C'est lui qui le dit : 1-0 ! Pas toujours beau joueur, Jean-Luc Mélenchon s'est incliné cette fois sans barguigner. A Emmanuel Macron, dont il est devenu aux yeux des Français le principal opposant, le leader de La France insoumise a concédé l'avantage cinq mois après le début du quinquennat. " Pour l'instant, c'est lui qui a le point. Faut pas chercher à le cacher, parce que si on raconte des histoires, on n'est pas crédible ", a-t-il commenté samedi 28 octobre, au micro deFranceinfo alors qu'il était en déplacement à Athènes.
Son propos est doublement intéressant car Jean-Luc Mélenchon ne se contente pas de faire chapeau bas, du moins provisoirement. Il avoue aussi son étonnement face à une situation qui ne pouvait, croyait-il, lui échapper.
" Normalement l'avalanche devrait avoir lieu, mais elle n'a pas lieu ", s'étonne-t-il en invoquant
" l'état surcritique " du pays et
" les mécanismes de résistance sociale que la France a toujours développés dans le passé face aux assauts libéraux ", le dernier exemple en date remontant à moins de deux ans avec la mobilisation contre le projet de loi El Khomri.
Sauf que cette fois, cela n'a pas marché : depuis juin, Emmanuel Macron enchaîne les réformes sans rencontrer de réelle résistance. Or, les Français sont loin de s'être convertis au libéralisme qu'il incarne : moins d'un tiers seulement le serait, selon une étude du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) publiée en mars 2016. Une majorité d'entre eux (57 %, selon Harris Interactive) affirmaient, début octobre, leur hostilité aux ordonnances réformant le code du travail. Et 88 % estiment que la politique fiscale menée par le gouvernement sert d'abord les grandes fortunes, selon un sondage Odoxa publié le 24 octobre.
Autant dire qu'il n'existe pas de " macronmania ", nulle appétence populaire pour la transformation du pays promise par le président de la République et cependant pas de réelle résistance non plus. Ce dont Jean-Luc Mélenchon prend acte c'est de l'échec de la rue, cette
" déferlante " qu'il annonçait au début du mois de septembre face à "
la casse sociale " et qui ne s'est pas produite faute de combattants.
DivisionsAu lieu de quoi, des manifestations de moins en moins fournies. Pour cause de divisions syndicales, certes, mais aussi de relations tendues entre lui et les syndicats, lui et les autres partis de gauche, sans compter sa difficulté à concrétiser
" la révolution citoyenne " qu'il appelle de ses vœux, par-delà le clivage gauche-droite, alors même que certaines figures de son mouvement sont prises en défaut d'exemplarité.
Face à lui, Emmanuel Macron a usé de l'atout que confère l'élection présidentielle à chacun de ses vainqueurs : la possibilité de dévider le projet présidentiel en s'appuyant sur la légitimité des urnes. Certes, 42 % des Français seulement ont aujourd'hui une opinion favorable du président de la République, selon un sondage IFOP publié fin octobre, mais, précise Jérôme Fourquet, directeur du département opinion publique, "
son socle électoral reste intact " grâce à des renforts venus de la droite qui compensent largement les pertes subies à gauche.
De quoi tenir et agir alors que Jean-Luc Mélenchon se tourne à présent vers la jeunesse pour tenter de
" reprendre le point ". Mais au moment où le gouvernement dévoile son plan d'accès à l'université à base de prérequis plutôt que de sélection ouvertement revendiquée, les facs restent calmes, comme si la procédure décriée du tirage au sort avait démontré jusqu'à l'absurde les limites du statu quo. C'est peut-être cela qui aide le plus Emmanuel Macron : le pays était arrivé à un tel point de sclérose qu'il devait bouger.
par Françoise Fressoz
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