REFORME TERRITORIALE - C'est un pari politique majeur que s'apprête à prendre le chef de l'Etat. Dix jours après la gifle des élections européennes, qui a profondément bousculé la majorité comme l'opposition, François Hollande vient de dévoiler ses arbitrages sur la grande réforme territoriale qui prévoit de passer de 22 à 14 super-régions, et non 12 comme initialement prévu. Un chamboule-tout institutionnel qui doit ouvrir la voie à une vaste refonte de la carte administrative française et à la suppression des départements.
Après avoir réglé les derniers détails ce week-end et ce lundi 2 juin, le président de la République s'est exprimé au travers d'une tribune à paraître ce mardi 2 juin dans la presse quotidienne régionale et mise en ligne ce lundi par l'Elysée. Une manière de "décentraliser" l'annonce de ce big bang institutionnel d'ores et déjà assimilé à un redécoupage "parisien" faisant fi des spécificités culturelles régionales.
Avant même les annonces officielles, les supputations se sont multipliées. La plus insistante est partie d'un commentaire du président socialiste des Pays-de-la-Loire. Jacques Auxiette affirme que François Hollande veut fusionner sa région avec Poitou-Charentes, comme Ségolène Royal le souhaite, et non avec la Bretagne comme certains pronostics le laissaient entendre il y a encore quelques jours. D'autres sources évoquent la création d'une clause permettant à certains départements de rejoindre une autre super-région que celle qui leur était attribué. Ayrault et Fillon, d'une même voix, se sont élevés contre ce projet... qui n'aura finalement pas lieu.
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Simplification, modernisation et économies d'échelles: voilà les objectifs officiels de cette grande réforme censée incarner l'acte II du quinquennat. Mais au-delà de ces mots d'ordres, François Hollande espère surtout reprendre la main politiquement en imposant une refonte réclamée depuis longtemps par la gauche comme la droite et sans cesse repoussée faute de majorité.
Des arbitrages délicats en attente
Autant dire que le président de la République, miné par son impopularité record et son incapacité à faire baisser le chômage, joue gros dans cette affaire. Ses marges de manoeuvre politique sont devenues tellement étroites que son propre camp s'interroge désormais ouvertement sur ses chances de pouvoir se représenter en 2017.
Un échec sur le front institutionnel consacrerait son impuissance et renforcerait ses adversaires qui réclament désormais sa démission ou la dissolution de l'Assemblée nationale. Un succès lui ferait au contraire gagner du temps et lui permettrait d'endosser le costume d'un président réformateur. Et ce d'autant plus que la réforme territoriale a, en principe, plutôt les faveurs de l'opinion, généralement très critique à l'égard du millefeuille administratif français où se superposent compétences et dépenses budgétaires.
Pour éviter de brusquer les susceptibilités régionales, le chef de l'Etat a finalement tranché: ce ne sont pas douze mais quatorze super-régions qui seront proposées aux parlementaires. Statu quo pour l'Ile-de-France, la Bretagne, le Pas-de-Calais, les Pays de la Loire, PACA, Aquitaine et la Corse. Fusion pour l'Alsace-Lorraine, Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes-Auvergne, Bourgogne-Franche-Comté, Champagne-Ardennes-Picardie. La plus grande fusion concerne les régions Poitou-Charentes, le Limousin et Centre.
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Un calendrier de réformes hautement politique
Pour mener à bien ce grand chantier, le chef de l'Etat doit encore arrêter un calendrier législatif. Des sources proches du dossier indiquent que deux projets de loi pourraient être présentés en conseil des ministres le 18 juin, l'un fixant la nouvelle carte régionale et les nouveaux modes de scrutin et l'autre portant sur le volet des compétences. Le premier ministre Manuel Valls fera une communication mardi en conseil des ministres. Il s'exprimera auparavant sur BFMTV.
Ces arbitrages se heurteront quoi qu'il arrive aux accusations de "tripatouillage électoral". D'autant plus que, pour mener à bien une réforme de cette ampleur, François Hollande a annoncé un report de la date des élections cantonales et régionales de mars 2015 à l'automne 2015.
Un compromis destiné à apaiser la colère de l'UMP, pourtant plutôt favorable à la fusion des régions et des départements, mais où l'on soupçonne François Hollande de vouloir repousser un scrutin régional qui s'annonce catastrophique pour la majorité.
Autre signe d'apaisement, François Hollande a écarté le scénario d'une suppression immédiate des départements. "L’objectif doit être une révision constitutionnelle prévoyant la suppression du conseil général en 2020", écarte le chef de l'Etat qui espère "qu'une majorité politique nette se dessinera en faveur de ce projet et que s’y associeront les élus qui, dans l'opposition aujourd’hui, souhaitent eux aussi l’aboutissement de cette réforme".
Selon le président socialiste de la Commission des Lois à l'Assemblée, Jean-Jacques Urvoas, supprimer les départements réclamera une réforme constitutionnelle.
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Avec quelle majorité?
Si la réforme territoriale doit permettre à François Hollande d'imprimer sa marque, ne risque-t-il pas par la même occasion de faire imploser sa propre majorité? Favorable à la réforme, le député UMP Xavier Bertrand a déjà, à juste titre, pointé du doigt les blocages qui pourraient se faire jour au sein même de la majorité. "Vous avez 155 députés qui sont conseillers généraux. Vous croyez que les députés socialistes vont scier la branche locale sur laquelle ils sont assis nationalement?", prévient l'ancien ministre.
Si les écologistes soutiennent la réforme, les radicaux de gauche ont réitéré avec force leur opposition. Dénonçant "une réforme à marche forcée où l’on fusionne des régions qui n’ont aucune histoire ni tradition en commun, et où l’on signe l’arrêt de mort du département", le patron du PRG, Jean-Michel Baylet a répété ce lundi que "les Radicaux s’opposeront à ce qui s’apparente à un coup de force".
La fronde au sein même du groupe socialiste ne laisse rien présager de bon pour l'exécutif. Résultat des courses: François Hollande devrait opter pour la calinothérapie en rencontrant les parlementaires. "J'ai formulé avec Didier Guillaume, le président du groupe socialiste au Sénat, une invitation au président de la République pour venir avant la fin de la session parlementaire dialoguer avec la majorité", a indiqué ce week-end le patron des députés socialistes Bruno Le Roux. Un prétexte pour renouer le dialogue avant le grand chambardement territorial.
Mais le temps presse, rappelle le chef de l'Etat: "il faut aller vite car il ne nous est pas permis de tergiverser sur un sujet aussi important pour l’avenir du pays".
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