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lundi 6 février 2017

Jean-Luc Mélenchon se dit prêt à travailler avec Benoît Hamon

                                                                

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Jean-Luc Mélenchon se dit prêt à travailler avec Benoît Hamon   Elections>Election présidentielle>Election présidentielle - Candidats|H.V. @henrivernet|05 février 2017, 7h40                              

Paris, jeudi. « J’ai toujours considéré les sondages comme des horoscopes. Ils ont la même valeur scientifique... », commente
Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidentielle du mouvement
la France insoumise.
LP/PHILIPPE DE POULPIQUE

PRÉSIDENTIELLE. Jean-Luc Mélenchon a un programme tout en mesures chocs, où le politique prend le pas sur l'économie. Mais est-ce réalisable ?

Jean-Luc Mélenchon rassemble aujourd'hui sa France insoumise en deux lieux à la fois : Lyon, où le candidat à la présidentielle tiendra meeting « pour de vrai » devant 7 000 personnes. Et Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), où il apparaîtra en hologramme à 4 700 personnes. Plus encore ? « Mon problème, assure-t-il un brin fanfaron, c'est de devoir pousser les murs face au flux des inscriptions ! » Malgré sa chute dans les sondages depuis la victoire de Benoît Hamon à la primaire du PS, Mélenchon garderait donc son socle de partisans. D'où cette idée de l'hologramme, « un symbole de l'inventivité pour l'ode à la gloire de l'esprit humain que je veux prononcer », lance-t-il, lyrique. Mais ce rêve lui trottait en tête, confie ce féru de littérature, depuis sa lecture du romancier américano-russe de science-fiction Isaac Asimov ! A Lyon, il proposera d'ailleurs un projet de « station internationale en mer, à l'instar de l'ISS dans l'espace ».

Si le plus ancien des candidats antisystème a choisi Lyon, où Emmanuel Macron et Marine Le Pen tiennent aussi meeting, c'est pour reprendre la main face à ces rivaux qui revendiquent la même posture... et caracolent en tête des sondages. C'est aussi le jour de l'investiture de Benoît Hamon comme candidat PS à l'Elysée. Son principal rival, avec qui il est condamné à s'entendre. Mélenchon a posé ses conditions : « Aujourd'hui, dit-il, j'attends une réponse. C'est un dimanche qui va faire la clarté ou approfondir la confusion ».


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Les repères
Jean-Luc Mélenchon, 65 ans, est candidat pour la deuxième fois à l'élection présidentielle, à la tête non plus du Front de gauche mais de son nouveau mouvement, la France insoumise. Il a le soutien du Parti communiste. Ancien ministre de Jospin, ancien sénateur socialiste et ex-député européen, il se veut candidat antisystème.




LA POLITIQUE. « 2017 sera une élection dégagiste »
Pourquoi ce meeting à Lyon ?
Jean-Luc Mélenchon. Je savais que M me Le Pen faisait sa convention à Lyon. Je n'ai jamais accepté la banalisation de son parti. Macron a décidé lui aussi de faire son meeting à Lyon. J'ai donc voulu faire la démonstration des trois grandes familles idéologiques de ce pays, le communautarisme de M me Le Pen, le libéralisme et l'indifférence écologique et sociale de M. Macron. Et le nôtre, l'humanisme universaliste.

Fillon peut-il continuer sa campagne ?
Son cas est la goutte d'eau qui peut faire déborder le vase de la patience de notre pays. Ce spectacle révulse les gens de deux façons : à cause des sommes qui sont en jeu mais aussi parce qu'il n'a pas l'air de comprendre ce qu'on lui reproche. Les gens perçoivent une forme d'arrogance de caste, insupportable dans un pays où il y a 9 millions de pauvres.

Devrait-il partir ?
Sa position est intenable. Du coup, ma proposition de refondation de la France est brûlante d'actualité. Je propose de convoquer une assemblée constituante pour remettre à plat tous les pouvoirs. Elle sera composée par des gens qui n'ont jamais été élus auparavant. Il faut tourner la page de manière rationnelle, et surtout non violente. C'est bien parti ! Voyez ce courant « dégagiste » qui fait sauter les responsables du désastre actuel à toute occasion. Ils ont dégagé les chefs dans la primaire de droite, puis dans celle du PS. 2017 va être une élection « dégagiste ».

Vous êtes un élu de longue date : avez-vous eu un proche bénéficiant d'un avantage ?
Jamais ! Cela ne m'est pas venu à l'esprit, et aucun d'entre eux ne l'aurait accepté ! Car il faut être deux dans ces affaires. Un jour, M. Fillon a écrit dans un tweet : « Quand Mélenchon dit : Quand vous voyez passer un riche, faites-lui les poches, moi, je n'éduque pas mes enfants comme ça. » Il les a éduqués pour profiter du système en cachette ?

Vous baissez dans les sondages. Ne craignez-vous pas d'être victime du « dégagisme » ?
J'ai toujours considéré les sondages comme des horoscopes. Ils ont la même valeur scientifique, mais hélas aussi le même impact psychologique qu'un horoscope.

Vous n'êtes pas inquiet ?
Pourquoi le serais-je ? Mon livre est titré « Qu'ils s'en aillent tous ! ». Je fais campagne sur le thème « Qu'ils dégagent ! » Je suis dans l'ambiance. Je n'ai pas partie liée au système, je le combats depuis des années. Il commence à s'effondrer. Seul le résultat compte !

Vous allez travailler avec Benoît Hamon ?
Pourquoi pas ? Mais il y a une condition : l'honnêteté. Négocier sur un coin de table un programme flou contre des postes aux législatives ? Pas question ! Pour faire une majorité crédible, Hamon ne doit pas investir députés PS les Touraine, El Khomri, Valls dont nous voulons abroger les lois ! Hamon doit finir de rompre avec l'ancien monde. C'est l'exigence de ceux qui ont « dégagé » Valls. Laissons-lui le temps de passer le coup de balai.

La présidentielle devient-elle gagnable pour la gauche ?
La gauche aujourd'hui est une étiquette confuse, surtout avec l'arrivée de Macron. Mais, oui, on peut battre la droite et Le Pen. L'essentiel, c'est de répondre à la vague « dégagiste ». Il faut donc une rupture avec le vieux monde. Je suis prêt à parler de tout, mais pas en donnant l'impression d'aider à un nouvel emballage pour sauver les vieux meubles.

Que doit faire Hamon ?
Etre clair ! Il dit qu'en toute hypothèse il sera candidat. Qu'il ne laisse pas croire qu'il met l'idée d'une candidature unique sur la table.

Il espère peut-être que vous ne le serez plus...
En m'intimidant ? Mieux vaut ne pas y compter.

Irez-vous jusqu'au bout ?
Ai-je des raisons d'agir autrement ? Le coup du vote utile, on me l'a déjà fait aux précédentes élections.

Hamon doit-il faire imploser le PS ?
C'est à lui de savoir. Je ne veux rien dire qui brutalise sa situation. A lui de voir comment, au Parti travailliste britannique, Jeremy Corbyn ne peut rien faire, bloqué par son aile droite. Cette semaine, faute d'accord entre eux, les députés PS français se sont abstenus plutôt que de dénoncer l'accord de libre-échange avec le Canada ! Comment gouverner sérieusement dans ces conditions ? Il doit trancher et dire à tous ces gens : « Vous n'êtes pas investis parce que ce n'est pas ce qui a été voté à la primaire et que je veux faire alliance avec Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis. » S'il a le courage de faire le ménage, tout sera possible.

En avez-vous parlé avec lui ?
Non. Il ne m'a pas appelé. A ce jour, il n'a pas eu une minute pour moi. Pourtant, on s'est croisés à deux occasions récentes, donc il y aurait eu moyen.

Il est en position de force dans les sondages, ça ne l'incite peut-être pas à vous prier...
C'est possible. Il aurait tort, il passerait à côté du phénomène qui le porte. Je ne suis pas dupe. Il s'agit de siphonner mon audience, cela a été dit publiquement. Au PS, la tradition, c'est l'arrogance. Ça ne fait rien avancer.

 


L’ÉCONOMIE. « Je propose 100 milliards d'investissements »

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Vous promettez la création de 3,5 millions d'emplois. Comment allez-vous faire ?
Notre logique, c'est la relance économique par l'investissement massif. La droite et Macron proposent de retirer 100 milliards de la dépense publique ; moi je propose de rajouter 100 milliards d'investissements. Même le FMI de M me Lagarde dit qu'il faut relancer en recourant à l'emprunt. N'oublions pas : 1 € en investissement génère 3 € d'activité qui génèrent à leur tour au moins 20 % de retours vers l'Etat sous forme d'impôts et taxes. En tout, nous pouvons créer 3,5 millions d'emplois.

Mais où trouver l'argent ?
Ce n'est pas le plus difficile. La Banque centrale européenne (BCE) fait une opération de distribution gratuite de fonds aux banques privées ; 80 Mds€ par mois, 60 millions de smic ! Pas un centime n'est venu dans l'économie réelle ! Tout part dans la sphère financière qui ne produit rien. Dès le premier jour je mandaterai la Banque française d'investissement pour qu'elle aille chercher les 100 milliards à la BCE.

Vous comptez aussi sur la transition énergétique...
On ne doit plus faire de la croissance comme avant. On ne peut plus prendre à la terre davantage que ce qu'elle peut reconstituer. D'où l'importance que je donne à la planification écologique, pour bifurquer vers le 100 % d'énergie renouvelable pour accompagner la sortie du nucléaire. Ma priorité à l'économie de la mer peut créer 300 000 emplois. Le mythe du nucléaire est épuisé : suppressions de milliers d'emplois chez EDF, vulnérabilité aux variations de températures, lors des pics de froid. Sans oublier la question de l'approvisionnement en uranium. Je suis d'ailleurs aussi opposé à l'EPR de Hinkley Point en Grande-Bretagne, c'est le boulet qui va faire couler EDF.

Combien ça coûtera de sortir du nucléaire ?
La vraie question est plutôt : combien ça coûte de maintenir les centrales en activité ? Combien ça coûtera en cas de catastrophe ?

Vous ne prévoyez aucune économie budgétaire ?
Des économies ! Mais on est en train d'atteindre l'os, la structure même de l'Etat ! Les gens n'ont plus accès aux services publics auxquels ils accédaient, et le secteur privé ne peut pas prendre le relais. Et puis, faire des économies alors que dans ce pays on distribue plus de dividendes qu'on n'investit, et qu'on est le champion du nombre de millionnaires en Europe, je dis non ! Il faut au contraire relancer l'économie par l'investissement public.

Vous financez votre programme par de la dette ?
Non, par le crédit aux organismes investisseurs. Mais je vais être direct : aucune dette des Etats en Europe ne sera jamais payée, tout le monde le sait. Il faudrait tellement de générations, tellement de coupes budgétaires que ce serait insupportable. Ces dettes doivent être rachetées par la Banque centrale européenne, et être transformées en dette perpétuelle à taux zéro. Et je voudrais qu'on remette la dette de la France à plat. Il y a dedans de la dette dite « illégitime », sans cause économique, contractée, par exemple, pour payer les intérêts de la dette. Il y a aussi beaucoup d'opérations passées qui devront être évaluées par des commissions d'enquête parlementaires. Par exemple, les privatisations, comme celle des autoroutes... Et ceux qui ont pillé le pays devront rendre des comptes.

Votre programme ne peut se faire sans sortir des traités européens...
En effet. Les traités acuels doivent être abolis. Ils opposent les peuples les uns aux autres. Par exemple, ils interdisent l'harmonisation sociale ou fiscale. Or, une délocalisation sur deux a lieu à l'intérieur de l'Europe. Il faut stopper cette concurrence déloyale ! J'interdirai immédiatement le recours aux travailleurs détachés. Je plaide pour le protectionnisme solidaire, européen et, à défaut, national. Il ne faut pas se laisser tuer. Ma politique en Europe se fera en deux étapes : d'abord, tout faire pour renégocier les règles européennes. Mais si on n'y arrive pas, on sortira de l'UE. L'Europe, on la change ou on la quitte.

Que ferez-vous de la loi Travail ?
Cette loi a renversé la hiérarchie des normes et détruit l'ordre public social. C'était le grand projet de M. Hollande annoncé dès 2011 dans une tribune : le contrat en entreprise se substitue à la loi. Ça faisait partie des deux conditions ultimes que je lui ai posées entre les deux tours de 2012. Et il m'a menti, une fois de plus. On ne peut pas accepter un Code du travail par entreprise ! L'ordre public social doit être rétabli. J'abrogerai donc la loi El Khomri.

 



LA SANTÉ. « Ce système est injuste »

Vous souhaitez que les soins soient remboursés à 100 % et mettre fin aux complémentaires santé. Est-ce possible ?
Les soins remboursés à 100 % par la Sécurité sociale, ça signifie que les complémentaires, qui ne serviront plus à rien, seront absorbées par la Sécurité sociale : leur personnel y sera transféré. On fera une économie considérable sur les frais de gestion des complémentaires, et l'argent dépensé en publicité par les assurances. Ma proposition est à coût constant. Le système actuel est devenu tellement injuste. Exemple : une fois à la retraite vous payez plus cher votre complémentaire santé ; tout le mécanisme de solidarité a disparu.

Vous conservez une médecine libérale ?
Oui, mais je ne lui permets plus les dépassements d'honoraires. Si on peine à trouver des médecins, c'est à cause du numerus clausus, qui limite le nombre des étudiants qui ont le droit de passer en deuxième année de médecine. Donc je supprimerai le numerus clausus, ou j'en augmenterai le plafond de manière à ce que cela rende l'offre de médecins moins rare, ce qui fera aussi diminuer leurs tarifs. Oui à la liberté d'installation, sauf pour ceux qui seraient rémunérés par l'Etat pendant leurs études : ceux-là s'engageraient pendant dix ans à aller là où l'Etat les affectera. Et j'organise le contrôle du prix des médicaments.

 


LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES. « Non à l'Europe de la guerre »

Que pensez-vous de Donald Trump ?
Trump est un danger pour le monde ! Sa vision est exclusivement une vision impériale des Etats-Unis. Le danger qu'il fait peser, c'est qu'il a décidé de se confronter à la Chine qui est le véritable challengeur des USA. La Russie n'est pas en état économiquement de menacer les Etats-Unis ni même militairement. Le vrai danger pour les Etats-Unis, c'est la Chine qui est devenue l'atelier du monde. Trump cherche un changement d'alliances pour s'allier aux Russes contre les Chinois. Il faut se tenir à l'écart de ses gesticulations.

Les Etats-Unis sont plus dangereux que la Russie ?
Le danger est global. Surtout avec les bruits de bottes et de guerre qu'on entend à l'est. Surtout aussi avec un président américain qui a un tel goût pour la force. Nous sommes à la merci de n'importe quelle provocation en Europe. Or, ceux qui amènent du matériel et des armements, ce sont les Américains. J'ai toujours considéré qu'il fallait avoir la Russie comme partenaire. Les sanctions ont surtout nui à l'économie européenne et pas américaine. On nous parle d'une Europe de la défense, mais contre qui ? Après le Brexit, signal majeur de la crise qui fracasse l'Europe, c'est une Europe de la guerre qu'on nous propose comme projet unifiant. Je veux être le président de la paix !
 

 


 


  Le Parisien




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