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dimanche 8 avril 2018

La loi Pacte portée par Bruno Le Maire peine à s'imposer à l'agenda politique


7 avril 2018

La loi Pacte portée par Bruno Le Maire peine à s'imposer à l'agenda politique

La présentation de ce projet de loi destinée aux entreprises vient d'être repoussée une seconde fois

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Ce devait être le texte de " transformation de l'économie " du quinquennat, visant à " donner une nouvelle armature " aux entreprises tricolores, selon les mots du ministre de l'économie, Bruno Le Maire. Pour le moment, ce n'est même pas encore un projet de loi. Initialement prévu pour un passage en conseil des ministres le 18 avril, puis le 2 mai, le " plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises " (Pacte) devrait finalement être présenté " durant la seconde quinzaine de mai : le 16, voire le 23 ", indique le cabinet du ministre.
Un décalage qui tranche avec les moyens mis en œuvre pour élaborer la loi. A l'automne 2017, une vaste consultation avait rassemblé chefs d'entreprise, partenaires sociaux et parlementaires. Mais aussi avec le volontarisme de Bercy : depuis des semaines, Bruno Le Maire met soigneusement en scène les volets majeurs de Pacte, distillant là ses décisions sur la définition de l'objet social de l'entreprise après le rapport de Jean-Dominique Senard et Nicole Notat, ici sa doctrine en matière de privatisations, ailleurs ses pistes de réforme de l'épargne.
Alors, où le bât blesse-t-il ? Les difficultés sont d'abord techniques. L'embouteillage législatif créé par la multiplicité des réformes de l'exécutif oblige à en décaler certaines. De plus, le caractère hétéroclite du texte, censé aider les PME-ETI (entreprises de taille intermédiaire) françaises à grandir, tout en associant les salariés à leurs résultats, multiplie les points de frictions avec les différents lobbys professionnels. " Il y a encore des gens à consulter, sur l'épargne-retraite, le 1 % logement - financé par une cotisation sur la masse salariale dont pourrait être exemptées certaines PME - ou l'allégement des seuils sociaux et fiscaux ", explique l'entourage du ministre. " Il faut trouver le curseur pour la baisse du forfait social - la contribution à la charge des employeurs - sur l'intéressement et la participation ", note-t-on au Medef.
" Pas un acte majeur "Mais le retard pris par le projet de loi apparaît également de nature politique. Contrairement à la réforme constitutionnelle ou à celle de l'assurance-chômage, Pacte ne fait pas partie des promesses de campagne d'Emmanuel Macron. Tout juste avait-il prôné un renforcement de la présence des administrateurs salariés dans les conseils d'administration, mesure largement revue à la baisse dans le projet actuel. " Le texte contient beaucoup de choses, il va dans le bon sens. Mais, politiquement, ce ne sera pas un acte majeur ", juge-t-on à l'Association française des entreprises privées (AFEP), qui représente les grandes entreprises tricolores.
" Il est tout à fait normal que les réformes annoncées par le président, comme celles de la SNCF ou de la Constitution, soient prioritaires. Nous n'avons aucun problème avec ça ", assure-t-on au cabinet de Bruno Le Maire. Reste que peu de textes semblent avoir autant de mal à se frayer un chemin dans l'agenda gouvernemental. " On a le sentiment que la globalité du projet n'est pas fixée. Il y a une certaine forme de fragilité, même si la volonté du ministre est là ", estime Thibault Lanxade, vice-président du Medef, chargé des TPE-PME.
En témoigne le programme de privatisations, dont Pacte est censé donner le coup d'envoi. Encore largement évoqué par Bruno Le Maire mercredi 4  avril à l'Assemblée, il pourrait faire les frais du climat social. " Si la grève à la SNCF dégénère, on ne mettra pas la privatisation d'ADP et de la FDJ dans le texte, on ne va pas mettre de l'huile sur le feu ", glisse-t-on dans les couloirs de Bercy. " Ces retards sont aussi liés à la volonté de ne pas provoquer de cocktails inflammables ", abonde un proche des négociations.
" La décision sera prise par le président de la République ", répond le cabinet de M. Le Maire. Au risque que l'Elysée ne reprenne un peu trop la main sur la loi portée par son ministre de l'économie, et ne la dénature encore un peu plus. Le 29  mars, Emmanuel Macron a ainsi annoncé que le cadre législatif autorisant les expérimentations sur route des voitures autonomes serait inclus dans la future loi.
L'ultime incertitude, et non des moindres, porte sur le moment où Pacte sera discuté à l'Assemblée. Le calendrier parlementaire ultra-serré permettra-t-il une première lecture en juillet, avant la trêve estivale ? Ou faudra-t-il attendre septembre, juste avant le marathon budgétaire ? Une option " pas si grave ", selon le député (MoDem) Jean-Noël Barrot, qui a planché sur la loi, car " beaucoup d'éléments de Pacte ont vocation à être discutés en loi de finances ".
Ainsi, l'assouplissement du pacte Dutreil, qui réduit de 75 % les droits de succession en cas de transmission d'une entreprise familiale si elle est dirigée par un membre de la famille, devrait figurer dans le budget 2019. " L'objectif est que la loi soit votée et promulguée avant la fin de l'année ", assure Matignon. " A ce stade, nous ne sommes pas catastrophés, nous préférons avoir un bon projet de loi. Mais il ne faudrait pas que le calendrier dérape trop, ou cela va finir par ressembler à un enterrement de première classe ", prévient-on au Medef.
Audrey Tonnelier
© Le Monde

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