«En Europe, une personne sur six environ a le vert pour couleur préférée, mais il s’en trouve presque autant pour détester le vert», écrivain l’historien des couleurs Michel Pastoureau dans son livre consacré à cette teinte. Et d’expliquer que celle-ci est «une couleur ambivalente, sinon ambiguë : symbole de vie, de sève, de chance et d’espérance d’un côté, il est de l’autre associé au poison, au malheur, au diable et à ses créatures».
Est-ce pour cela que tout ce qui est qualifié aujourd’hui de «vert» – c’est-à-dire ce qui a trait de près ou de loin à l’écologie, à la défense de la nature – polarise autant la société ? Force est de constater, en tout cas, que le gouffre entre pro et anti-écologie est bien là. Qu’il semble même se creuser de jour en jour. A tel point que les autrices et auteurs invités par Libération à l’occasion du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil ont décidé d’y consacrer la une du journal de mercredi : «Qui a peur du grand méchant vert ?» L’écolo serait-il devenu le nouvel ennemi numéro 1 ? Il semblerait que oui, vu l’ampleur des attaques désormais quasi quotidiennes que subissent les défenseurs de l’habitabilité de notre planète. Ivan Péault s’est ainsi intéressé à la «traque des antibassines» organisée à Poitiers par la Coordination rurale, le syndicat agricole dont certains membres sont ouvertement proches de l’extrême droite. Une action effrayante, qui s’inscrit dans un contexte de stigmatisation et de criminalisation croissante, y compris de la part du gouvernement, de tous ceux qui ne se résignent pas à voir l’environnement, et donc notre santé à tous, sacrifié sur l’autel de l’avidité et du court-termisme.
Personne ne vivra correctement dans un monde dépourvu de haies, d’abeilles, d’oiseaux, d’eau potable, d’air respirable. Et pourtant, tout ce qui ressemble de près ou de loin à du «vert» est devenu l’adversaire à abattre, dans les campagnes françaises comme dans l’Amérique de Donald Trump ou au Parlement européen.
Mercredi, l’extrême droite alliée à une partie de la droite a une nouvelle fois reporté l’entrée en vigueur d’un texte clé du Pacte vert de l’Union européenne, le règlement sur la «déforestation importée», qui permettrait de s’assurer que le café ou le chocolat que nous consommons ne contribue pas à faire disparaître les dernières forêts tropicales. Las, constate l’eurodéputé (Renew) Pascal Canfin, interrogé par Libération, le Pacte vert est devenu «un bouc émissaire idéal. Mais en faisant cela, l’extrême droite agit contre les préoccupations de ses propres électeurs». Ne serait-ce que parce que «parmi les causes des migrations, le facteur qui augmente le plus, c’est le facteur climatique». L’argument, portera-t-il, qui met les dirigeants du RN et de ses alliés devant leurs contradictions ? Joker vert, couleur de l’espoir. 
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