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vendredi 2 février 2018

L'association Anticor évincée du dossier judiciaire Bygmalion


2 février 2018

L'association Anticor évincée du dossier judiciaire Bygmalion

La Cour de cassation annule la constitution de partie civile de l'association anticorruption dans l'affaire liée au financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012

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Quelle place les asso-ciations de lutte contre la corruption peuvent- -elles tenir dans la justice en se constituant partie civile ? Celle qui est prévue par la loi du 6  décembre 2013. Rien de plus. En faisant cette lecture stricte de la loi, la Cour de cassation a décidé mercredi 31  janvier d'annuler la constitution de partie civile de l'association anticorruption Anticor dans l'affaire Bygmalion.
Lorsque viendra le procès de cette affaire de fausses factures entre la société Bygmalion et l'UMP liée au financement de la campagne de Nicolas Sarkozy pour l'élection présidentielle de 2012, il ne restera donc plus qu'une partie civile, en l'occurrence le parti Les Républicains. Or, s'inquiète Jérôme Karsenti, l'avocat d'Anticor, " cette partie civile passe sont temps à être du côté de la défense de Nicolas Sarkozy pour surtout limiter sa responsabilité dans cette affaire  et ne rien demander à la justice qui puisse le gêner ". " Ce n'est pas conforme à l'intérêt général, car l'ouverture de ce type de procès à la société civile est légitime et utile tant que le parquet est soumis hiérarchiquement  au pouvoir politique ", affirme de son côté l'ancien magistrat Eric Alt, vice-président d'Anticor.
Dans l'information judiciaire ouverte notamment pour financement illégal de campagne, escroquerie et faux, Guillaume Lambert, l'ex-directeur de campagne de Nicolas Sarkozy, mis en examen comme lui, a contesté la constitution de partie civile d'Anticor et a été rejoint par le parti de l'ex-président de la République. Le juge d'instruction Serge Tournaire avait cependant décidé de valider l'entrée de l'association anticorruption dans la procédure. Une décision confirmée le 12  janvier 2017 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris. La Cour de cassation leur donne tort à tous les deux.
" Cette décision met un coup d'arrêts aux pratiques de ce type d'associations qui se constituent partie civile dans des dossiers où elles pensent avoir vocation à faire le travail des procureurs ", se félicite Patrice Spinosi, l'avocat de M. Lambert. " Il n'y a pas un droit à intervenir dans n'importe quelle enquête politico-médiatique ", souligne-t-il. Selon lui, il y avait " une tendance, qui était une dérive, à voir des associations jouer les procureurs privés et prendre des positions qui relèvent du ministère public ".
" Revirement de jurisprudence "M.  Karsenti y voit un " revirement de jurisprudence " de la Cour de cassation. En  2010, dans un arrêt sur la constitution de partie civile de l'association Transparency international dans l'affaire des " biens mal acquis ", elle avait ouvert la notion d'intérêt à agir pour ce type d'association. En dehors des victimes qui subissent un préjudice direct d'une infraction, le code de procédure pénale prévoit en effet précisément le type d'asso-ciations qui peuvent intervenir en fonction du type de délit ou crime (consommation, violence faites aux femmes, etc.).
Pour entériner cette jurisprudence, la loi du 6  décembre 2013 avait ajouté un article  2-23 au code de procédure pénale autorisant les associations de lutte contre la corruption agréées à se constituer partie civile dans des affaires de corruption, trafic d'influence ou blanchiment. Or, aucune de ces infractions ne correspond à celles retenues dans l'affaire Bygmalion. Le juge d'instruction et la cour d'appel ne l'avaient pas nié, mais s'étaient référés à la jurisprudence de 2010 pour estimer qu'Anticor, ayant manifesté sa préoccupation sur le thème du financement de campagne électorale, était légitime à agir. Au contraire, selon la juridiction suprême, l'association agréée par le ministère de la justice en  2015 ne peut pas sortir du champ d'intervention strictement délimité par la loi de 2013.
Désormais, l'affaire Bygmalion va reprendre son cours judiciaire. Le juge Tournaire avait signé en février  2017 le renvoi devant la justice correctionnelle de Nicolas Sarkozy et de treize autres pro-tagonistes, dont Bastien Millot, ancien dirigeant de Bygmalion, et Jérôme Lavrilleux, ex-directeur adjoint de la campagne. Mais des recours sont actuellement pendants devant la chambre de -l'instruction.
J.-B. J.
© Le Monde

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