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mardi 24 octobre 2017

Louis Viannet, ancien secrétaire général de la CGT (1992-1999), est mort.....

24 octobre 2017

Louis Viannet

Ancien secrétaire général de la CGT

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Louis Viannet, ancien secrétaire général de la CGT (1992-1999), est mort dans la nuit du samedi 21 octobre au -dimanche 22 octobre à l'âge de 84 ans. Passionnément attaché à son syndicat, " Loulou ", comme on l'appelait familièrement, l'homme qui a amorcé la mutation de la CGT, est resté jusqu'à la fin de sa vie une autorité morale dont la parole était encore très écoutée.
Le 5  janvier 2015, depuis la maison qu'il avait acquise en Ardèche pour vivre sa retraite, s'adonnant de moins en moins au plaisir de la chasse en raison de ses ennuis de santé, il était sorti de son silence pour évoquer la crise " sans précédent " traversée alors par la CGT. Dans un entretien au Monde, il avait demandé à Thierry Lepaon, mis en cause dans des affaires -relatives à son train de vie, de -démissionner de ses fonctions de secrétaire général, ce qu'il fit deux jours plus tard.
Né le 14  mars 1933 à Vienne (Isère), Louis Viannet passe sa prime enfance dans le village de Chavanay. Son père est ouvrier à Rhône-Poulenc, syndiqué à la CGT. Malgré le manque de moyens et une scolarité difficile ? " pas de fric, pas de bouquins pour être au niveau des autres, racontera-t-il. Parfois même, j'étais obligé d'emprunter le pantalon d'un autre pour sortir " ?, il assure avoir été " heureux comme un poisson dans l'eau ".
L'envie de lutter contre l'injusticeA 11  ans, boursier, il poursuit ses études dans un internat de Saint-Etienne. Lors des grèves de 1947, au parfum insurrectionnel, le proviseur met ses élèves à la rue. Louis Viannet lâche ses études à la fin du secondaire. Il monte à Paris. Bachelier, il tente le concours des impôts, qu'il rate, puis celui des PTT, qu'il réussit. Entré à La Poste en  1953, " encore vierge de toute affinité idéologique ", il est confronté aux grandes grèves de la fonction publique. Quand la CFTC et FO signent un accord de reprise du travail, il se révolte : " Le problème n'était pas de savoir si l'accord était bon ou pas. Je m'insurgeais contre le fait qu'on avait décidé à ma place. " Il prend sa carte à la CGT, puis au Parti communiste.
Louis Viannet fait son service militaire à Laval puis à Lyon ? " ce fut mon premier contact avec des cadres fascisants ", dira-t-il ?, il y puise la volonté de se consacrer au militantisme pour lutter contre l'injustice. Contrôleur des postes aux chèques postaux à Lyon, " Loulou ", qui avait appris à Paris à jouer de la batterie, suit des cours du soir et découvre Marx et Jean-Paul Sartre.
Très vite, il fait savoir aux instances de la CGT et du PCF qu'il veut " en être " tout en mesurant son " inculture politique ". Elu au bureau départemental du syndicat des PTT du Rhône en  1959, il est détaché pour activités syndicales en  1967. Secrétaire général adjoint de la Fédération CGT des PTT en  1972, il en devient le patron en  1979. Entre-temps, il est entré, en  1976, au comité central du PCF.
Celui qui assure " avoir toujours milité avec - ses - tripes " porte pourtant un regard critique sur les deux organisations sœurs, jugeant qu'en Mai 68 elles ont été " à côté de la plaque " et que, après la signature du programme -commun de la gauche, la CGT a " collé bêtement au PCF ", son engagement reflétant " un sommet decontradictions ". Mais cela, il ne le dira que bien après coup, de même que sa conviction, en  1984, que " la CGT ne survivrait qu'en gagnant son autonomie par rapport au PCF ".
En  1982, Louis Viannet est un -militant discipliné et bien dans la ligne quand il rejoint les deux " saints des saints " : le bureau confédéral de la CGT et le bureau politique du PCF. Après l'échec de l'ouverture tentée par Georges -Séguy, en  1978, au congrès de Grenoble, la CGT, dirigée par Henri Krasucki, est en pleine glaciation. Numéro deux de la centrale, Louis Viannet prend la direction de son hebdomadaire, La Vie ouvrière. Prompt à dénoncer le " compor-tement antinational du patronat ", il suit sans états d'âme la " ligne Krasucki ", faisant la chasse aux contestataires.
En  1984, après la sortie du -gou-vernement des ministres communistes ?  qu'il approuve  ?, il plaide pour une radicalisation. En mai  1985, devant le comité central du PCF, il dénonce " la mollesse " de la CGT face au pouvoir en lui reprochant de ne pas pointer qu'il s'agit d'un " gouvernement socialiste ". Devenu le bras armé du PCF au sein de la CGT, il juge, en septembre  1985, qu'" il y a peu de différence entre l'argumentation du patronat, celle du gouvernement socialiste et celle des partis de droite ". Henri Krasucki ne cède pas. Mais au congrès qui suit, en novembre, la CGT durcit nettement le ton.
Amateur de jazz et de chasseLouis Viannet mérite pourtant mieux que cette image de dur qui lui colle à la peau. Bonhomme, voire débonnaire, cet amateur de cigarillos et de bons petits plats aime les plaisirs de la vie, le jazz, le jeu, du bridge aux échecs, et, surtout, la chasse qu'il pratique dans le Loiret, où il a alors une maison, avec son voisin Georges Séguy. " M.  Viannet est unrévolutionnaire parfait, ironise-t-on au patronat. On sait qu'il ne fera pas la révolution le lundi,car il chasse. "
Avec son regard malicieux sous ses fines lunettes, ses cravates flamboyantes et ses bretelles légendaires, son accent rocailleux et son rire contagieux, l'homme peut être aussi rugueux que chaleureux. En toutes circonstances, il préserve sa vie de famille avec son épouse Josette, dont il apprécie particulièrement les gâteaux de foies blonds, et sa fille Sylvie, enseignante.
Lorsque " Loulou ", porté à ce poste par le PCF, est élu, le 31  janvier 1992, secrétaire général de la CGT, il a toujours le profil du pur orthodoxe, voire du " stalinien de service ", et d'emblée il ne fait pas de cadeau aux modernistes dont certains, comme Alain Obadia, le patron des cadres de l'UGICT, quittent la direction.
Après deux années rudes, le tournant s'amorce en juillet  1994. Dans un entretien auMonde, Louis Viannet assure que la CGT doit " intégrer les changements qui interviennent dans le monde du travail et, en particulier, dans la composition du salariat "" Le syndicalisme, proclame-t-il, ne doit pas se réduire à n'être quel'expression de salariés qui ont encore quelque chose à défendre ", enjoignant à ses troupes d'" investir les déserts syndicaux " pour enrayer l'érosion des adhérents. Convaincu que " la CGT doit sortir de son cliché archaïque et exclusivement contes-tataire ", il la réinsère, en janvier  1995, dans le jeu contractuel. Au passage, il manque, à la suite d'un léger accident de moto, la première entrevue officielle, après dix-sept ans de gel, avec Jean Gandois, le président du CNPF (ancêtre du Medef), avec lequel il noue une relation " virile " mais cordiale.
Pape de la mutationEn décembre  1995, en plein mouvement social contre le plan Juppé, il fait retirer des statuts de la CGT, lors du 45e congrès où il -obtient un second et dernier mandat, " la socialisation des moyens de production ". Il y fait aussi acter, quitte à faire grincer des dents, le départ de la CGT de la Fédération syndicale mondiale (FSM), cette Internationale " rouge " pilotée par Moscou réduite à l'état de squelette après la chute du mur de Berlin et la dislocation de l'URSS. Une décision qui lui donnait, en théorie, un -ticket d'entrée à la Confédération européenne des syndicats (CES). Celle-ci exigeait comme préalable à son admission qu'elle coupe les ponts avec la FSM et le PCF. Seule la première condition est remplie et le 21  novembre 1996, la CES, poussée par la CFDT et FO, rejette sa demande.
Aussi, le 19  décembre 1996, lors du 29e congrès du PCF à la Défense, Louis Viannet annonce avec solennité sa décision, prise en accord avec Robert Hue, de quitter le bureau politique (devenu bureau national) du PCF, rompant un lien qui " n'était bon ni pour le parti ni pour la CGT ". Le syndicat ne se laissera pas entraîner dans la chute du PCF.
Pragmatique, réformiste qui s'ignore (à peine), Louis Viannet a été le pape de la mutation de la CGT. Son successeur, Bernard -Thibault ? qu'il avait choisi après avoir hésité avec Maryse Dumas, venue comme lui des PTT mais qui ne voulait pas du poste ?, poursuivra dans cette voie et en récoltera les fruits. Le 19  mars 1999, la CGT est admise à la CES.
En  2001, M.  Thibault coupera le cordon avec le PCF. Louis Viannet a aussi réhabilité la négociation et conçu le " syndicalisme rassemblé ", supposant que la CGT ne joue plus l'avant-garde sur laquelle les autres syndicats étaient priés de s'aligner. Il repose, expliquait-il au Monde du 19  décembre 1995, sur " la recherche de travaux en commun qui ne portent pas, comme condition pour avancer, la remise en cause de l'identité de chacun ". Après le mouvement social de 1995 où la CGT et la CFDT s'étaient affrontées, il avait amorcé un rapprochement avec la centrale de Nicole Notat.
En  2006, dans la revue Mouvements, il avait émis le vœu de voir le syndicalisme " s'attaquer à quelques tabous du passé et parvenir enfin à donner de lui-même une image conforme aux aspirations des salariés d'aujourd'hui ". Mais le pape de la mutation s'en est allé au moment où la CGT semble tentée de renouer avec les démons de son passé radical.
Michel Noblecourt
© Le Monde

Un acteur majeur du conflit contre le plan Juppé de 1995

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Le 24  novembre 1995, la France s'embrase. Jusqu'au 15  décembre, des grèves d'ampleur ont lieu dans la fonction publique, à la SNCF et dans le secteur privé – on recensera 5  millions de journées indi-viduelles perdues, un record depuis Mai  68 ! –, accompagnées de six grandes manifestations pour protester contre le plan d'Alain Juppé sur la Sécurité sociale et la retraite des fonctionnaires et des -régimes spéciaux. Sans jamais jeter de l'huile sur le feu, résistant aux fédérations qui prônaient la grève générale, Louis Viannet apparaît comme le grand vainqueur de ce conflit inédit.
L'événement intervient au moment où la CGT célèbre son centenaire et tient, en décembre, son congrès. Le 28  novembre, pour la première fois depuis la scission de 1947, les secrétaires généraux de la CGT et de FO, Louis Viannet et Marc Blondel, défilent côte à côte, derrière une banderole commune " Contre le plan Juppé, pour sauver la Sécurité sociale " ne comportant aucun sigle. Au début de la " manif ", les deux hommes échangent une spectaculaire poignée de main. Une semaine auparavant, " Loulou " avait raconté, goguenard, à ses camarades que le patron de FO lui avait téléphoné pour lui demander de " sauver sa manifestation ", et qu'il avait accepté d'aller à sa rescousse.
Contestation maîtriséeDevant son congrès, Louis Viannet décrit le mouvement social comme " un tremplin dontpersonne ne peut sous-estimer l'impact ni prévoir l'onde de choc qu'il peut générer ". A la différence du conflit de 1986, la CGT n'est pas concurrencée par des coordinations et maîtrise la contestation, notamment à la SNCF, sous la houlette du leader des cheminots, Bernard Thibault.
" Nous voulons négocier, proclame Louis Viannet, mais négocier vraiment, en prenant comme base de départ les exigences des grévistes, et non pas discuter sous la menaceconstante du préalable de l'incontournable plan Juppé. " Dans un premier temps, alors qu'il récuse toute " politisation ", il ne suit pas Marc Blondel, partisan du retrait du plan Juppé. Mais, le 4  décembre, il change de posture. " Le préalable, déclare-t-il, c'est qu'il faut retirer le plan Juppé, après on discute. "
Louis Viannet n'hésite pas à traiter Alain Juppé de " Tartuffe de la concertation ". Le 15  décembre, le premier ministre, qui se disait " droit dans ses bottes ", retire son plan sur la réforme des retraites, mais maintient le volet sur la Sécurité sociale. Il convoque un sommet social, avec les organisations syndicales et patronales, le 21  décembre.
Dans un entretien au Monde, le secrétaire général de la CGT tire les enseignements du conflit sans exclure qu'il puisse être suivi d'un " retour de flamme ". S'il évoque " un mouvementd'ensemble " dont le plan Juppé a été " le catalyseur ", il affirme que " le gouvernement a sous-estimé le degré de ras-le-bol "" Il y a, souligne-t-il, une angoisse lucide qui repose sur les réalités de l'emploi, la baisse du pouvoir d'achat, les difficultés d'insertion pour les jeunes, les plans sociaux à répétition. "
M. N.

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