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jeudi 8 février 2018

ECONOMIE - Dans son rapport public annuel, publié mercredi 7 février, la Cour des Comptes livre son diagnostic sur la situation des finances publiques.

ECONOMIE



8 février 2018

" La croissance ne dispense pas d'efforts sur la dépense "

Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, appelle l'Etat à faire des choix dans ses missions pour davantage réduire son déficit


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LES CHIFFRES
2,9 %
C'est, en points de PIB, le niveau que devrait atteindre le déficit public de la France en 2017 (la confirmation est attendue au printemps). Cela ferait de la France l'avant-dernier élève de la zone euro, juste avant l'Espagne (3,1 % de déficit).
2,8 %
C'est le déficit public que le gouvernement prévoit pour 2018, une amélioration jugée " très faible " par la Cour des comptes.
0,1 point
C'est l'amélioration du déficit " structurel " (c'est-à-dire hors effet de la conjoncture économique) prévue dans le budget 2018. Les règles budgétaires européennes imposent en principe une réduction de ce déficit structurel d'au moins 0,5 point de PIB par an, mais Bercy souligne qu'une " marge de déviation " existe dans les faits.
agrandir la taille du texteDans son rapport public annuel, publié mercredi 7  février, la Cour des Comptes livre son diagnostic sur la situation des finances publiques. Son premier président, Didier Migaud, rappelle au Monde la nécessité de continuer à réduire le déficit, et appelle l'Etat à faire des choix dans ses missions de service public.


En matière de maîtrise des finances publiques, quel bilan tirez-vous du début de mandat d'Emmanuel Macron ?

Pour 2017, les éléments dont nous disposons confirment le diagnostic formulé au moment de l'audit remis fin juin au premier ministre. Cet audit avait mis en évidence des risques forts de dépassement des dépenses affectant la sincérité de la loi de finances pour 2017. L'accélération de la croissance a généré des ressources supplémentaires qui ont contribué à compenser cette sous-estimation.
Le déficit devrait être in fine proche de celui prévu par le gouvernement précédent - 2,9  % au lieu de 2,7  % prévu par la loi de finances initiale 2017 - , mais ce ne sera pas du tout avec le même contenu. Il y a eu plus de recettes grâce à la croissance et, simultanément, plus de dépenses du fait des sous-budgétisations, en dépit des annulations de crédits et de mesures d'économies ciblées décidées à l'été - baisses des APL, diminution des contrats aidés - .
En  2018, la France devrait pouvoir sortir de la procédure de déficit excessif, tout en restant proche des 3  % de déficit. La dépense devrait continuer de croître, à un rythme plus ralenti (+ 0,6  %) mais néanmoins pas assuré. L'amélioration de la conjoncture ne doit pas avoir un effet anesthésiant. Si la croissance réduit mécaniquement le déficit, elle ne règle pas la question de la maîtrise des dépenses et de leur efficacité.


Sur quels postes reposera le ralentissement de la dépense ?

Le gouvernement prévoit la poursuite de l'effort sur l'Assurance-maladie, et son accentuation sur les dépenses de l'Etat et des collectivités territoriales.


Pour freiner les dépenses des collectivités territoriales, le gouvernement a préféré la contractualisation (modulation à la hausse ou à la baisse sur trois ans autour d'un taux pivot de 1,2  %) plutôt que la baisse des dotations. Appréciez-vous ce changement ?

Cela constitue un pari. Si en  2018, les dépenses locales évoluent comme en  2017, et non comme prévu par le gouvernement, cela représenterait un écart de plus de 2  milliards d'euros. La politique de baisse des dotations a eu des effets incontestables en matière de réduction des dépenses de fonctionnement des collectivités, mais sa poursuite devenait problématique. La Cour elle-même avait invité à une concertation plus étroite entre l'Etat et les collectivités territoriales. La contractualisation la traduit.


Au-delà de 2018, la trajectoire des finances publiques définie par l'exécutif vous paraît-elle pertinente ?

Sur la durée, le gouvernement prévoit une nette amélioration, avec un déficit attendu à 0,3  point de PIB en  2022. Mais l'effort structurel - hors conjoncture économique -annoncé pour réduire ce déficit reste faible, notamment en  2018 et 2019. Cette trajectoire repose, là aussi, sur un pari : que les excédents de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales compenseront en partie les déficits persistants de l'Etat. De plus, elle retient des hypothèses de croissance constantes (+ 1,7  %) sur le quinquennat, voire en hausse (+ 1,8  %). Quand vous regardez les cycles économiques, c'est rare.
Plus fondamentalement, l'amélioration de la conjoncture économique a mécaniquement des effets positifs sur le déficit public. Mais la partie structurelle du déficit peut demeurer élevée et renvoie à la question de la maîtrise, de l'efficacité de la dépense publique. Le gouvernement dit en avoir conscience et donne le sentiment de vouloir s'en saisir.


Votre analyse diffère de celle de Bercy, qui estime que l'effort sur la dépense correspond à ce que réclame Bruxelles en matière structurelle…

Contrairement à la Commission européenne, qui est une instance politique et peut passer des compromis, la Cour des comptes est une juridiction, qui raisonne par rapport aux textes. Or, on est en deçà des règles européennes en termes d'efforts structurels. D'incontestables efforts ont été faits, mais tous les rapports de la Cour montrent que des marges existent encore. La France a bénéficié ces dernières années de deux phénomènes importants : des taux d'intérêt bas et la baisse des concours à l'Union européenne - contribution au budget - . Ces éléments favorables risquent de ne plus jouer, voire de jouer en sens inverse.
Notre dette va continuer d'augmenter en  2018 alors que la dette de l'ensemble des pays de la zone euro baisse. Le sujet est d'autant plus aigu que la remontée des taux d'intérêt aura un effet mécanique sur le poids de la dette, cependant que les dépenses régaliennes (défense, sécurité, justice) sont appelées à augmenter. Notre situation reste donc vulnérable.
Dans l'absolu, la France va mieux que par le passé. En relatif, ce n'est pas le cas. Les autres pays ont fait des efforts de maîtrise des dépenses plus importants, et plus tôt. Voilà pourquoi le pilotage des finances publiques est particulièrement important dans les périodes de bonne conjoncture économique. C'est la fable de La Cigale et de la Fourmi : les phases de croissance ne dispensent pas d'efforts sur la dépense, au contraire !


Mais, à la différence d'autres pays, nos prélèvements obligatoires comprennent aussi le financement de la protection sociale ou de l'éducation…

La France est effectivement l'un des pays où les prélèvements obligatoires et la dépense publique sont parmi les plus élevés en proportion du PIB. Mais, au-delà de ce constat chiffré, sur lequel la Cour ne porte pas de jugement a priori, il y a un problème plus profond qui constitue un " mal français " : les résultats de nos politiques publiques sont rarement à la hauteur des moyens qui y sont consacrés. C'est vrai dans le domaine de l'éducation, de la protection sociale, mais aussi du logement, des aides aux entreprises, de l'emploi, de la formation professionnelle…
A niveau de prélèvements donné, les citoyens peuvent-ils considérer qu'ils en ont pour leur argent ? En matière d'éducation, par exemple, la France dépense plus que ses voisins pour le lycée, mais moins pour le primaire, alors que c'est là que l'effort est déterminant. Des redéploiements devraient donc être possibles. En matière de santé, quand on raisonne en termes d'efficacité et de qualité des soins, on s'aperçoit qu'en Allemagne, par exemple, les médecins acceptent davantage de régulation et qu'ils ont en contrepartie des rémunérations plus élevées. Les assurés sociaux y sont davantage responsabilisés, notamment dans l'usage des médicaments génériques.


L'exécutif a présenté, le 1er  février, les premières mesures d'une vaste réforme de la fonction publique. Avez-vous l'impression d'un changement d'état d'esprit ?

Les objectifs annoncés sont ambitieux mais la Cour ne peut s'arrêter aux intentions. Trop souvent, les résultats sont en décalage par rapport aux objectifs fixés ou au montant des crédits qui leur sont consacrés. Tout n'est pas qu'une question de moyens. L'organisation, le fonctionnement, la répartition des crédits sur le territoire, bref la gestion de ces moyens, ça compte aussi.
Il faut que l'Etat fasse des choix entre ses missions, qu'il clarifie les responsabilités entre les collectivités territoriales et lui, et entre les collectivités elles-mêmes. A force de vouloir être présent partout et de ne pas arbitrer, l'Etat finit parfois par ne plus remplir correctement ses missions essentielles.


Pourquoi ce raisonnement a-t-il tant de mal à prendre dans une partie de l'opinion ?

Cela évolue. Il faut faire preuve de pédagogie, car améliorer les résultats de l'action publique profite aux Français. L'enjeu, c'est de faire comprendre à nos concitoyens que l'intérêt général, ce n'est pas la somme des intérêts particuliers, ou qu'il est légitime de mettre fin à des effets d'aubaine.
Propos recueillis par, Patrick Roger, Et Audrey Tonnelier
© Le Monde


8 février 2018.

Sécurité privée Une régulation " lacunaire " du secteur

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C'est un coup de semonceque la Cour des comptes adresse au secteur de la sécurité privée. L'institution s'alarme de la régulation " lacunaire " du secteur face à des risques patents en matière de moralité et de fraude et tire à boulets rouges sur le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), l'autorité de régulation.
Le secteur de la sécurité privée jouit d'une croissance forte mais demeure éclaté en une myriade de sociétés se livrant une " concurrence sévère " en jouant sur une main-d'œuvre " très peu qualifiée et mal rémunérée ". L'Etat – qui pèse pour un quart du chiffre d'affaires du secteur – n'a eu de cesse de déléguer des missions au privé comme la surveillance de bâtiments publics ou, plus récemment, des pouvoirs de fouille lors d'événements sportifs ou culturels. Le ministre de l'intérieur, Gérard Collomb, entend poursuivre ce mouvement.
" Appréciation trop indulgente "Pour la Cour des comptes, l'Etat doit urgemment définir une " doctrine d'emploi " et des critères d'attribution des marchés plus stricts que simplement axés sur les prix. En outre, il doit investir plus sérieusement le pilotage du Cnaps. L'établissement public mis en place en 2011, et doté d'un pouvoir de police administrative, a pour principale mission la délivrance des cartes professionnelles permettant aux agents du privé d'exercer. Plus de neuf demandes sur dix sont satisfaites, remarque la Cour, qui doute de la fiabilité des enquêtes administratives réalisées. L'aptitude professionnelle des demandeurs ne lui apparaît pas suffisamment vérifiée, malgré des risques de fraude dans le secteur de la formation. La Cour critique aussi une " appréciation trop indulgente de la moralité " des demandeurs. Des antécédents judiciaires tels que la conduite sans permis, la détention de cannabis, les violences conjugales, l'outrage à personne dépositaire de l'autorité publique ou encore l'escroquerie sont admis. Une personne a obtenu une carte malgré 31 mentions à son casier. La Cour s'alarme aussi des risques de fraude pesant sur les agents du Cnaps : en 2017, l'un d'eux aurait ainsi modifié contre rémunération des extractions de fichiers de police d'antécédents judiciaires.
Enfin, la Cour regrette le faible pouvoir disciplinaire du Cnaps. Un tiers des entreprises interdites temporairement d'exercer " poursuivaient leur activité " en 2017. Et moins d'un tiers des sanctions financières infligées entre 2012 et 2016 ont été recouvertes. Les magistrats critiquent enfin " les manquements déontologiques " des commissions disciplinaires du Cnaps et considèrent nécessaire de mener une " réflexion " sur son avenir.
Julia Pascual
© Le Monde

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Emprunts toxiques Un coût de sortie " élevé "

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Fin 2017, le coût pour les finances publiques de la sortie des emprunts à risque contractés par les collectivités territoriales dans les années 2000 aura atteint plus de 3 milliards d'euros,dont 1 milliard supporté par l'Etat et 2  milliards par les collectivités elles-mêmes. Un coût de sortie " élevé ", estime la Cour des comptes dans son dernier rapport public annuel, publié mercredi 7  février.
Depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1983, les collectivités territoriales ont acquis le droit de souscrire différentes formules d'emprunt, de plus en plus complexes. C'est dans le courant des années 2000 qu'apparaissent des produits dits " structurés " reposant sur des taux d'intérêt variables à court et à long terme ou sur des parités de devises. La banque Dexia s'est fait une spécialité de ce type de dispositif, très attractif au départ car proposant des taux inférieurs aux conditions du marché.
La crise de 2008, et l'envolée des taux qui s'en est suivie, va faire déchanter les collectivités. Environ un millier se sont retrouvées à devoir éponger des encours d'emprunts dits sensibles, devenus des " emprunts toxiques ", pour un montant global d'une dizaine de milliards d'euros. Ce qu'elles étaient incapables de faire.
Effets dévastateursL'Etat a alors dû intervenir. En janvier  2013, il est devenu actionnaire de la Société de financement local (SFIL), qui a repris pour 8,5  milliards d'euros d'encours sensibles des prêts accordés aux collectivités territoriales par Dexia. Il a ensuite mis en place un fonds de soutien aux collectivités doté initialement de 1,5  milliard d'euros. Un montant doublé en  2015. Sur 850 collectivités concernées par le remboursement d'emprunts à risque, 676 ont ainsi déposé un dossier d'aide auprès du fonds de soutien, pour un encours de 6,3  milliards d'euros. Seules 579  collectivités ont finalement bénéficié de l'aide du fonds de soutien, pour un montant total de 2,6 milliards d'euros correspondant à un encours de 5,6 milliards d'euros. Parmi les plus gros bénéficiaires, figurent notamment le conseil départemental du Rhône (127  millions d'euros), la collectivité territoriale de Corse (104  millions) et la métropole de Lyon (101  millions).
Pour les finances publiques, même si le dispositif a permis de circonscrire les effets dévastateurs de ces emprunts toxiques et d'amortir les risques pesant sur les collectivités, le coût aura été significatif. Pour les représentants du gouvernement, cependant, ce coût de 3 milliards d'euros doit être mis en perspective avec le risque de plus de 17 milliards d'euros pour l'Etat qui aurait pu résulter des pertes encourues par la SFIL et Dexia.
Patrick Roger
© Le Monde


8 février 2018.

Politique vaccinale " Mesures partielles " et " insuffisantes "

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Face à la montée de " l'hésitation vaccinale " chez une partie de la population française, les pouvoirs publics n'ont pris que des mesures " de portée limitée " au travers d'une " succession de plans inaboutis ". Dans son rapport annuel, la Cour des comptes critique avec sévérité la politique vaccinale menée ces dernières années, faite selon elle de " mesures partielles "" mal coordonnées " et " insuffisantes " face à la réémergence de certaines maladies, comme la rougeole (24 000 cas déclarés entre 2008 et 2016).
L'institution dénonce notamment une stratégie d'information et de communication en matière de vaccins " partielle et imparfaite ", et juge " particulièrement dommageable " la position en " complet retrait " du ministère de l'éducation nationale à l'égard des problématiques de vaccination. Ce constat intervient quelques semaines après un important changement sur cette question : le passage de trois à onze vaccins obligatoires pour les enfants nés après le 1er  janvier 2018. Une mesure certes saluée par la Cour, qui y voit une " clarification attendue et nécessaire ", mais qui " ne suffira pas à elle seule à rétablir durablement la confiance ".
" Obstacle majeur "Pour y parvenir, les magistrats formulent des propositions, dont plusieurs se trouvent déjà à l'étude. Ils suggèrent par exemple d'autoriser davantage de professionnels de santé à pouvoir vacciner, dans la lignée de l'expérimentation menée cet hiver qui a permis à des pharmaciens de vacciner sous certaines conditions contre la grippe. Ils souhaitent également la mise en place de façon prioritaire d'un " registre de vaccination unique " dans la mesure où la mauvaise connaissance du statut vaccinal est un " obstacle majeur " à l'optimisation de la couverture vaccinale. La généralisation du " dossier médical partagé, prévue dans les prochains mois, devrait jouer ce rôle ", répond l'Assurance-maladie.
Regrettant la faible couverture vaccinale antigrippale des professionnels de santé, la Cour des comptes émet le vœu qu'ils soient tous obligatoirement vaccinés contre le virus. Une disposition déjà prévue par la loi, mais jamais appliquée. Le rétablissement de cette obligation -revêtirait aujourd'hui un caractère " d'exemplarité " après l'extension de l'obligation vaccinale pour les enfants, note le rapport.
De façon plus originale, la Cour plaide enfin pour une présence accrue de la Haute Autorité de santé sur les réseaux sociaux pour porter une parole publique sur la question vaccinale de façon " continue et réactive ", par une instance " dont l'indépendance comme la légitimité scientifique ne puissent être mises en doute ".
François Béguin
© Le Monde

8 février 2018

Contrats aidés Des résultats " pas à la hauteur "

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Muriel Pénicauda dû boire du petit-lait en lisant les pages du rapport de la Cour des comptes consacrées aux contrats aidés. La ministre du travail est pratiquement du même avis que les magistrats de la rue Cambon sur ce dispositif : se révélant peu efficace en termes de réinsertion professionnelle, il doit être recentré sur certains publics spécifiques, avec un encadrement plus poussé des bénéficiaires.
Mis en place à partir du milieu des années 1980, les contrats aidés ont changé d'appellation plusieurs fois. Leur objectif, lui, reste le même : favoriser le retour dans le monde du travail de personnes qui en sont éloignées. Entre 2012 et 2016, l'Etat a alloué quelque 13,6  milliards d'euros en faveur de cette politique, soit " près d'un quart des dépenses de la mission “travail et emploi” " dans la loi de finances. L'exécutif lui a longtemps donné un rôle central au nom " de l'objectif de diminution des statistiques du chômage ".
Or, le bilan en la matière n'est pas pharamineux, aux yeux de la Cour, qui cite plusieurs études réalisées par les services du ministère du travail. Ainsi, en  2016, 29  % des signataires d'un contrat aidé dans le secteur non marchand (collectivités locales, associations) ont décroché un CDD d'au moins six mois ou un CDI, six mois après avoir quitté le dispositif. Dans le secteur marchand, le ratio est plus élevé : 54  %. " Ces résultats ne sont pas à la hauteur des moyens engagés ", déplore la haute juridiction.
Désaccord sur l'action de la ministreAu fil des ans, cette forme d'emploi a été ouverte à des catégories plus larges, diminuant la part de celles qui sont les plus en difficultés : les personnes peu qualifiées représentaient 49  % des signataires d'un contrat aidé dans le secteur non marchand en  2016 contre 73  % huit ans plus tôt ; la proportion d'allocataires de minima sociaux a, elle aussi, régressé, passant de 43  % en  2008 à 31  % en  2016.
A l'avenir, cette action devrait être ciblée sur des publics fragiles, qui ne peuvent pas être orientés " directement " vers des stages de formation " plus intensifs ", sans pour autant nécessiter un suivi " global ". La Cour ajoute qu'il faut renforcer l'accompagnement et la formation des intéressés – ce qui est justement l'une des orientations retenues par Mme  Pénicaud, dans le prolongement du rapport de Jean-Marc Borello, remis le 16  janvier. Un désaccord est exprimé par les magistrats financiers au sujet de l'action de la ministre : le fait qu'elle ait renoncé aux contrats dans le secteur marchand (au profit de ceux conclus dans le secteur non marchand) alors même qu'ils remettent le pied à l'étrier d'un plus grand nombre de personnes.
Bertrand Bissuel
© Le Monde

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Compteurs Linky Des gains " insuffisants " pour les usagers

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Le rapport est très sévèrepour Linky. Alors que 8  millions de compteurs communicants ont déjà été déployés en France, la Cour des comptes ne critique pas le bien-fondé du projet, mais estime que les conditions de son déploiement profitent surtout à Enedis (ex-ERDF), et pas suffisamment aux consommateurs.
Le déploiement des compteurs est assuré par Enedis pour un coût de plus de 5  milliards d'euros entre 2014 et 2024. Pour ne pas faire peser cette somme sur les particuliers, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a mis en place un système de tarif différé. Enedis a avancé l'argent et sera remboursé avec intérêts au moment où le programme portera ses fruits, à partir de 2021, dans la facture des consommateurs. Mais, en analysant la construction de ce tarif, la Cour estime qu'il permettra à Enedis d'empocher au passage près de 500  millions d'euros.
Les magistrats s'alarment également du mécanisme d'incitation mis en place pour Enedis. Ils estiment que " les conditions de rémunérations d'Enedis sont généreuses et devraient être revues ". La CRE et Enedis contestent ces conclusions et accusent la Cour de faire " une analyse erronée " en négligeant les bénéfices apportés par les compteurs lorsqu'ils seront installés.
Informations disponibles insuffisantesC'est l'autre argument massue de la Cour : " Les gains que les compteurs peuvent apporter au consommateur sont encore insuffisants. " Linky promet des avantages clairs pour Enedis et les fournisseurs d'électricité (EDF, Engie, Direct Energie, Total, etc.), avec notamment le relevé à distance et une meilleure connaissance de la consommation.
Mis à part le fait de ne plus devoir attendre le releveur à son domicile, Linky doit permettre au consommateur de mieux maîtriser sa consommation d'électricité et donc de faire des économies. Mais le rapport estime que les informations disponibles sont insuffisantes pour permettre aux utilisateurs de connaître leur consommation détaillée. Et souligne au passage que l'impact sur la consommation d'électricité pourrait être assez faible. Fin 2017, seuls 1,5  % des usagers disposant de compteurs Linky ont ouvert un compte pour connaître leur consommation.
Enfin, la Cour déplore un " défaut de pilotage " de la part de l'Etat et d'Enedis, en termes de pédagogie et de communication. Elle note, par exemple, que les études sur les conséquences sanitaires ou la protection des données privées sont arrivées trop tard et n'ont pas été suffisamment communiquées au grand public.
Nabil Wakim
© Le Monde

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