LES TRAVAILLEURS CHINOIS OUBLIES DE LA GRANDE GUERRE
C’est une histoire méconnue.
Pour remplacer les hommes partis au front, la France et le Royaume-Uni ont fait appel à des travailleurs chinois sous contrat.
Le 14 mai 1916, les autorités françaises et chinoises concluent un accord pour l’envoi de main-d’œuvre. Quelque 40 000 travailleurs chinois furent envoyés en France dans les usines d’armement, les ports, les mines, les exploitations agricoles et les forêts. Les travailleurs chinois recrutés par les Britanniques seraient au nombre de 100 000 environ.
La plupart des travailleurs furent recrutés dans la région du Shandong, dans l’est de la Chine. Pourquoi ? A cause de leur robustesse. Les Britanniques avaient déjà recouru à leur service pour l’exploitation des mines d’or d’Afrique du Sud en 1903-1904. Pour nombre de ces hommes, qui n’avaient jamais quitté leur village, le voyage de trois mois en bateau fut fatal. Certains n’ont pas supporté le mal de mer. D’autres sont devenus fous, se sont jetés à l’eau. D’autres encore sont tombés gravement malades.
Comme le trajet en mer Méditerranée était semé d’embûches (en février 1917, le paquebot Athos fut torpillé par un sous-marin allemand : 543 Chinois trouvèrent la mort), les travailleurs chinois traversèrent le Pacifique en bateau, le Canada en train, l’Atlantique en bateau. Ils débarquaient au Havre ou à Dieppe. De là, ils étaient dispersés un peu partout en France pour travailler surtout dans les usines d’armement.
Côté britannique, les travailleurs étaient utilisés entre autres pour le déminage ; puis après la guerre, pour le nettoyage des champs de bataille.
Français et Britanniques n’ont absolument pas respecté les termes de l’accord ; lequel stipulait que les travailleurs chinois ne devraient s’acquitter d’aucune tâche militaire.
Le coolie est, dans la littérature coloniale, le portefaix ou porteur. On les baptisait donc ainsi.
L’accord signé avec la France prévoyait un recrutement sur une durée de cinq ans ; trois ans côté britannique. Côté français, les travailleurs non qualifiés étaient payés 1,5 franc par jour ; les travailleurs qualifiés jusqu’à 6 francs (le kg de pain coûtait 0,44 franc en 1914). Côté britannique, les travailleurs non qualifiés étaient payés 1 franc par jour, les qualifiés 1,5 franc.
Beaucoup de travailleurs étaient logés à Boulogne-sur-Mer, Saint-Omer, Calais et Dunkerque. Ils étaient entassés dans des camps prévus à cet effet et il leur était interdit de nouer des contacts avec la population locale. Leurs allées et venues étaient rigoureusement contrôlées. Ils sont logés dans des tentes et des baraquements où pullulent humidité et épidémies. L'hiver est également difficile à supporter. Les conditions de travail sont éprouvantes et les cadences très rapides. La durée ? Dix heures par jour et pratiquement sept jours sur sept…Si d’aventure ils parvenaient à s’introduire dans un estaminet et sous réserve qu’on veuille bien les servir, eh bien ils payaient leur pauvre verre de rouge plus cher qu’un autre consommateur.
La grande majorité des travailleurs ne comprenait pas les ordres donnés. Pour que les ouvriers se pressent, les officiers anglais prenaient un malin plaisir à hurler « Go ! Go ! » ce qui en mandarin veut dire « chien ! chien ! ». Cette dignité bafouée avait pour conséquence des grèves et de graves tensions…
Un journaliste du Times écrit « Le chinetoque doit être maintenu sous tutelle lorsqu'il ne travaille pas. Il crée peu de problèmes s'il est bien géré, s'adonne aux jeux d'argent mais ne se saoule pas ou ne commet pas de violence, et est docile et obéissant ».
D’après les autorités françaises, 1 500 travailleurs chinois seraient décédés pendant la Grande Guerre. Les Britanniques font état de 2 000 morts. Or, plus de 27 000 travailleurs ont disparu !
Une hypothèse est avancée : les travailleurs se trouvaient dans la zone des combats, beaucoup d’entre eux ont dû être tués, puis enterrés sur place dans des fosses communes. Toujours est-il qu’un travail de recherche devrait être approfondi.
Les Britanniques entretiennent dix-sept cimetières dans le nord de la France, où sont enterrés plus d’un millier de travailleurs chinois, dont celui de Noyelles-sur-Mer (Somme) et de Saint-Etienne-au-Mont (Pas-de-Calais).
Il n’existe pas de cimetière entretenu par la France pour les travailleurs chinois.
Cependant, il existe un mémorial dans le jardin Baudricourt (13e arrondissement de Paris). Texte inscrit en français : « À la mémoire des travailleurs et combattants chinois morts pour la France pendant la Grande Guerre 1914-1918 ».
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