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samedi 31 mars 2018

Les Crises.fr - Piégés dans la Ghouta orientale : comment chaque camp empêche les civils d’échapper à l’horreur du siège en Syrie, par Patrick Cockburn


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31
Mar
2018

Piégés dans la Ghouta orientale : comment chaque camp empêche les civils d’échapper à l’horreur du siège en Syrie, par Patrick Cockburn


Source : The Independent, Patrick Cockburn, 26-02-2018
Ghafour, un enseignant de 43 ans, a raconté à The Independent qu’il voulait juste échapper à ce que les Nations-Unies surnomment « l’enfer sur Terre ». Mais, à un checkpoint, un commandant rebelle lui a clairement indiqué qu’il ne serait pas autorisé à partir : « Il m’a crié dessus et m’a dit : tu devrais rester ici et soutenir notre combat contre le régime ».
Patrick Cockburn Irbil, Irak @indyworld

Syriens passant devant des bâtiments détruits à Arbin, dans l’enclave de la Ghouta orientale tenue par les rebelles, ce dimanche

Selon un enseignant ayant tenté d’évacuer sa famille, les camps rebelles syriens et les forces gouvernementales empêchent tous deux les civils de fuir les bombardements de la Ghouta orientale.
Dans une interview exclusive pour The Independent, Ghafour, 43 ans, professeur d’arabe, a parlé de leur tentative d’évasion avortée.
« Je vis à Douma [dans le nord de la Ghouta orientale] et j’ai trois enfants qui ont tous moins de 15 ans », dit-il. « J’ai essayé de faire sortir ma famille, mais les militants de l’opposition empêchent toutes les familles de partir ». Il ajoute que même les vastes réseaux de contrebandiers indépendants, qui servaient à introduire secrètement des marchandises dans la Ghouta orientale et quelquefois à faire passer des gens, ne l’aideraient pas car ils travaillent avec les groupes rebelles contrôlant la Ghouta orientale.
« J’ai essayé mais en vain », se rappelle-t-il, décrivant comment un des commandants rebelles locaux, probablement du groupe Armée de l’Islam contrôlant cette partie de l’enclave assiégée, a arrêté Ghafour et sa famille jeudi dernier alors qu’ils tentaient d’aller de Douma vers Harasta, un autre district tenu par l’opposition plus à l’ouest. « Il m’a crié dessus et m’a dit : tu devrais rester ici et soutenir notre combat contre le régime, et tu ne devrais même pas envoyer ailleurs ta femme et tes enfants. Si nous faisons partir nos familles, notre moral s’effondrera et nous perdrons ».
Ghafour est rentré chez lui avec sa famille et dit qu’ils s’attendent à être tués à tout moment. Malgré cela, il reste favorable aux rebelles qui l’ont empêché de fuir avec sa famille. « Moi-même, je ne me bats pas, mais je vais voir les combattants aux alentours et leur offre mon aide en cas de besoin », dit-il. Il a peur des représailles du gouvernement, déclarant que même utiliser le réseau mobile Syriatel est dangereux car « les appels sont enregistrés par le régime ». « Un de mes amis a été arrêté le mois dernier à cause de plusieurs appels passés depuis Douma avant qu’il ne rejoigne les zones tenues par le régime », ajoute-t-il.
Il dit qu’il est maintenant devenu impossible de passer comme avant d’Harasta ou de Douma aux territoires tenus par le gouvernement car « le régime ne les laissera pas y aller ». En conséquence, lui et sa famille restent chez eux, terrifiés et déconcertés à propos de ce qu’il se passera après une semaine de pilonnages et de bombardements incessants. « J’ai perdu deux de mes amis à Shafouniya hier, lors d’une frappe aérienne », précise-t-il.
L’interview de Ghafour a eu lieu au moment où le conseil de sécurité de l’ONU a voté la résolution demandant 30 jours de cessez-le-feu en Syrie, ce qui a mené à une diminution des bombardements et des pilonnages qui ont déjà tué 500 personnes dans la Ghouta orientale la semaine dernière. C’était également avant que les forces gouvernementales syriennes ne soient accusées d’utiliser du chlore gazeux.
Ce qui apparaît, c’est qu’aussi bien les groupes armés d’opposition de la Ghouta orientale que le gouvernement empêchent les gens de partir. Ceci est confirmé par un rapport soutenu par l’ONU, le rapport Reach, qui indique : « D’après certaines informations, les groupes armés locaux continuent d’empêcher les femmes de tous âges et les enfants de quitter la zone par pour des raisons de sécurité ». Ceci a été le schéma reproduit par tous les camps dans tous les nombreux sièges en Syrie, ces derniers ne voulant pas voir leurs propres enclaves dépeuplées et voulant retenir également le plus possible les populations locales pour s’en servir comme boucliers humains.
Mais Ghafour a raison lorsqu’il pense que lui et sa famille auraient beaucoup à craindre même s’ils avaient réussi à aller jusqu’aux lignes tenues par le gouvernement. Les hommes en âge d’être enrôlés, en particulier, ont beaucoup de chances d’être emprisonnés car ils sont suspectés d’être des combattants rebelles ou parce qu’ils sont susceptibles d’être enrôlés dans l’armée syrienne. La détention peut survenir immédiatement ou arriver plus tard à n’importe quel checkpoint gouvernemental. Ceci intervient souvent lors de passages de « frontières », où les soldats et la police mal payés chercheront un pot de vin, surtout lorsqu’on vient d’une zone rebelle.
Mais il y a encore une autre raison pour laquelle ceux qui fuient la Ghouta orientale pourraient être en danger dans les quartiers de Damas tenus par le gouvernement. Sept années de guerre civile ont durci les Syriens des deux côtés, nombreux sont ceux qui ont perdu des proches dans la violence environnante, et maintenant ils se regardent l’un l’autre avec une haine non dissimulée. Dans Damas, les bombardements sont principalement du fait du gouvernement sur les zones rebelles, mais il y a aussi des tirs venant de la Ghouta orientale, principalement de mortiers, vers les quartiers contrôlés par le gouvernement.
Rania, étudiant en littérature anglaise en quatrième année à l’université de Damas, explique à The Independent ce qui est arrivé dans sa zone et la réaction des locaux. Elle vit dans la banlieue de Dwel’a, qui est contrôlée par le gouvernement mais qui est localisée entre deux zones détenues par les rebelles, Ayn Tarma au nord et Mukhayyam Al Yarmouk au sud.
« Notre secteur a été pilonné une à deux fois par semaine par des militants de l’opposition depuis un an, mais depuis une semaine, le pilonnage s’est intensifié et maintenant c’est tous les jours », dit-elle. Elle et ses amis sont bloqués chez eux depuis une semaine et ne peuvent même pas aller acheter de la nourriture. L’armée et de jeunes gens du coin, acceptant de prendre des risques, les approvisionnent.
« Des gens se font tuer tous les jours dans le coin », dit Rania. « Hier, une bombe a frappé le balcon d’un de nos voisins et a tué sa fille qui étudiait à l’université ».
Des accidents similaires arrivent tous les jours. Une maison près de celle de Rania a été touchée par une roquette et une mère avec son enfant de trois ans ont été tués.
En conséquence, Rania nous révèle que les gens qui habitent son district parlent de « ce qui se passe dans la Ghouta de manière très négative ». Cela signifie qu’ils sont tous favorables à l’usage de la force de manière maximale. Elle dit qu’un « marchand de notre localité a perdu son fils dans la Ghouta. Il était dans l’armée syrienne et, tandis que lui et son unité essayaient d’entrer dans la Ghouta orientale, il est mort avec d’autres soldats. Le marchand et beaucoup de ceux qui ont perdu leur fils disent que même les enfants de la Ghouta devraient être tués car “s’ils grandissent, ils deviendront eux aussi des terroristes”. »
Source : The Independent, Patrick Cockburn, 26-02-2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr.
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36 réponses à Piégés dans la Ghouta orientale : comment chaque camp empêche les civils d’échapper à l’horreur du siège en Syrie, par Patrick Cockburn

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DUGUESCLINLe 31 mars 2018 à 07h07
Ben voyons!
On renvoie dos à dos l’armée syrienne qui défend son pays et les rebelles terroristes.
Pour faire bonne mesure il y a des gentils et des méchants des deux côtés. Ce qui est possible.
Mais il ne faut oublier ceux qui agissent légitimement et ceux qui veulent déstabiliser le pays.
Ceux qui défendent leur pays, avec ou sans Bachar El Assad, et ceux qui veulent prendre le pouvoir en servant les intérêts de puissances étrangères.
Dès que les gens se battent on sait qu’il y a un risque de barbarie.
Mais cela ne doit pas occulter que ceux qui sont à la manœuvre et veulent partitionner et contrôler la Syrie sont les principaux responsables de la guerre.

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