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mardi 20 mars 2018

MA FRANCE INSOUMISE - Se mettre à l’école de la Guyane et de Mayotte par Jean-Luc Mélenchon


MA FRANCE INSOUMISE

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                                   Jean-Luc Mélenchon

Se mettre à l’école de la Guyane et de Mayotte

  
Se mettre à l'école de la Guyane et de Mayotte
Cette semaine est celle d’une concentration des évènements sociaux. Comment le gouvernement va-t-il se sortir de la grève générale à Mayotte ? Elle mobilise dans une ambiance fébrile la population tout entière contre l’abandon dont souffre la population du territoire. Et dès le 21 mars les assemblées générales de cheminots commencent. Le lendemain, le 22 mars prochain, est le rendez-vous de la résistance sociale contre la politique du gouvernement. Les femmes et les hommes de tous les secteurs du rail et des services publics se retrouvent dans un combat commun. Ils veulent créer un rapport de force avec le gouvernement. Pour le faire céder.
Car celui-ci ne démantèle le service public du pays que pour appliquer la feuille de route de la Commission européenne. Les décisions gouvernementales n’ont pas d’autres raisons d’être. Les syndicats de salariés sont unis pour l’action. Tous, nous savons que leur engagement se fait directement pour notre bien à tous et dans l’intérêt général. Cette unité est une bonne base de départ par rapport à ce que nous avons connu face à la casse du code du travail.
J’appelle donc tous ceux qui se reconnaissent dans le programme « L’Avenir en commun » de la France insoumise, à joindre leurs efforts aux côtés des salariés en lutte. Je les appelle à s’associer autant qu’ils le peuvent aux manifestations et actions de toutes sortes qui fortifieront ce combat : caisses de grève, cortèges, actions de conscientisation etc.
Dans cet état d’esprit, de mon côté, je participerai à l’action dans mon mandat de député et de président de groupe parlementaire. Et j’appuierai donc toutes les initiatives visant à regrouper des forces pour cette bataille comme l’ont décidé les 17 parlementaires insoumis qui l’ont exprimé avec leur communiqué de presse. À cet instant, toutes les forces doivent être jetées dans la bataille sans retenue ni condition. Pour se rendre utile au mouvement, les Insoumis se préoccuperont en premier lieu de mobiliser l’opinion du public qui n’est pas directement salarié des secteurs concernés mais qui a un intérêt à la qualité du service public. C’est une mobilisation large de la société qu’il faut viser. Je forme le vœu que soit entendue la proposition d’un rassemblement général dans la rue.
En effet, les rendez-vous actuels ne permettent pas aux personnes de tous les secteurs de la société d’entrer en action. Pourtant tous y ont intérêt. Il faudrait donc aussi une date commune, hors des jours et heures d’embauche, pour tous les secteurs de la société. D’ici là, ce 22 mars est jour de combat commun de la société contre le règne de l’argent et de son gouvernement. Les Insoumis y ont tous rendez-vous parce que cette date peut-être celle d’une bascule de la société devenant une opposition populaire majoritaire. Mais nous ne perdons pas de vue qu’un mouvement d’ensemble auquel le plus grand nombre puisse participer reste la réponse la mieux adaptée aux exigences du moment. Nous entendra-t-on ? Rien ne serait pire que des gesticulations autour de la lutte dans lesquelles tous les groupuscules jouent des coudes pour proférer de verbeux appels sans portée ni conséquences. Nous avons besoin que le peuple puisse se fédérer. À l’image de ce qui se fait dans les départements d’outre-mer. Comme en Guyane, comme à Mayotte, comme en Guadeloupe comme partout où les mouvements impliquent toute la population.

fukushima
J’ai déjeuné avec monsieur Naoto Kan, le Premier ministre du Japon au moment de l’accident de Fukushima. Mathilde Panot, députée insoumise du Val-de-Marne et animatrice de la campagne de « votation pour la sortie du nucléaire », nous avait réunis autour de cette table. Il y avait, avec les accompagnateurs du Premier ministre japonais et deux de mes collègues députés, Loïc Prudhomme, et Bénédicte Taurine insoumis de Gironde et de l’Ariège. Tout ce qui compte sur le sujet s’est dit dans la conférence de presse du groupe insoumis à l’assemblée et je me fais un devoir de vous donner le lien pour y revenir si vous souhaitez aller plus avant dans la compréhension de l’accident de Fukushima.
Le jour n’était pas favorable pour moi. Je crevais de grippe et grelottais de fièvre. On avait calculé avec soin chaque moment de mon activité dont le passage en séance plénière de l’Assemblée. Avant tout se protéger d’images trop pitoyables sachant quel usage en serait fait par les « journalistes éthiques du droit de savoir » blablabla. Je passais donc d’un rendez-vous à l’autre, sans montrer le bout du nez salle des quatre colonnes, avant mon départ pour le meeting de Montargis en soutien à mon camarade Jérôme Schmitt.
Mais Naoto Kan avait eu son effet. Je le scrutais pendant la conversation. Je le scrutais du regard tant que je pouvais pour vaincre ce foutu barrage de la langue et des cultures mimétiques pour deviner quelque chose du personnage et apprendre, passionnément. Car deux hommes savent de quoi il s’agit et seulement deux sur cette planète. Lui, et Mikhaïl Gorbatchev. Eux seuls deux ont eu sur les épaules le poids d’une telle situation quand il faut décider. Tout seul. Au milieu de gens qui s’affolent, d’experts qui ne sont pas d’accord, de gens qui mentent et d’autres qui cachent les informations. Seul avec des milliers de gens qui fuient et obstruent les routes, des directeurs qui refusent d’obéir et ouvrent leur parapluie personnel. Seul pour évaluer le rayon d’évacuation des populations sachant qu’à mesure que la catastrophe avançait, il s’élargissait de 30 à 50 puis 150 et 250 kilomètres jusqu’à inclure Tokyo. Des millions de gens à faire partir. Mais pour aller où et pour combien de temps ?
Au Japon, tout le monde pensait qu’un tel accident était impossible. C’est un miracle qu’il n’ait pas été deux fois pire quand on connaît le détail de l’histoire. Rien n’était donc sérieusement prévu car de toute façon on pensait que les exercices traditionnels d’évacuations anti-sismiques suffiraient à maitriser la population et ses réactions. Tout planta. Depuis le groupe électrogène amené sur place pour relancer le refroidissement qu’il était impossible de brancher sur la pompe ad hoc, jusqu’à l’évaluation sur l’état de fusion du cœur nucléaire et le risque de fusion sur le toit de la centrale avec les barres de carburant stockés dans une piscine qui n’était plus refroidie. Tout était planté car aucun plan traditionnel n’envisageait un rayon de 30 kilomètres d’évacuation de la population.
Voilà qui n’arriverait pas en France. Il n’y a en effet aucun plan d’évacuation. Ni aucun exercice populaire en la matière. Par conséquent, on ne pourra regretter aucune erreur puisque rien n’est prévu. Nogent-sur-Seine étant à 80 km de Paris, et si un des dix réacteurs situés en amont du fleuve qui dessert la capitale avait un problème, les gens n’auront qu’à courir vers le nord après avoir absorbé les pastilles d’iode qu’ils n’ont pas, deux heures avant la catastrophe pour que leur thyroïde soit saturée. De là où je parlais le soir même à Montargis, on se trouvait à 30 kilomètres de la centrale de Dampierre. Il ne s’est rien passé pendant que je parlais. Ouf.
Mais le 11 mars 2011, se déclenchait au large des côtes japonaises un séisme d’une magnitude exceptionnelle. Plusieurs heures après, un tsunami atteignait les côtes nippones. La vague atteignait par endroit 30 mètres de haut ! Le tsunami a coupé l’alimentation électrique du système de refroidissement des réacteurs. Il a aussi mis hors d’état de marche les groupes électrogènes de secours. Dès lors, les réacteurs n’étaient plus refroidis. Le combustible à l’intérieur de deux réacteurs est alors entré en fusion. L’augmentation de la température fit exploser du toit du réacteur et une bonne partie de l’enceinte de confinement. A partir de là se dégagèrent des fuites radioactives massives dans l’atmosphère. Dans l’urgence, et ne sachant que faire, il fut décidé de refroidir les réacteurs en fusion avec de l’eau de mer. Tout empira. Car il se trouve que le circuit ad hoc mis en place pour cette manœuvre souffrait de nombreuses fuites. Ainsi, de l’eau contaminée s’est largement répandue dans l’océan et les sous-sols. En avril 2011, les rejets d’eau contaminée furent 20 000 fois supérieur à la limite normalement autorisée annuellement. Aux dernières nouvelles, la solution pour éviter qu’une partie de l’eau contaminée ne s’infiltre dans les sous-sols et finisse dans l’océan pacifique n’a toujours pas été trouvée.
Le gouvernement japonais considère que 30 000 km2 ont été contaminés. Soit 8% de la surface totale de l’archipel japonais. Malgré cela, certaines zones rouvrent à la population qui souhaite y revenir. Greenpeace a récemment mesuré la radioactivité dans ces villes. Les niveaux de radiations y atteignent parfois 100 fois le niveau préconisé par la commission internationale de protection radiologique (CIPR). Les scientifiques de l’ONG considèrent qu’on n’y retrouvera pas un niveau de radiation normal avant les années 2050. Quant à la zone la plus proche de la centrale, toujours interdite, cela ne se produira pas avant le siècle prochain.
Les conséquences sur la santé humaine de tels niveaux de radioactivité sont aussi diverses que durables. Elles sont pour l’instant impossible à quantifier. Les cancers déclenchés par la radioactivité libérée au moment de l’accident peuvent se manifester jusqu’à soixante ans plus tard. Quoi qu’il en soit, le taux de mortalité des personnes âgées a été multiplié par 3 l’année suivant l’accident. Une augmentation du taux de mortalité infantile et d’anomalies de la thyroïde sur les nouveaux nés a été constatée jusqu’en Californie. La contamination océanique fut la plus importante jamais constatée. Avec les conséquences que l’on imagine sur les produits de la pêche.
À cette heure, la question même de la centrale de Fukushima n’est pas réglée. D’abord, personne ne sait que faire des 400 000 tonnes d’eau de mer utilisées pour refroidir continuellement les réacteurs jusqu’à ce jour et qui sont pour l’instant entreposés dans des cuves. Ou plutôt si : faute d’autre solution, le gouvernement japonais envisagerait de déverser cette eau dans l’océan pacifique. De même des 250 tonnes de combustibles nucléaires fondus dans les cuves. Pour le moment, les Japonais n’ont même pas réussi à localiser précisément ce magma. Il est pratiquement impossible d’introduire un robot ou une machine dans la cuve et de l’en faire sortir tant la radioactivité y est forte. Ainsi, il n’est pas possible de dire quand finiront les travaux de démantèlement de la centrale.
Je scrutais Naoto Kan assis en face de moi à table. J’essayais de m’imprégner de ce que cet homme contient en lui, qui lui a permis de tenir bon dans une telle épreuve. Aucun officiel français ne l’a jamais rencontré ni interrogé, aucun institut de recherche en sciences politiques, aucun ministre, président. Rien. Personne dans le pays le plus nucléarisé du monde ne s’est intéressé à ce que sa personne peut nous apprendre. Le type des basses besognes à l’Élysée qui passe son temps à s’occuper de nous n’a pas pensé une seconde à lui faire rencontrer Macron au moment où celui-ci doit prendre la décision du grand carénage pour relancer les vieilles centrales. Même juste pour aider cet homme, je parle de Macron, à se préparer au cas où il lui faudrait affronter quelque chose de cet ordre. La radio du pouvoir, France inter, s’est contenté d’un reportage minimaliste dans la ligne pseudo sarcastique du style fin de banquet pour ironiser sur le fait que Naoto Kan est devenu anti-nucléaire après avoir été très pronucléaire.
La France s’en fout ? La France a la tête ailleurs ? « On ne sort pas du nucléaire comme de sa douche » a même osé le journal du bureau politique du PCF, L’Humanité. Puisse ne jamais venir le jour où il faudra se souvenir que c’est à une telle coalition du silence, de la veulerie, de l’arrogance et du fric au bras long que l’on devra de subir ce qui adviendrait.

stephen hawking
Stephan Hawking – Crédits photo : NASA/Paul Alers
Je me suis réveillé ce matin-là avec l’annonce du décès d’Hawking. Comme pour beaucoup de gens, c’était une émotion. Le spectacle de cet homme physiquement détruit par le maladie et brillant de tout son feu intellectuel est un de ces réconforts paradoxaux à propos de la condition humaine dont on ne ressort pas indemne. Et puis j’ai vu le film au sujet de sa vie, ce qui a contribué à me le rendre faussement familier comme aux millions de personnes qui l’ont vu. Mais le plus important n’est pas là. Du moins pour moi. J’ai mieux : la rencontre avec son livre « Une brève histoire du temps ». Je crois que nous sommes quelques millions à l’avoir lu. J’ai proposé des dizaines de fois à mes jeunes camarades de lire ce livre pour entrer dans une vision matérialiste de l’histoire de l’univers.
En premier lieu c’est un bon ouvrage de vulgarisation scientifique. C’est précieux dans la mesure où peu nombreux sont les scientifiques de haut vol qui acceptent de faire l’effort de ce type de travail. Pourtant, comment être un « esprit informé » si l’on ne peut accéder aux savoirs ultimes de son époque ? Il s’agit là d’un ensemble d’hypothèses sur la structure de l’univers, son évolution, les événements singuliers qui l’animent.  De tout cela, il me resta l’enchantement et des excitations de l’esprit. Ensuite, cette « brève histoire du temps » m’ouvrit par analogie d’un de ses raisonnements une piste de réflexion incroyablement féconde. Juste une phrase qui n’est pas le cœur du sujet du livre. Mais elle a bousculé des piles de certitudes et réorganisé ma façon de voir quelques problèmes décisifs dans mon domaine de réflexion. La trace s’en trouve dans le livre « L’Ère du peuple » dans son chapitre sur le temps social.
L’une des formulations du livre d’Hawking est que le temps n’est pas un arrière-plan fixe sur lequel se déroule la série des évènements. Le temps est une propriété de l’univers matériel. Le mot désigne le processus par lequel l’univers matériel « se produit et se reproduit » au rythme d’une fréquence qui lui appartient en propre. J’ai raisonné par analogie, ce qui est souvent critiqué et critiquable en effet. Je n’utilise pas l’analogie pour procéder à un transfert d’autorité du domaine du scientifique vers un point de vue idéologique. L’analogie m’aide seulement à me donner de nouveaux points de vue sous lesquels les contradictions d’hier se dissolvent en faisant passer l’esprit sur un plan d’observation différent.
Par analogie, je postulais que le temps de l’histoire, l’histoire elle-même, le temps de la vie collective des humains était une propriété de leur univers social. Je me mis à chercher quel rythme certaines activités produisaient dans la vie sociale. Je furetais dans les catalogues de vulgarisation. La vérité aussi est qu’à l’époque je participais au débat parlementaire sur les 35 heures et que j’avais des polémiques passionnantes avec des collègues du PS. D’aucun(e)s contestaient en effet que la pause des deux jours consécutifs du samedi et dimanche soit « imposée » à tous. Quelles places ont les temps libres communs, qui les fixe, etc. ? Le thème nous mettait les doigts dans l’existence d’un temps social producteur de sens et de conséquences innombrables.
Là-dessus je tombe sur le bouquin de Roger Sue « Temps et ordre social » qui me déclenche une affreuse crise de jalousie puisqu’il décrit magnifiquement tout ce que je mettais en mots laborieusement à cette époque. L’existence de temps dominants et de temps dominés ouvre les yeux sur une vision de classe sur le temps social, celui de notre vie quotidienne en tant que résultat d’un ordre social. Une seconde perspective s’ouvre alors. Celle de la concordance des temps. Leur synchronie en quelque sorte. Une synchronie s’impose toujours au profit de l’ordre social dominant. De nos jours le cycle de la production et de la vente des marchandises domine toute la temporalité matérielle. Ils s’imposent à tous les autres. La vie suit les carnets de commandes et la production à flux tendu signifie que tous les autres rythmes de vie sont soumis à cet exigence, comme les horaires communs de la vie de famille et ainsi de suite. Mais ce temps, lui-même, est dominé par un autre qui s’impose à lui chaque fois que nécessaire : c’est celui de la circulation instantanée du capital financier.
Dans le livre « L’Ère du peuple » je donne de nombreux exemples pris dans divers domaines de l’art et du quotidien, pour montrer comment un temps dominant est celui de l’instantané comme quand la transaction financière en ligne exerce sa domination. Comment il modifie non seulement les temps dominés mais aussi l’espace. Ou plus exactement les distances. Les distances ne sont pas les mêmes, en effet, calculées en temps réels de transport et en kilomètres. Le kilomètre reste stable mais le temps de transport, seule réalité concrète vécue, varie du simple au quadruple suivant l’horaire de ce trajet selon qu’il se fait en heure de pointe ou la nuit en période de vacances.  Je ne vais pas plus loin puisque j’ai déjà écrit tout cela.
Mon intention est juste de montrer comment un bon vulgarisateur d’une pensée génialement claire comme celle d’Hawking peut avoir influencé des gens qui sont tout à fait hors de son cercle. L’analogie n’a rien d’exact et ce qui est vrai dans un domaine ne l’est pas forcément dans un autre, je veux le souligner de nouveau. Mais l’excitation que l’esprit subit au contact d’un point de vue qui change ses perspectives est une émotion si rare, si délicate, si proche du meilleur de ce que l’on peut connaitre comme état de conscience qu’il s’imprime en soi une forme de gratitude, que je ne sais pas nommer, pour ceux qui nous la procurent. J’avais ressenti quelque chose de ça en découvrant Rousseau, puis Marx et quelques autres. Je dois cela à Hawking comme je crois que c’est le cas pour des millions de personnes qui l’ont lu et qui n’était plus les mêmes en fermant le livre.
Vu de ce point de vue, quoiqu’il n’ait pas été croyant, Hawking entre dans la seule éternité qui soit certaine : celle d’une œuvre transmissible par l’esprit et qui durera tant qu’il y aura de la conscience et du savoir. J’ai tellement aimé cette formule de lui : « Dieu n’a pas eu le temps de faire le big bang parce que le temps n’existait pas avant le big bang ».

logo france insoumise
Le projet la France insoumise développe son plan de marche. L’assemblée représentative du mouvement est convoquée pour le 14 avril. La mise en place d’un nouvel organe de validation des propositions et plan d’action émanant des divers secteurs d’action du mouvement avait été décidé à la troisième Convention. Les procédures de tirage au sort et celles de désignation par les divers « espaces » du mouvement (lutte, politique, programme etc.) vont donc commencer bientôt. On en suivra le parcours sur le site des insoumis. Comme on l’a dit ici et ailleurs à de nombreuses reprises, le mouvement n’est pas un parti. Et sa forme est évolutive. C’est la raison pour laquelle c’est au pas à pas que se font les évolutions, les adjonctions de structures et de moments. On aurait tort de ne voir le mouvement que par l’action de son groupe parlementaire, si impressionnant que cela soit.
Car depuis la Convention on aura surtout beaucoup agi et expérimenté sur le terrain. Le succès de la mobilisation pour la votation citoyenne atteste d’une capacité acquise à se mobiliser à très large échelle. En dehors de cette campagne décidée en octobre dernier par une large et longue consultation interne, le mouvement a engagé trois campagnes qui battent leur plein. Chaque semaine, le mouvement organise entre deux cents et trois cents évènements. Il y a eu un pic, bien sûr, dans cette semaine de votation citoyenne avec sept cent évènements. Chaque semaine se tient une dizaine de réunions publiques dans le pays. Chaque semaine ce sont un ou deux ateliers législatifs qui se tiennent partout sur le territoire. Ils sont annoncés sur le site des insoumis. Chaque semaine une vingtaine de groupes d’action sont créés et deux et trois cent personnes viennent s’inscrire comme « insoumis » sur la plateforme.
Dès lors on comprend que les commandes de matériels d’action tournent à haut débit. Dix millions de tracts entre le mois de septembre et décembre. Depuis la rentrée de janvier, secteur par secteur on a encore beaucoup diffusé. Les tracts en direction de la jeunesse ont atteint le million et demi d’exemplaires. Ainsi par exemple, a-t-il été distribué 600 000 tracts pour organiser la votation sur la sortie du nucléaire de la semaine du 11 au 18 mars.  Je n’évoque ici que cette forme d’action assez traditionnelle parce que c’est elle que tous mes lecteurs connaissent. Mais tant d’autres choses se font ! Les ateliers législatifs, les portes à portes enquête-agitation (méthode Alinsky). Mais tout cela ne suffit pas pour comprendre l’étape que nous voulons franchir dans les prochains mois. La France insoumise, force électorale et institutionnelle doit devenir un mouvement politico-social. J’en dis un mot, quitte à y revenir.
Le mouvement est né dans la campagne présidentielle autour du programme « L’Avenir en commun ». Son objectif était de parvenir au seuil de crédibilité électorale qui en ferait à la fois une force dans les luttes et dans les institutions, une force perçue comme capable de gouverner le pays. Objectif atteint avec presque vingt pour cent des voix et une impression ancrée que « ça pouvait le faire ». L’étape suivante, ce fut la victoire politique qu’a représenté l’élection de 17 députés et la formation du groupe parlementaire. Le changement d’échelle d’action dans la durée a commencé là. La visibilité de ce que nous faisons est désormais permanente, universelle. Elle impacte tous les secteurs de la société. À partir de là nous devons relever le défi : comment devenir majoritaire ? En tous cas comment progresser à la fois sur le plan électoral et sur le plan de la capacité d’entrainement dans la société.
Sur le plan électoral, aucune combinaison de nos forces avec celle de l’ancienne gauche ne fait, et loin de là, une majorité. De plus, des mois de pilonnage contre nous de la part de la petite gôche et ses divers organes de presse, de mépris et d’humiliations par des coups tordus comme celui de la prétendue « Corse insoumise », de la rupture du groupe commun « nouveau monde » en Occitanie, le refus de soutenir notre candidat en Guyane au premier comme au second tour et ainsi de suite ont pulvérisé le sentiment d’appartenance commune. De l’autre côté, le dégagisme virulent dans la population fait que la moindre soupe au sigle est aussitôt recrachée par les électeurs. En attestent les résultats comparés de l’élection partielle de Belfort et celle du Val-d’Oise. Quelques efforts que l’on fasse, quelque incantation que l’on psalmodie, ces deux faits sont aujourd’hui indépassables.
La stratégie de relève de notre ancien monde se joue donc sur plusieurs tableaux. Ils ne sont pas de même nature. Sur le plan électoral, tout est dit. L’abstention massive et le dégoût civique ultra dominant obligent à une clarté de cristal dans le positionnement. Pas de tambouille. Pour ce qui concerne la relation a la société c’est une autre affaire. Tout ce qui peut socialement remobiliser est bon. Le premier objectif vise à construire des combats communs sur le terrain. C’est-à-dire à regrouper tout ce qui peut l’être pour des mobilisations qui homogénéisent la société elle-même dans un esprit de résistance pour ses droits. Ici le Mouvement appuie, aide, soutient et ne devra jamais hésiter à se joindre à tous les groupements pour cela. Pour autant son action ne saurait être une simple répétition des mots d’ordre syndicaux.
Dans la lutte des cheminots par exemple, il assumera la responsabilité de mobiliser pour sa part les usagers du rail, les secteurs de la société qui ne sont pas directement mobilisables par l’action syndicale. La stratégie de moyen terme pour nous est celle qui a permis à la Guyane de produire le fameux document « accord Guyane » qui a fédéré toute la société Guyanaise dans toutes ses composantes par et dans la lutte sociale.
Le troisième aspect de cette méthode tient aux méthodes de travail. Le Mouvement produit de l’auto-organisation populaire. C’est son but essentiel. Que cette façon d’agir passe par des séances de méthodes Alinsky ou par des séances « d’ateliers des lois » comme celle que tient chaque semaine Gabriel Amard un peu partout dans le pays ou des quinzaines culturelles comme nous l’avons fait à Marseille, tout cela procède d’une même visée. Cela n’a plus rien à voir avec les formes traditionnelles de l’action de parti. Cela modifie la nature de la relation des personnes engagées envers le milieu auquel elles s’adressent. Mais cela modifie surtout la nature de la relation des gens à eux-mêmes et à leurs droits.
C’est cette visée large que nous nommons « mouvement politico-social ». Nous faisons de la politique dans des conditions d’actions sociales, ou culturelle, ou écologique. Rien à voit avec les rabâchages des groupuscules et de leurs rites soi-disant « démocratiques » machine violente à cliver, écraser, dominer entre militants d’une même chapelle. Au mouvement, la démocratie est un cycle très long et inclusif de la prise de décision comme ce fut le cas pour la convention sur le programme. Ou la Convention sur le choix des campagnes que mène à présent le mouvement. Mais c’est surtout le système de la délégation de pouvoir et le contrôle a posteriori pour les actions décidées dans les groupes d’action. Tout ce que n’aiment pas les grands chefs inspecteurs des travaux finis et autre porte-parole de leur précieuse « différence » qui pépient sur les branchages des dîners en ville.

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