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mercredi 5 juillet 2017

Copie à revoir

05 juillet 2017
Laurent Joffrin
La lettre de campagne
de Laurent Joffrin

Copie à revoir

En cette journée de résultats du bac, le verdict est tombé pour les deux élèves Philippe et Macron : le premier passe, le second redouble. La copie du Premier ministre était classique mais elle mérite au moins la moyenne celle du Président, venteuse à souhait (sauf dans sa partie institutionnelle), l’oblige à un rattrapage l’année prochaine.
On dira qu’Edouard Philippe bénéficiait d’un avantage naturel : l’annonce d’un programme de gouvernement fournit une substance toute faite à l’orateur, qui leste spontanément son propos. C’est une mince excuse : quand on convoque les deux chambres pour un exercice solennel retransmis en direct à toute la France, mieux vaut réussir son coup. Non que le texte du Président ait été mal écrit ou mal pensé. Au contraire, la langue en était maîtrisée et les idées étaient celles de la campagne, qui ont conduit l’intéressé à l’Elysée, contre toute attente en début de parcours. Mais l’adresse du Président, trop longue, monocorde dans sa déclamation vibrante, exempte de formule frappante et d’envolée bien venue, nous ramène à une vérité négligée en ces temps de rejet de la politique traditionnelle : dans sa fonction naturelle qui est «de dire des choses à des gens», la politique reste un métier.
Les prédécesseurs d’Emmanuel Macron le savaient, qui ont su, tous, réussir leurs grands oraux. De Gaulle, auteur français en langue latine, a fourni des discours qui restent dans l’Histoire. Il écrivait tout et apprenait par cœur ses péroraisons, qu’on cite encore aujourd’hui. Pompidou, quoique ancien banquier, a donné quelques discours retentissants, par exemple en 1968 à l’Assemblée quand il a diagnostiqué à chaud la crise de civilisation qu’exprimaient «les événements». Giscard aux penchants technocratiques possédait un sens de la formule inimitable – «Oui, mais» à De Gaulle, «vous n’avez pas le monopole du cœur» pour Mitterrand, «regarder la France au fond des yeux» en début de campagne, et aussi cette extraordinaire performance réussie alors qu’il était ministre des Finances : présenter sans notes et pendant deux heures le budget de la nation aux parlementaires, sans jamais hésiter sur une phrase. Longtemps inégal, Mitterrand, à force de meetings, avait acquis une maîtrise consommée qui alliait polémique à la Clemenceau et lyrisme à la Jaurès. Chirac pouvait s’extraire, le temps d’un «discours fondateur», de la rhétorique mécanique qu’il pratiquait trop souvent. Sarkozy aidé par Guaino a prononcé en janvier 2007 un chef-d’œuvre d’entrée en campagne. Hollande a marqué les esprits avec son discours du Bourget, comme avec son anaphore – «Moi président…» - qui a laissé Sarkozy sans voix.
Macron débute : cela se sent et se voit. A trop vouloir gagner les sommets, il se perd dans les nuages. Pour l’instant, on retient de lui non un style mais un hurlement : «C’est mon projeeeeeet !» Comme disait Cyrano : «Ah non ! C’est un peu court, jeune homme. On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme.» Ce sera pour l’année prochaine.

Et aussi

• Pour cause de déficit aggravé, les principales mesures fiscales promises par Macron sont repoussées à plus tard. Ce n’est pas illogique : le nouveau gouvernement se sent tenu de respecter ses engagements européens. Mais il ne l’a pas dit pendant la campagne. Pour moins que cela, on a dressé un réquisitoire lancinant contre François Hollande. Le gouvernement plaide qu’il vient de découvrir, grâce à la Cour des comptes, l’étendue des difficultés. Etrange : il y a un an, l’un des titulaires de Bercy, inspecteur des Finances de surcroît, en principe au fait de l’état du budget de la France, s’appelait Emmanuel Macron.
• Les ennuis commencent ? Un quart des Français seulement ont jugé «convaincants» les deux discours-programmes d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe. Quand on vient de gagner triomphalement quatre tours de scrutin avec le même projet, c’est mince.
LAURENT JOFFRIN
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