L’affaire Ferrand se complique. L’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Brest ne préjuge en rien de la culpabilité éventuelle du ministre. Mais elle risque de lancer un feuilleton politico-judiciaire très dommageable au gouvernement. Il y a aura des actes de procédure, peut-être des convocations, des perquisitions, qui seront autant d’épisodes embarrassants. La presse, dans cette affaire, ne sera pas
«juge», selon le terme employé par le président de la République. Elle rendra compte du travail des juges, ce qui est beaucoup plus dangereux.
Le début de cette enquête préliminaire, liée aux révélations faites par l’avocat qui avait traité l’affaire en son temps, survient le jour même où François Bayrou présente les grandes lignes de son projet de moralisation de la vie politique. Même s’il s’avère que Richard Ferrand n’a rien à se reprocher, la contradiction jette une ombre sur les premiers pas de l’équipe Philippe. Emmanuel Macron a décidé de bétonner. Mais les premières fissures apparaissent dans cette ligne de défense plus friable qu’il n’apparaissait au premier abord.
Il est probable que Daniel Cohn-Bendit, maintenant rejoint par Jean-Louis Bourlanges, avait raison dès l’origine : il eût mieux valu que le ministre se mette en retrait quelque temps. S’il est disculpé, il peut revenir aussitôt au gouvernement. Lionel Jospin avait appliqué en son temps cette règle pour Dominique Strauss-Kahn, mis en cause dans les affaires de la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF). Le ministre s’était retiré puis était revenu une fois ce cas éclairci. On voit bien la difficulté qu’il y a à reprendre la même procédure pour un ministre qui n’est pas mis en examen et qui proteste hautement de son innocence. S’il dit vrai, il est victime d’une injustice. Mais le vent de moralisation qu’En marche fait souffler – dont on peut penser qu’il souffle trop fort et diffuse une obsession de la vertu qui finit par poser problème – impose une contrainte sévère. Comme la femme de César, les responsables d’En marche, de facto professeurs de rectitude, ne doivent pas pouvoir être soupçonnés.
Et aussi
Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education, vient de pondre un décret qui assouplit l’application de la réforme des rythmes scolaires. Soyons francs : cette décision est incompréhensible au commun des mortels. Si la réforme est favorable aux enfants, ce que disent nombre de spécialistes, elle doit être appliquée. Si elle ne l’est pas, elle doit être abrogée. A moins de considérer que les enfants n’ont pas les mêmes besoins selon les villes et les départements… Trois ministres, Peillon, Hamon et Vallaud-Belkacem étaient du premier avis. Blanquer semble penser le contraire. Qui se trompe ? Il faut surtout craindre que les motivations des décideurs fassent entrer en ligne de compte bien d’autres choses que l’intérêt des enfants.
Les sondages ne semblent guère affectés par l’affaire Ferrand. En marche reste autour de 30% des intentions de vote, loin devant ses concurrents. Ce qui peut expliquer, aussi, la tactique choisie par l’exécutif : tant que les électeurs suivent, pourquoi s’inquiéter ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire