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19.décembre.2018
Analyse : Les États-Unis ramèneront Assange chez eux, enchaîné, par Ann Garrison
Source : Ann Garrison, Consortium News, 14-11-2018
14 novembre 2018
Selon Ann Garrison, il est de plus en plus probable que Julian Assange, le fondateur et éditeur de Wikileaks, finisse entre les griffes du gouvernement américain.
Les États-Unis ramèneront Assange chez eux, enchaîné
Il est de plus en plus probable que Julian Assange, le fondateur et éditeur de Wikileaks, finisse entre les griffes du gouvernement américain.
C’est à peine surprenant, vu qu’en l’espace de dix ans, Wikileaks a publié plus d’informations classées que tous les autres médias réunis. L’organisation a dévoilé des abus relatifs aux droits de l’homme, des cas d’espionnage, de torture et des crimes de guerre à une échelle sans précédent.
Wikileaks a lancé un avertissement au gouvernement, aux grandes entreprises et même au Pentagone, au FBI, à la CIA et autres services de renseignement, en leur faisant comprendre qu’ils ne pourraient plus compter sur le secret de leurs opérations.
L’organisation a créé un trésor d’informations provenant de sources primaires, que les journalistes sérieux et les chercheurs pourront exploiter pendant des années. Ses publications sont accessibles aux lecteurs qui préfèrent ce type de sources aux informations transmises par des intermédiaires.
Wikileaks a tellement mis en rage les institutions américaines criminelles et corrompues les plus violentes, que Hillary Clinton a suggéré, en plaisantant à moitié, d’aller bombarder Assange à l’aide un drone. D’autres politiciens américains ont réclamé son exécution par d’autres moyens.
Adam Schiff, représentant californien au Congrès, qui préside le House Intelligence Committee [Comission de la Chambre sur le renseignement, NdT] depuis que les Démocrates ont récupéré leur majorité à la Chambre des représentants, a affirmé qu’il ne parlerait à Assange « que lorsque celui-ci serait aux mains des États-Unis, pas avant ».
Schiff est un chef de file, virulent et extrêmement moralisateur, de la « Résistance » du parti Démocrate, ce qui salit au passage le nom du mouvement clandestin formé en France pendant la seconde guerre mondiale pour combattre les forces d’occupation de l’Allemagne nazie et les collaborateurs du gouvernement de Vichy.
La « Résistance » ne tolère qu’une seule vérité et un seul camp : La Russie est l’ennemi, qui s’immisce en Syrie, en Ukraine et même dans les élections américaines. Elle affirme que la Russie a élu Trump grâce à Wikileaks, que la Russie ose placer des missiles à ses propres frontières, en réponse aux missiles que l’Otan place de l’autre côté. Les États-Unis doivent donc produire plus de missiles, plus de drones, plus d’armes nucléaires, et toutes sortes d’armes afin de défendre le monde européen contre la Russie et son allié, la Chine.
Une supériorité morale et raciale
La supériorité morale et raciale des États-Unis, leur donne le droit d’occuper le monde avec leurs bases militaires, déployant avions de chasse, navires de guerre, véhicules d’assaut et surveillance militaire autour de toute nation qui contesterait leur hégémonie. La supériorité morale et raciale des États-Unis, autorise ses services de renseignement à fermer l’accès à toute information qui s’écarterait de leur récit officiel et donc à arrêter et à extrader Julian Assange.
Le parti Républicain partage la même nature extrêmement intolérante des Démocrates, mais il s’en différencie cependant, en insistant sur le fait que, si la Russie est bien l’ennemi, Donald Trump n’a pas comploté avec ce pays pour voler les élections présidentielle de 2016.
Les Républicains veulent eux aussi faire taire le fondateur de Wikileaks et trouver un moyen de fermer définitivement cette organisation. Mike Pompeo, l’ancien directeur de la CIA de Trump, aujourd’hui secrétaire d’Etat, a qualifié Wikileaks de « services de renseignement non-étatique hostiles souvent encouragés par des acteurs étatiques tels que la Russie » et a juré de traquer Assange.
A-t’on encore le temps d’agir ?
Assange est réfugié à l’ambassade d’Équateur à Londres depuis plus de six ans – il y est entré en août 2012. Cependant, l’Équateur et le Royaume-Uni ne se sont toujours pas entendus sur un accord qui lui permettrait de quitter l’ambassade en toute sécurité. Lors d’une récente vidéoconférence, Suzie Dawson, l’organisatrice de #Unity4J, a expliqué qu’elle craignait que le temps vienne à manquer pour Assange et ceux qui travaillent à sa libération :
« Pour l’instant, le temps n’est pas de notre côté. Aujourd’hui quelqu’un se plaignait, parce qu’ils veulent faire une marche de protestation. Mais ce genre de d’action demande deux à trois mois d’organisation. Il vous faut un comité organisateur, Il faut s’occuper de l’affichage en ville, il faut avoir une date pour la manifestation et faire une tonne de publicité. Il faut aussi obtenir les autorisations de tous les syndicats et autres organisations variées, et alors seulement vous avez votre journée d’action.
Mais voilà, ça pose quelques problèmes. D’abord, je ne pense pas que nous ayons trois mois devant nous. Si nous planifions une marche géante en soutien à Assange en février, je pense franchement que nous n’aurons pas jusqu’à février. J’espère me tromper. J’espère que les mesures que nous prendrons prochainement, dans les jours et semaines à venir, nous donneront ce temps dont nous avons tant besoin pour aider Julian, mais j’en doute. »
John Kiriakou, le lanceur d’alerte, issu de la CIA, qui a fait deux ans de prison pour avoir dénoncé la pratique institutionnelle de la torture au sein de cette organisation, a affirmé que si Assange sortait de l’ambassade sans la garantie que sa sécurité sera assurée, il sera fait prisonnier et extradé vers les États-Unis :
« Nous savons tous très bien pourquoi les Britanniques opèrent une surveillance très rapprochée de cette ambassade. C’est pour l’enlever et le livrer aux Américains. Si cela se produit, les agents de la CIA et du FBI seront dans l’avion, avec lui, et essaieront au moins de l’interroger pendant toute la durée du trajet de retour vers les États-Unis. Ils le ramèneront enchaîné parce que c’est comme ça qu’ils font les choses. »
Dawson pense que le FBI et la CIA interrogeront et tortureront Assange pour obtenir les informations qui leur permettraient de faire tomber Wikileaks. Mais elle est certaine qu’il a dû se préparer à cette éventualité depuis des années. Elle pense qu’il aura fait en sorte que l’organisation adopte des mesures et des codes de sécurité qu’il ne connaît pas lui-même et qu’il ne pourra donc pas révéler s’il est torturé.
« Par exemple, ils veulent savoir s’il existe des fichiers de sécurité. Ils veulent connaître les rouages internes et le fonctionnement de Wikileaks. Il veulent avoir accès aux informations qui sont dans le cerveau de Julian. Pour ça, ils le tortureront ; ils lui feront subir un interrogatoire pour arriver à leurs fins.
Ceci étant dit, j’ai confiance en Julian, je pense qu’il est suffisamment sensé pour s’être assuré de ne pas avoir trop d’informations qui pourraient mettre en danger Wikileaks. A mon avis, Julian a passé des années à s’organiser pour faire face à toutes sortes d’éventualités, mais cela ne les empêchera pas de tenter leur chance. «
Elle pense aussi que les services de renseignement tiennent beaucoup à le punir : « En fin de compte, ils veulent le punir pour avoir révélé leur corruption et leurs crimes. Cela fait fait huit ans qu’ils attendent, ils vont se frotter les mains de bonheur à l’idée que les Britanniques puissent l’arrêter et l’extrader vers les États-Unis. »
Ann Garrison est une journaliste indépendante, installée dans la baie de San Francisco. En 2014, elle a reçu le Prix Victoire Ingabire Umuhoza pour la Démocratie et la Paix pour son travail de reportage sur le conflit dans la région des Grands Lacs en Afrique. Elle peut être contactée par e-mail à ann@anngarrison.com.
Source : Ann Garrison, Consortium News, 14-11-2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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