer notre propos, nous nous limiterons à deux exemples récents.
Le premier exemple concerne notre délicieuse et très discrète ministre chargée des Affaires européennes, Nathalie Loiseau à tel point que l’on peut se demander si elle existe, n’étaient ses apparitions muettes et télégéniques à la sortie des conseils des ministres à Paris ou à la poursuite de Jupiter en marge d’une réunion européenne à Bruxelles. Heureusement, la livraison du 11 janvier 2018 d’une feuille bien lue dans le microcosme parisien (wwwLaLettreA.fr) nous rassure pleinement sur l’effectivité de cette sous-ministre qui avait sous-évalué son patrimoine immobilier à la HATVP. Reconnaissons-lui le « droit à l’erreur », très à la monde nos jours ! Qu’apprend-on d’elle dans un article paru sous la rubrique « Entourages » malicieusement intitulé : « Nathalie lOiseau, de l’aile JuPPé du Quai à la cuisse de JuPiter » ? Principalement trois faits fondamentaux pour sa pratique de la diplomatie européenne. Tout d’abord, elle est entourée d’une équipe de professionnels de la communication (« les diplos de la com’ »). Ensuite, elle fréquente et anime tous les cercles importants de femmes d’influence (« Femmes d’influence »). Enfin, elle dispose de bon nombre de copains à droite comme au centre et, bien entendu, de La République en marche (« Ses copains d’avant »). Curieusement, nous n’apprenons rien sur sa vision de l’Europe. Est-ce un oubli du plumitif auteur de ce poulet ou bien son silence traduit-il l’inconsistance de notre (l)oiseau rare qui n’a jamais servi dans la galaxie européenne auparavant ? Mais, est-ce bien utile de nos jours à l’époque de la com’ et du paraître ?
Le second exemple concerne l’ex-ministre des Armées (et plus qu’éphémère, elle n’avait été en fonction qu’un petit mois), Sylvie Goulard qui fait aujourd’hui un « happy come back » dans le monde de la finance qui nous avait été annoncé quelques heures avant sa nomination en Conseil des ministres par le volatil du 17 janvier 2018 (« Parachutage en or »). Notre eurobéate, qui avait involontairement confondu finances du Modem et du parlement européen, vient d’être recasée, six mois après sa démission rapide, comme « seconde sous-gouverneure de la Banque de France ». Son traitement ne nous est pas indiqué, vraisemblablement au nom de la transparence de la vie publique. Nous apprenons qu’elle avait fait partie des soutiens à la nomination de l’actuel gouverneur, François Villeroy de Galhau en 2015 et qu’elle remplacera Denis Beau qui progressera comme premier vice-gouverneur. Il faut bien le reconnaître que cette licenciée en droit, diplômée de Sciences-Po, ancienne élève de l’ENA (elle était sortie au Quai d’Orsay), ex-députée européenne ne dispose d’aucune compétence financière spécifique. Mais, qu’à cela ne tienne, elle sera notamment chargée des « affaires européennes et internationales ». Ouf ! C’est tant mieux pour cette européenne viscérale. S’occuper de finances à la Banque de France lorsqu’on pourrait être mise en examen pour des affaires de gros sous (Cf. enquête préliminaire sur les assistants parlementaires du Modem soupçonnés d’être des emplois fictifs remontant à l’époque où elle était député européenne), cela ne manque pas de sel. Une bonne nouvelle n’arrive jamais seule. En effet, nous apprenons grâce au site mediapart que la sous-gouverneure de la Banque de France, Anne Le Lorier, part à la retraite et devrait profiter du maintien de son salaire pendant trois ans, soit près de 700 000 euros. Alors que la banque prône une politique d’austérité envers les smicards ou les épargnants modestes (Les parachutes en or de la Banque de France).
« La capacité de certains à se comporter en voyous est incommensurables » écrit l’ex-député P.S. René Dosière qui a consacré la majeure partie de sa vie politique à promouvoir la transparence et la moralisation de la vie publique. Tout change pour que rien ne change ! Tel est bien le mantra de la République macronienne. On recase les copains, les copines (parité oblige) comme dans un casting de film. La France reste, et restera longtemps encore, une République des réseaux – et les femmes y prennent aujourd’hui toute leur juste part – au mépris de la méritocratie qui est pourtant censée être sa boussole. Y compris le grand journaliste qui n’a pas inventé l’eau chaude et qui a pour nom Vincent Jauvert vient de la découvrir après deux années d’enquête minutieuse dans sa bible qu’il intitule Les intouchables d’État. Bienvenue en Macronie ! Jupiter joue à la perfection sa partition d’équilibriste entre ce qu’il promet et ce qu’il fait. Mais des mots à la réalité, il y a un gouffre. Bravo à l’artiste, au chef d’orchestre de la République des réseaux.
LE QUAI D’ORSAY PAR LE PETIT BOUT DE LA LORGNETTE – Jean Daspry. Un amateur de mémoires de diplomates, par la première et la quatrième de couverture alléché, se précipita sur un livre perché à bonne hauteur sur le rayonnage de la libraire. Tout était fait pour l’inciter à en faire l’acquisition pour la modique somme de 21 euros. Le titre : « Une vie au Quai. De la guerre froide au chaos du XXIe siècle», tout un programme ! Le contenu annoncé, « Un voyage dans la diplomatie française où se mêlent évènements historiques, anecdotes et épisodes romanesques », une envie de de découvrir ce nouveau visage de la diplomatie. L’auteur, Richard Duqué, un nom prédestiné, un ambassadeur à la brillante Carrière. L’éditeur, la Société d’édition Les Belles Lettres, Manitoba, un cadre rêvé pour un diplomate écrivain. En un mot, comme en cents, confronté à un monde complexe, le béotien jubile. Il vient de découvrir la pépite d’or, la pierre précieuse au milieu d’une abondante littérature de bas niveau. Cet ex-collaborateur de Jacques Chirac et d’Alain Juppé, qui a occupé d’importantes fonctions pendant quarante-deux ans, va enfin nous livrer d’utiles et indispensables clés de lecture de cet embrouillamini que constitue la « mêlée mondiale » (Hubert Védrine) à la charnière de deux siècles, de deux mondes. Qui de mieux placé que cet ancien élève de Sciences-Po Paris et de l’ENA (promotion Charles de Gaulle) pour lever le voile sur ce monde imprévisible ?
Effectivement, Richard Duqué nous entraîne dans un périple diplomatique s’étalant sur quatre décennies (42 années plus précisément) qui ont vu notre planète passer de la guerre froide aux espérances de la « Fin de l’Histoire » pour parvenir aux turbulences de la « mondialisation malheureuse ». Le style est sans reproche, retenu… très Norpois de la Recherche du temps perdu de Marcel Proust hormis quelques piques contre certains de ses chers collègues ou autres politiques. Les anecdotes avec les grands de ce monde (Jacques Chirac, Valéry Giscard d’Estaing, Alain Juppé, Dominique de Villepin, le président mexicain, quelques secrétaires généraux de l’OTAN…) ne manquent pas. L’envers du décor diplomatique fourmille de détails piquants, parfois croustillants (dans des limites très raisonnables). L’auteur débute sa Carrière en 1972 à la « Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques » (DGRSCT) où il s’ennuie et la conclut, après avoir été inspecteur général, avec le titre ronflant de « conseiller diplomatique du gouvernement » dans ce qu’il qualifie lui-même de « cimetière des éléphants » (bureau situé boulevard des Invalides loin du Saint des Saints) où il s’occupe vaille que vaille. Il fait valoir ses droits à la retraite en mars 2014. Mais deux ans plus tard, il passe le relais à sa fille Mariana qui intègre le Quai d’Orsay par le « concours sélectif » de secrétaire des Affaires étrangères. La boucle est bouclée par un épilogue sous forme de lettre datée de juillet 2017 adressée à cette même Mariana dans laquelle il décrit sommairement les risques et menaces qui pèsent sur le monde de ce début du XXIe siècle. Rien de très original dans cette présentation finale de trois pages qui énumère « les défis d’un monde instable et dangereux ».
Force est de constater, qu’à l’issue de la lecture de ces quelques deux cents soixante pages, le lecteur reste sur sa faim. Si anecdotes il y a (et elles ne manquent pas), vision stratégique, prospective, il n’y en a point (elle est inexistante). Rien à voir avec la profondeur des divers ouvrages de Gabriel Robin ou d’Alain Dejammet (tous deux ambassadeurs de France dignitaires) qu’il cite dans sa « Vie au Quai d’Orsay » ! Et cela est d’autant plus regrettable de la part d’un brillant diplomate qui a été trois fois en poste à l’OTAN dont la dernière comme ambassadeur avant de l’être le premier ambassadeur auprès de l’UEO à Bruxelles sans oublier le Mexique et conseiller diplomatique adjoint de Jacques Chirac à Matignon et d’Alain Juppé au même endroit sans parler de porte-parole de son collègue de promotion Alain Juppé au Quai d’Orsay et plus proche collaborateur du secrétaire général du Quai d’Orsay, André Ross. Il a été Consul général à New York au moment des attentats du 11 septembre 2001 et l’un des plus dignes successeurs de Jean Giraudoux à l’Inspection générale. De deux choses l’une, soit Richard Duqué ne pense pas (un travers répandu chez les diplomates), soit il ne nous dit pas ce qu’il pense (c’est un grand cachotier). Comme quoi, lorsqu’on est ancien élève de l’ENA, on peut faire une brillante carrière au Quai d’Orsay « en pantouflard, en intriguant, en sportif » (expression qu’il met dans la bouche de Christian d’Aumale qui le reçoit avec ses sept autres collègues de promotion en 1972). Il est vrai que notre déception est immense en abordant la dernière page de ce survol d’une longue et riche expérience diplomatique. C’est à croire que les diplomates français ne pensent pas ou ne pensent qu’à leur Carrière avec un « C » majuscule ! Aucune épaisseur stratégique dans ce récit mondain. On comprend mieux pourquoi la diplomatie française est aussi peu efficace pour anticiper hormis pour monter des coups qui ne débouchent sur rien de concret. On découvre – est-ce une surprise ? – que les affectations de haut niveau se font plus sur la base du copinage que sur celle de critères objectifs comme on voudrait nous le faire croire à longueur d’année (Cf. la procédure de transparence qui est opaque et les comités de sélection qui sont des farces). Où est la réflexion qui devrait constituer la majeure partie du travail diplomatique ? C’est à croire qu’il ne s’est rien passé à cheval sur ces deux siècles. On aurait aimé avoir une analyse prospective de l’Alliance atlantique après trois séjours à Evere et de la défense européenne. Nous en sommes privés. Pourquoi ?
En guise d’épilogue, nous déconseillons vivement la lecture de cet opus magnum de l’anecdote diplomatique sauf pour ceux, et ils sont nombreux par chance pour l’auteur, qui souhaitent découvrir le Quai d’Orsay par le petit bout de la lorgnette. Ils ne seront pas déçus…
LA VÉRITÉ DES HÉMICYCLES – Jean Daspry. Le 22 janvier 1963, le Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer signaient un traité de coopération destiné à sceller la réconciliation entre la France et la République Fédérale d’Allemagne après trois conflits meurtriers, traité plus connu sous le vocable de traité de l’Élysée. Cinquante-cinq ans plus tard, le 22 janvier 2018, Angela Merkel et Emmanuel Macron célèbrent sobrement l’évènement à Paris tout en évoquant l’idée d’une renégociation de ce traité fondateur de la relation franco-allemande (par abus le langage, on parle encore de « couple franco-allemand », qui au fil du temps, se transforme en vieux couple vivant sous le régime de la communauté réduite aux acquêts). Pour ce qui les concerne, l’assemblée nationale et le Bundestag décident de célébrer à leur manière l’évènement en procédant à un échange symbolique de présidents des chambres. Excellente initiative pour renforcer le lien entre nos deux pays par le truchement de la représentation nationale ! François de Rugy intervient en allemand à Berlin devant une assemblée réunie au grand complet. Pas un parlementaire ne fait défaut. La chancelière, Angela Merkel ainsi que plusieurs membres du gouvernement sont également présents pour marquer la solennité du moment et leur déférence au représentant de la France. Wolfgang Schaüble intervient à Paris en français devant une assemblée nationale clairsemée, quasiment vide durant son discours. Deux tiers des députés de la République en marche avaient mieux à faire et n’ont pas cru bon d’honorer de leur auguste présence leur hôte d’un jour. Le premier ministre (premier sinistre pour reprendre la formule tout à fait appropriée de Coluche) avait lui aussi mieux à faire, recevant à la même heure les dirigeants du nouvel exécutif corse venus vomir à Paris contre l’odieuse métropole. En catastrophe, deux victimes sont désignées et dépêcher à la hâte pour tenir fièrement le banc du gouvernement, le très médiatique Nicolas Hulot et la très discrète sous-ministre déléguée aux Affaires européennes, Nathalie Loiseau. Le reste du gouvernement, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian en tête, n’ont pas jugé opportun de faire le déplacement au Palais-Bourbon. Les Allemands, qui sont des gens sérieux et qui ont la mémoire longue, auront apprécié la délicatesse de l’exécutif et le raffinement du législatif, ces « célébrations en petite pompe ». Un excellent exemple d’arrogance de la « grande nation» pour reprendre le surnom dont la France est affublée Outre-Rhin. Un excellent exemple de manque de tact, de savoir-vivre élémentaire lorsque l’on est censé représenter dignement son pays, la France. Cela ressemble à de la vulgaire grossièreté, à une méconnaissance coupable des règles élémentaires du protocole qui gouvernent les relations entre États, règles qu’ils ignorent superbement ou qu’ils piétinent allégrement. Au même moment, Jupiter chapitrait la terre entière à Davos, chantant à tue-tête sur l’air des lampions : « France is back » en français dans le texte, pour mieux défendre la langue de Molière « out of France ». La France est bien de retour mais renoue avec ses plus mauvais travers, avec ses plus mauvais démons. La République est en marche… arrière. Même en diplomatie, surtout en diplomatie, les symboles comptent beaucoup. La forme a accentué le fond. Il est périlleux, voire impossible de se présenter en modèle lorsque l’on se comporte comme de tels goujats. Nos députés, qui auraient beaucoup à apprendre de leurs homologues allemands, ont amplement démontré à l’occasion de cet anniversaire du traité de l’Élysée qu’ils pouvaient maîtriser autant que mépriser les usages protocolaires. Telle est la triste vérité des hémicycles !
L’AFRIQUE DU SUD DECLARE A L’ONU QU’ISRAËL EST LE SEUL PAYS D’APARTHEID DANS LE MONDE D’AUJOURD’HUI – Middle East Monitor, 25 janvier. Le gouvernement sud-africain a décrit Israël comme le seul état d’apartheid au monde, dans un commentaire lors d’une session du Conseil des Droits Humains des Nations Unies (UNHRC) à Genève. S’exprimant lors de l’Examen Périodique Universel d’Israël, un processus par lequel chaque membre de l’ONU voit son dossier droits humains évalué tous les cinq ans, le représentant de l’Afrique du Sud a déclaré qu’Israël est “le seul état au monde pouvant être décrit comme un état d’apartheid”. Le commentaire fut repris dans un Tweet par John Fisher, directeur à Genève de Human Rights Watch. S’exprimant avant la réunion, le collègue de Fisher à Human Rights Watch, Omar Shakir a déclaré que l’organisation internationale des droits avait mené sa propre étude sur le dossier d’Israël, concluant qu’Israël avait “perpétré des crimes de guerre”, ainsi que des “discriminations institutionnelles contre les Palestiniens”. D’autres états membres, dont l’Allemagne, soulignèrent et critiquèrent la politique israélienne de “sanction collective ” en territoire palestinien occupé, comme les démolitions de maisons. « Les pratiques israéliennes à l’égard du peuple palestinien et la question de l’apartheid » traduction française du rapport préparé par Richard Falk et Virginia Tilley pour la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO) des Nations Unies, avec le consentement des auteurs, sous la responsabilité du collectif de traducteurs bénévoles Poolpal, par AA, JPB, JCh, SF, CG, LGr, JMF et JPP – 16 mai 2017
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Source : Proche & Moyen-Orient, 29-01-2018
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