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vendredi 2 février 2018

L'extrême droite place trois hommes contestés à des postes-clés du Bundestag



L'extrême droite place trois hommes contestés à des postes-clés du Bundestag

Trois commissions, dont celle du budget, vont être présidées par des élus de l'AfD

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En temps normal, l'élection des présidents des commissions permanentes du Bundestag, passage obligé de tout début de législature, n'aurait pas fait les gros titres de l'actualité.
Il en a été autrement ce mercredi 31  janvier, pour deux raisons. L'une est que, pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, trois commissions du Bundestag (budget, -affaires juridiques et tourisme) seront présidées par l'extrême droite. La seconde tient au profil des nouveaux élus, trois membres particulièrement controversés du parti Alternative pour -l'Allemagne (AfD).
Sur le principe, nul ne conteste que l'AfD préside trois commissions sur vingt-trois, soit quatre de moins que la CDU-CSU, deux de moins que le SPD, autant que le Parti libéral-démocrate (FDP) et une de plus que les Verts et Die Linke (gauche radicale) : cela correspond au poids du parti d'extrême droite dans la nouvelle assemblée, où il compte 92 élus sur 730. De même, nul ne remet en question qu'il ait hérité de la présidence de la commission du budget, l'une des plus importantes et des plus peuplées (44 membres), la tradition étant qu'elle échoie au principal groupe d'opposition, place occupée par Die Linke pendant la dernière législature et désormais par l'AfD.
Ce sont en revanche les personnalités choisies par le parti d'extrême droite pour occuper ces postes stratégiques qui ont fait réagir, à la fois parmi ses adversaires politiques et dans la presse, à l'instar du quotidien de centre gauche Süddeutsche Zeitung, qui a dénoncé des nominations " inacceptables ".
Propos polémiquesCelle de Peter Bœhringer, qui va présider la commission du budget, d'abord. Homme fort de l'AfD en Bavière, cet économiste de 48 ans a appartenu à la petite équipe qui rédigea le programme du parti pour les dernières législatives. Admirateur de l'économiste britannique d'origine autrichienne Friedrich Hayek (1899-1992), considéré comme le père du néolibéralisme, il est surtout connu comme un pourfendeur acharné de l'euro, qu'il juge " économiquement absurde "" juridiquement illégal " et sans " légitimité démocratique ", ainsi qu'il le confiait au Monde il y a quelques semaines.
S'il soigne son image d'" expert " en matière d'économie, M.  Bœhringer s'est aussi distingué par ses violentes déclarations contre l'accueil des réfugiés décidé, en  2015, par la chancelière Angela Merkel.
A l'époque, il fit ainsi partie de ceux qui expliquèrent que cette politique conduirait à une forme d'Umvolkung, un terme emprunté au vocabulaire nazi et qui correspond à ce que les contempteurs de l'immigration musulmane qualifient, en France, de " grand remplacement ". Sur son blog, il n'hésita pas à accuser le gouvernement allemand d'être une " bande  plus criminelle encore que celle des communistes qui dirigeaient la RDA ".
Contrairement à M. Bœhringer, Stephan Brandner, le nouveau président de la commission des affaires juridiques, ne se soucie guère de lisser son image. Au contraire. Lors de ses adieux au Parlement régional de Thuringe, le 29  septembre 2017, cinq jours après son élection au Bundestag, cet avocat de 51 ans s'est ainsi glorifié d'avoir été visé par " trente rappels à l'ordre " en trois ans.
Réputé pour la crudité de ses saillies verbales, que ce soit à propos de Mme Merkel, qu'il souhaite " mettre en taule ", ou des enfants de réfugiés syriens, qu'il compara un jour à des " chèvres ", M.  Brandner est un proche de Björn Höcke, le leadeur de l'aile droite de l'AfD, qui a récemment failli s'en faire exclure pour avoir qualifié de " monument de la honte " le mémorial construit à Berlin en hommage aux victimes de la Shoah.
Reste Sebastian Münzenmaier. En propulsant à la tête de la commission du tourisme ce député de 28 ans, l'un des dix plus jeunes du Bundestag, l'AfD espérait marquer sa différence avec les " vieux partis " qu'elle ne cesse de brocarder. Pari perdu.
Insensibles à sa bonhomie juvénile, les adversaires politiques de cet élu de Mayence (Rhénanie-Palatinat), ainsi que la plupart des médias allemands, ont préféré rappeler que ce dernier a été condamné à six mois de prison avec sursis pour complicité de coups et blessures volontaires lors d'une rixe, en  2012, entre supporteurs de deux clubs de football.
Thomas Wieder
© Le Monde

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