Un nombre d'effets secondaires inédit. C'est ainsi que l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qualifie les signalements d'effets indésirables de la nouvelle formule du Levothyrox (laboratoire Merck), sur le marché depuis mars 2017. Touchée par cette crise, l'Agence a rendu public mardi 30 janvier le deuxième rapport de pharmacovigilance. Qui soulève encore de nombreuses questions.
Si la grande majorité des quelque 2,6 millions de personnes, principalement des femmes, -prenant ce médicament, destiné à soigner l'hypothyroïdie ou après une opération de cancer de la thyroïde, ne sentent pas de -modification, 0,75 % des patients ont signalé des effets indésirables, souligne ce rapport.
A fin novembre 2017, 17 310 personnes avaient déclaré des effets indésirables : 12 248 cas signalés du 15 septembre au 20 novembre 2017 se sont ajoutés aux 5 062 cas de fin mars à mi-septembre.
" Une fréquence de signalement totalement inattendue ",note l'ANSM, avec un pic en juin-juillet. Elle l'attribue à
" l'effet -amplificateur des réseaux sociaux " et au fait que, depuis le 13 mars 2017, les patients peuvent eux-mêmes déclarer ces effets sur la base nationale de pharma-covigilance (signalement. gouv. fr), alors qu'auparavant seuls les -médecins pouvaient le faire.
Au total, cela représente environ 68 000 effets indésirables recensés par les Centres régionaux de pharmacovigilance. Fatigue, maux de tête, insomnies, vertiges, dépression, douleurs articulaires et musculaires, chute de cheveux… sont les symptômes les plus fréquemment rapportés. Des symptômes
" déjà connus avec l'ancienne formule du Levothyrox ", précise l'ANSM. L'analyse de ces données
" ne met pas en évidence d'effets nouveaux depuis la première enquête, en termes de nature et de gravité des cas ", ajoute le rapport, qui exonère à ce stade la nouvelle formule, rappelant que la prise au long cours de ce médicament, dont le dosage reste délicat, se traduit souvent par l'apparition d'effets secondaires temporaires.
Parmi ces signalements, 2 694 cas graves ont été rapportés dans ce deuxième rapport, un peu plus que dans le premier (2 615 cas graves) dont 19 décès en tout. Mais
" aucun lien n'a été établi avec la nouvelle formule ", a souligné Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale adjointe de l'ANSM.
" On étudie attentivement chaque décès. " De même, sur les autres cas graves analysés (hospitalisation, invalidité…),
" ces effets n'ont pas de lien non plus avec la nouvelle formule ", renchérit-elle. Des cas de dépressions avec idées suicidaires et des suicides ont été également signalés,
" sans être suffisamment documentés pour permettre de retenir ou d'exclure le Levothyrox dans la survenue de ces événements ".
Elément intriguant : sur les 1 745 cas analysés en détail, dont les données biologiques sont connues, 33 % présentaient un déséquilibre de la TSH (thyréostimuline, sécrétée par l'hypophyse) pouvant expliquer ces effets. Mais les 67 % restants ont un taux qui reste dans les normes, avec des -effets indésirables,
" sans qu'aucun facteur explicatif ne puisse être avancé ".
" Le lien direct avec la composition de la nouvelle formulation de Levothyrox reste difficile à expliquer ", selon le rapport. Les analyses vont donc se poursuivre.
" Beaucoup d'interrogations "
" Il reste beaucoup d'interrogations ", a souligné Beate Bartès, présidente de l'association Vivre sans thyroïde. Comment expliquer cette flambée d'effets indésirables ? Si certains avancent l'effet nocebo, l'inverse du placebo, selon lequel le fait de connaître les effets secondaires du médicament accroît le risque d'en être victime, les patients veulent être entendus et poursuivre les investigations.
Si l'ANSM note à ce stade que
" les effets rapportés sont semblables à ceux de l'ancienne formule ", certains se demandent s'il était nécessaire de la changer. Seuls 23 cas d'effets secondaires avaient été répertoriés entre fin 2009 et juin 2011, selon un document de l'ANSM dévoilé par
Le Parisien.
" Ce n'est qu'un élément parmi d'autres, a rappelé Christelle Ratignier-Carbonneil,
de multiples arguments ont amené l'agence à prendre cette décision, dont des contrôles en laboratoire, pour parvenir à une formule de meilleure qualité et plus stable. " Le changement a porté sur les excipients, le lactose a été remplacé par du mannitol et de l'acide citrique.
En colère, Chantal L'Hoir, la présidente de l'Association française des malades de la thyroïde, juge ce rapport
" catastrophique et grave pour la démocratie sanitaire ". Nombreux sont ceux qui fustigent le manque d'information et d'anticipation de l'ANSM. Ces questions entretiennent, selon l'ancien député Gérard Bapt,
" la défiance envers les institutions sanitaires ". Mécontents, les patients ne désarment pas et sont en colère, ne supportant pas le
" circulez, y'a rien à voir ". Les réunions se multiplient partout en France, et les actions en justice aussi.
Le nombre de ces personnes souffrant d'effets indésirables est sans doute bien plus élevé. D'abord parce que 14 271 cas ont également été déclarés directement au laboratoire Merck depuis fin mars 2017, précise le rapport. Et aussi parce que les patients qui rapportent des symptômes gênants, liés selon eux à la nouvelle formule, sont loin d'avoir tous -effectué une déclaration.
Pascale Santi
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