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L'ombre des gilets jaunes plane sur le congrès des maires
En plein bras de fer avec le gouvernement sur la suppression de la taxe d'habitation, les élus locaux défendent l'exaspération des Français.
Par Geoffroy Clavel
POLITIQUE - Ils ne bloqueront pas la Porte de Versailles à Paris et pourtant ils sont dans tous les esprits. Ce mardi 20 novembre, les gilets jaunes devraient hanter les couloirs du Congrès des maires, qui se réunissent à Paris en pleine crise autour du ras-le-bol fiscal. Alors que 20.000 manifestants ont continué à se mobiliser lundi en bloquant péages, stations-services, entrées d'autoroutes ou centres commerciaux, les élus locaux, qui se plaignent d'être eux aussi pris à la gorge par la politique du gouvernement, hésitent entre sympathie pour ce mouvement populaire et crainte de nouveaux débordements.
Ce week-end, le président de l'Association des maires de France (AMF), l'ancien ministre LR François Baroin a donné le ton en qualifiant sur BFMTVce mouvement de "message d'alerte profond" qui acte la fracture entre les grandes métropoles et les "villes de province". "C'est au fond la classe moyenne qui est dans une interrogation sur son avenir, une interrogation de son territoire, de son coin de la rue, de son pouvoir d'achat", a-t-il mis en garde en appelant à des "initiatives" de la part du président de la République.
Dans le même temps, le maire de Troyes, dont l'Hôtel de Ville a failli être investi par des manifestants, a réclamé que "les éléments de violence" soient contenus.
"Matraquage fiscal" contre "tous pourris"
Comme lui, de nombreux édiles de France marquent leur soutien à l'épuisement des classes moyennes et se positionnent contre le "matraquage fiscal". Dès dimanche, l'ancien ministre de l'Intérieur et maire de Lyon Gérard Collomb appelait l'exécutif à se montrer "plus que jamais être à l'écoute de nos territoires et rassembler nos concitoyens pour répondre aux défis actuels et à venir".
Plus sévères encore, des élus, qui devaient être reçus mercredi soir à l'Elysée pour assister à un discours d'Emmanuel Macron, ont annoncé qu'ils entendaient bouder le rendez-vous au nom de leur solidarité avec les gilets jaunes. "L'augmentation du carburant est vécu comme une punition et la colère gronde" dans les territoires ruraux, prévient le maire d'Eauze (Gers), Michel Gabas, qui invite tous ses collègues à décliner l'invitation élyséenne. "Le champagne et les petits fours quand les gilets jaunes restent mobilisés pour la défense du pouvoir d' achat, très peu pour moi!", lui a emboîté le pas le maire LR de Lavaur (Tarn), Bernard Carayon.
Mais certains redoutent aussi un mouvement hétéroclite, imprévisible et dont les critiques n'épargnent pas toujours les élus locaux. Dans le Var, le maire de Saint-Raphaël a pris la parole en dénonçant des revendications "devenues plurielles et donc cacophoniques". "Le seul message que l'on semble entendre, et qui est vraisemblablement orchestré par des forces politiques à la manœuvre, c'est l'idée du 'tous pourris'", regrette-t-il.
Face à l'absence de communication entre gouvernement et gilets jaunes, les maires revendiquent le statut d'intermédiaire. "Nous, les maires, on a un rôle à jouer. On est en première ligne", prévenait ce dimanche le maire Agir de Melun Louis Vogel. A condition que les élus locaux soient enfin entendus par l'Etat.
Des maires remontés à bloc
Car si beaucoup de maires s'identifient à la colère des gilets jaunes, c'est aussi parce qu'ils s'estiment, eux aussi, livrés à eux-mêmes pour gérer des défis sociaux considérables. "Vous avez connu les gilets jaunes pendant le week-end. Nous, nous les avons connus pendant 47 jours", a affirmé le président de l'association des maires de Mayotte, Saïd Omar Oili, évoquant le long conflit social début 2018 sur le territoire. "Il y a une exaspération nourrie par un sentiment d'abandon de l'Etat. Il faut du concret et très vite", a-t-il souligné ce lundi en ouverture du congrès de l'Association des maires de France (AMF).
Au-delà de la question du pouvoir d'achat, les édiles de France entretiennent en effet des relations compliquées avec Emmanuel Macron, dont la promesse de supprimer la taxe d'habitation n'a toujours pas été digérée. Bien que populaire dans l'opinion, et probablement chez les gilets jaunes, la disparition programmée de cette taxe qui alimente les caisses des communes alimente les craintes des élus locaux, l'Etat s'étant engagé à compenser cette perte fiscale à l'euro près sans préciser comment.
La décision d'Emmanuel Macron de ne pas se rendre au congrès des maires, alors qu'il s'était engagé à y revenir tous les ans, est un motif de colère supplémentaire, notamment chez Les Républicains où l'on estime que les "reniements" du chef de l'Etat ne peuvent que nourrir la défiance des édiles comme de l'opinion.
"Le président de la République a reculé parce qu'il craint la réaction des maires. Quand un président de la République a peur d'une écharpe tricolore, c'est qu'il y a quelque chose de vicié dans la République française", a attaqué ce lundi le maire de Chalon-sur-Saône et porte-parole LR Gilles Platret.
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