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mercredi 28 février 2018

A l'hôpital, la crainte de l'asphyxie budgétaire.....Les centres de maladies rares inquiets pour leur financement.....


28 février 2018

A l'hôpital, la crainte de l'asphyxie budgétaire

La baisse des tarifs hospitaliers va contraindre les établissements publics à de nouvelles économies

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La pression va encore monter d'un cran dans un secteur hospitalier déjà chauffé à blanc. Quelques jours après avoir promis une " réforme globale " du système de santé, et notamment du financement des hôpitaux publics, le gouvernement a annoncé, lundi 26 février, une baisse de 1,2 % de leurs tarifs en  2018 (un peu plus de la moitié, 0,7 %, sera restitué si l'objectif national de dépenses d'Assurance-maladie est tenu en fin d'année). Un coup de rabot budgétaire certes plus modéré qu'en  2017 (– 1,6  %), mais qui va de nouveau contraindre les établissements de santé à chercher de nouvelles sources d'économies et à réaliser encore plus d'actes, pour tenter de maintenir leur équilibre budgétaire.
Un comble, alors que la ministre de la santé, Agnès Buzyn, a confié, le 14  février sur France Inter, être " choquée " lorsqu'elle entendait qu'" un hôpital cherche des parts de marché par rapport à une clinique privée ". La veille, lors d'un déplacement avec le premier ministre à Eaubonne (Val-d'Oise), elle avait annoncé vouloir " corriger " et " rééquilibrer " la tarification à l'activité (T2A), mise en place en  2004 et aujourd'hui accusée d'être à l'origine de plusieurs dérives au sein du système de santé, dont la " course à l'activité ". Autrement dit devoir accueillir toujours plus de patients (mais avec des durées de séjour calculées au plus court), afin de pouvoir présenter une facture plus élevée à l'Assurance-maladie.
Plusieurs acteurs du monde hospitalier font aujourd'hui crédit à la ministre de sa volonté de faire évoluer le logiciel pour en finir avec " l'hôpital entreprise ", en prenant davantage en compte l'efficience et la qualité des soins, par le biais notamment des financements " au parcours ". Mais ils se demandent comment tenir en attendant une réforme qui n'interviendra pas avant au moins 2020.
Après plusieurs années de restrictions budgétaires, dont celles très fortes demandées par Marisol Touraine afin de tenter de rétablir les comptes de la " Sécu ", les hôpitaux sont aujourd'hui " à l'os ", font valoir ses représentants. " Avec cette nouvelle baisse de tarifs, on continue de resserrer le garrot. A un moment, on va aller à l'asphyxie ", prévient Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), le " lobby " des hôpitaux publics. En  2017, ceux-ci devraient afficher un déficit record de près d'un milliard d'euros, en raison d'une activité atone, à + 0,5  %, selon ses prévisions.
La question du maintien de l'emploi – longtemps tabou, tant la croissance de l'activité impliquait des soignants supplémentaires – est plus que jamais posée. Dans un communiqué publié le 15  février pour tenter de faire fléchir le gouvernement, la FHF estimait qu'une aggravation du déficit des établissements publics de santé de la même ampleur qu'en  2017 signifierait, " en théorie, que pour revenir à l'équilibre à la fin de 2018, les hôpitaux devraient supprimer 33 000 emplois ". Ces emplois, soignants ou non, ce sont des départs à la retraite non remplacés, des CDD ou des intérimaires qui ne sont pas rappelés…
Une équation loin d'être théorique dans la mesure où l'emploi représente près de 70 % des coûts d'un établissement. Selon les syndicats de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, le " navire amiral " de l'hôpital en France devrait présenter pour 2017 un déficit de près de 200  millions d'euros. Pour la CGT, cela pourrait se traduire par 23 millions d'euros d'économies en  2018, " soit l'équivalent de 600 emplois temps plein ".
" Les hôpitaux ont déjà serré les vis partout où ils le pouvaient. Maintenant ils n'ont plus le choix, c'est l'emploi qui va trinquer ", pronostique Frédéric Pierru, chercheur en sciences sociales et politiques, et ancien conseiller santé de Jean-Luc Mélenchon. Cette baisse des tarifs est " un jeu de massacre pour nos établissements, estime Antoine Perrin, le directeur général de la Fehap, la structure représentant les 4 500 établissements privés non lucratifs, soumis à une baisse encore plus forte que le public. On se demande à quoi joue le gouvernement.Nous nous sommes restructurés, nous avons fait toutes les optimisations que nous pouvions, maintenant c'est l'emploi, voire la survie des établissements qui est en jeu. "
" Course inutile à l'activité "Médecins, directeurs, soignants… Le mécontentement " monte de tous les côtés ", constate Michel Claudon, à la tête de la conférence des présidents des commissions médicales d'établissement des CHU, les " parlements " des médecins. Dénonçant une " course inutile à l'activité ", il estime que ce nouveau coup de rabot va empêcher les investissements et " décourager les acteurs qui ont beaucoup donné ".
Un diagnostic partagé par Nathalie Depoire, la représentante de la coordination nationale infirmière. " Il y a un gros ras-le-bol des personnels soignants, dit-elle.Qu'on nous donne les moyens de travailler correctement le temps que la réforme se mette en place… "
Alors qu'une nouvelle journée de mobilisation est déjà prévue dans les Ehpad le 15  mars, " les hôpitaux et les cliniques grondent en silence ", ont prévenu les présidents des quatre fédérations hospitalières dans une tribune parue le 25  février dans Le Journal du dimanche, jugeant que le " point de rupture " était proche. " Le risque social est énorme, résume Joëlle Bouet, du cabinet de conseil en santé OpusLine. On demande aux personnels de faire plus d'efforts, sans aucune perspective de pouvoir les récompenser pour ça avec des réponses à leurs revendications financières. "
François Béguin
© Le Monde
28 février 2018

Les centres de maladies rares inquiets pour leur financement

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Des hôpitaux utiliseraient aujourd'hui les crédits dévolus au financement des centres de référence maladies rares et situés en leur sein pour d'autres usages, notamment combler leurs déficits. C'est ce qu'affirment les responsables des vingt-trois filières consacrées aux maladies rares dans un communiqué publié le 23  février et cosigné par deux importantes associations, Alliance maladies rares et l'AFM-Téléthon.
Dans ce texte, médecins et associations de malades font part de leurs " inquiétudes "sur la bonne attribution des 89 millions d'euros alloués à ces centres de référence, au nombre de 387 après une nouvelle vague de labellisation en  2017, qui entraîne une redistribution des financements. Ils dénoncent la " confiscation " de crédits par certaines directions hospitalières, ce qui " met en péril la crédibilité et l'efficacité " de l'effort national en faveur de maladies qui concernent trois millions de patients. Une maladie est dite " rare " quand elle touche moins d'une personne sur 2 000.
" Limitations aux recrutements "" Le degré d'inquiétude n'est pas au même niveau dans tous les hôpitaux. Environ 40  % des centres n'arrivent pas à avoir une lisibilité pour leur budget 2018 ", souligne le Pr Eric Hachulla, responsable au CHU de Lille de l'une de ces filières. " Dans certains hôpitaux, il y a des limitations aux recrutements, quel que soit le poste. Certains nouveaux centres ne peuvent donc pas embaucher un secrétaire ou un médecin pourtant indispensable pour assurer leur mission ", ajoute le Pr  Guillaume Jondeau, du centre national de référence sur le syndrome de Marfan et apparentés à l'hôpital Bichat, à Paris.
Dans un courrier cité par l'AFP, la direction générale de l'offre de soins du ministère de la santé avait assuré début février que " dans le contexte financier que connaissent certains hôpitaux, il est compréhensible que le nouveau dispositif financier se mette en place progressivement ".
Fr. B.



" Quand on veut développer une activité, on monte un business plan "

A l'hôpital de Villefranche-sur-Saône, la tarification à l'activité a permis l'embauche de médecins. Mais le système atteint ses limites

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C'est la " boîte noire " de l'hôpital de Villefranche-sur-Saône (Rhône). Dans cette pièce située au même étage que la direction, six techniciennes d'information médicale identifient chaque jour les motifs des séjours des patients hospitalisés dans cet établissement de 431 lits, ainsi que les actes qui leur ont été prodigués, afin de présenter une facture optimale à l'Assurance-maladie et aux mutuelles. Au total, 44 147 séjours ont été " codés " ici pour l'année 2017.
" On est loin du monde des soignants. Parmi eux, personne ne sait trop ce qu'on fait ", raconte Nathalie Kalla, une cadre du service. L'équipe forme pourtant régulièrement les internes et les futurs infirmiers à l'importance de la tarification à l'activité (T2A), le système de financement des hôpitaux. Dans chaque service de l'hôpital, les infirmières rentrent au fur et mesure sur des ordinateurs portables les actes effectués auprès des patients. Les médecins doivent, eux aussi, remplir un compte rendu médical le plus précis et exhaustif possible.
Cette " tarification à l'activité ", la ministre de la santé, Agnès Buzyn, l'a accusée, le 14  février, d'avoir entraîné une " crise de sens " à l'hôpital public. La directrice de celui de Villefranche, Monique Sorrentino, elle, défend les apports de ce dispositif qui lie en partie (à hauteur de 52  %) les ressources financières de l'hôpital au nombre de séjours effectués. " La T2A donne envie de travailler, assure-t-elle. Quand on veut développer une activité, embaucher un médecin ou investir dans un équipement, on monte un business plan. On sait que ça doit générer 8  % de marge, il ne faut pas que ça s'équilibre juste. "
Selon elle, c'est la diminution régulière du tarif des actes depuis 2015 qui fait dérailler le système. " Il faut pédaler beaucoup plus vite pour avoir un effet sur les recettes ",observe-t-elle, dénonçant les risques " inflationnistes " en termes de nombre d'actes de ce " sous-financement structurel ". Pour 2017, elle annonce 2 millions d'euros d'excédent et une activité en hausse de 7,5 %. Des chiffres à rebours de nombreux hôpitaux, qui ont connu une activité atone et des comptes dans le rouge. " On a un profil atypique. On est dans les 20  % qui y arrivent le mieux ", reconnaît Sylvain Delair, directeur des affaires financières.
L'hôpital de Villefranche doit en partie sa forte croissance aux " parts de marché "récupérées sur les principaux hôpitaux lyonnais, à 30 km par l'autoroute, où certains habitants de la zone s'adressaient auparavant. Une " captation de patientèle " permise par l'arrivée de nombreux nouveaux médecins ces dernières années à Villefranche, notamment en chirurgie pédiatrique et en cancérologie, dont les postes ont été financés grâce à la tarification à l'activité. Un mécanisme auquel médecins et membres de la direction trouvent beaucoup d'avantages : des postes pour les uns, des séjours supplémentaires et donc des nouvelles rentrées financières pour les autres… " Grâce à la T2A, on est passé de 60 à 120 médecins, se félicite la neurologue Anne Nove Josserand. Ophtalmo, ORL, stomato, chirurgie pédiatrique, médecine interne, radiothérapie… Tout ça n'existait pas avant. "
" Les lits ne sont jamais vides "Pourtant, ici aussi, alors que la T2A a plutôt bonne presse, on en reconnaît les limites." On a capté les patients qu'on devait capter, estime Hervé Bontemps, pharmacien et président de la commission médicale d'établissement. On n'a plus énormément de marges à ce niveau-là… " Pour maintenir les finances dans le vert en dépit des contraintes budgétaires imposées par l'Etat, la directrice reconnaît " chercher de l'efficience partout, tout le temps. Je pressurise beaucoup la communauté médicale et paramédicale pour avoir un hôpital en surchauffe plutôt qu'à l'aise ".
Tous les mois, direction et chefs de service s'assurent que les durées d'hospitalisation ne s'allongent pas. Car des lits occupés plus longtemps, c'est moins de patients hospitalisés, et donc moins de séjours facturés à l'Assurance-maladie. Une pression permanente que les salariés de l'hôpital disent ressentir. " Les lits ne sont jamais vides. Une infirmière doit faire cinq à six départs de patients dans la journée ",témoigne Laetitia Houssaye, aide-soignante et élue CGT. Si l'hôpital embauche de 30 à 50 personnes chaque année pour faire face à la hausse d'activité, la représentante syndicale assure ne pas en ressentir le bénéfice. " On en demande de plus en plus aux soignants, il y a une fatigue et une lassitude. On est régulièrement rappelé sur nos jours de repos pour venir combler les arrêts-maladies… "
Chez les médecins aussi, on perçoit les effets de cette politique : " Il y a une pression pour être les bons élèves ", remarque Julie Le Scanff, du service médecine interne, tout en se félicitant que ce système permette d'associer les médecins aux projets de développement. Malgré un bilan de cette tarification " globalement positif ", Grégory Murcier, chirurgien maxillo-facial, juge " assez usante " cette " course à l'activité " : "On passe beaucoup de temps à essayer de rationaliser le parcours de soins, à la fois pour le confort du patient mais aussi pour que chaque acte soit coté et rapporte un maximum à l'hôpital. "
FR. B.
© Le Monde

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