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samedi 12 mai 2018

Les Ehpad face à la pénurie d'aide-soignants.....Dans les instituts de formation, une baisse de 30 % des candidats.....




12 mai 2018

Les Ehpad face à la pénurie d'aide-soignants

A l'heure où des CDI ne trouvent plus preneur, des directeurs d'établissement disent leur casse-tête quotidien

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LE CONTEXTE
recrutement
Plusieurs métiers concernés
Près de la moitié (44,4 %) des Ehpad disaient faire face à des difficultés de recrutement en octobre 2016, selon une étude du Conseil d'analyse économique (CAE)." Ledifficultés pour recruter et conserver le personnel expliquent pour partie les faibles taux d'encadrement observés en établissements d'hébergement ",notait l'institution.
Outre les aides-soignants, d'autres professions sont concernées. Près de 20 % des postes de médecins coordonnateurs, les professionnels chargés d'élaborer les projets de soins des Ehpad, seraient ainsi non pourvus, selon les estimations de laFédération française des associations de médecins coordonnateurs. Dans certaines zones géographiques, d'autres métiers, comme les infirmiers ou les cuisiniers, seraient également difficiles à embaucher.
Il aura fallu près d'un mois à l'Ehpad du Bois-Hercé, à Nantes, pour parvenir à recruter une aide-soignante à temps partiel, à 1 300  euros net par mois pour trente et une heures de travail par semaine. " Il y a deux ans, nous avions pas mal de réponses quand nous passions des annonces, aujourd'hui, c'est au compte-gouttes ", explique Xavier Relandeau, le directeur de l'établissement, qui a finalement trouvé une aide-soignante en CDD jusqu'à l'été, et non en CDI comme il le souhaitait. Il a également dû se plier à la demande de la nouvelle recrue de travailler moins de trente et une heures. " On va jusqu'à transformer notre planning pour essayer de la garder ", soupire-t-il.
Le phénomène n'est pas documenté au niveau national, mais de nombreux directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) disent aujourd'hui avoir du mal à pourvoir ces postes réputés pénibles, peu payés et peu considérés. Tous secteurs confondus (Ehpad, hôpitaux…), près de la moitié (48 %) des employeurs prêts à recruter des aides-soignantes anticipent des difficultés à le faire, selon l'étude " besoin en main-d'œuvre 2018 " de Pôle -emploi, parue début avril.
Alors que les personnels des -Ehpad se sont mis deux fois en grève, au niveau national, depuis le début de l'année pour réclamer davantage de moyens – principalement en effectifs – afin de s'occuper " dignement " des personnes âgées, ce manque d'attractivité pourrait rapidement se révéler problématique. Ce sera un enjeu central du plan grand âge promis par le gouvernement, dont la feuille de route doit être présentée d'ici à fin mai.
" Même si on avait des crédits supplémentaires, on serait bien embêtés pour pouvoir embaucher ", assure Philippe Caillon, le directeur de la maison de retraite Saint-Joseph, un établissement appartenant au même groupe que Le Bois-Hercé, dans la région nantaise. L'année dernière, dans cet Ehpad, un poste en CDI est resté non pourvu pendant plusieurs mois alors même que plusieurs salariés se trouvaient en CDD. Pour trouver des candidats à des contrats de longue durée, M.  Caillon s'apprête à augmenter le montant de la prime de 100  euros promise à tout salarié qui dénicherait une perle rare à embaucher.
Trouver des remplaçants pendant les congés des titulaires en été ou à Noël est particulièrement ardu. " Les salariées en CDD deviennent les reines de la fête : elles choisissent quand elles veulent travailler ou pas, explique M. Caillon. Elles nous disent par exemple qu'à partir du 20  décembre, ce n'est pas la peine de les appeler. " A cette période de l'année, les agences d'intérim, assaillies de sollicitations, ne parviennent pas toujours à -honorer toutes les demandes.
Manque d'attractivitéComme 350 autres responsables d'Ehpad de Pays de la Loire membres de la Fnadepa, un syndicat de directeurs, Xavier Relandeau et Philippe Caillon ont adressé en décembre  2017 un courrier aux parlementaires de la région, ainsi qu'à la ministre de la santé, Agnès Buzyn, pour alerter sur ces " graves difficultés de recrutement "" Trouver une infirmière ou une aide-soignante relève de la haute voltige en période de vacances ", ont-ils mis en garde. " Les difficultés de recrutement, on les a tout au long de l'année, avec des pics pendant les vacances scolaires, où même les agences d'intérim n'y arrivent pas ", abonde Véronique Boriello, qui dirige un Ehpad à La Garnache, en Vendée.
En l'absence de chiffres officiels, difficile de mesurer l'ampleur du problème, qui toucherait davantage les établissements situés en zones rurales. " Toutes les régions sont concernées  et c'est un phénomène qui s'aggrave ", assure au Monde la députée (LRM) Monique Ibora, co-auteure avec Caroline Fiat (LFI) d'un rapport sur la situation des Ehpad. Elle souligne que le taux d'absentéisme chez les aides-soignantes est de 10 %, et le taux d'accident du travail deux fois supérieur à la moyenne nationale, plus important que dans le secteur du BTP. " Il y a une situation de tension, c'est assez régulier qu'on ait du mal à recruter des aides-soignants en Ehpad ", confirme Jean-Pierre Riso, le président de la Fnadepa.
A l'origine de ce manque d'attractivité, on trouve pêle-mêle des salaires jugés trop faibles, des temps partiels et contraints, la -pénibilité liée au manque de moyens, mais également une question d'image, jugent les représentants des directeurs de maison de retraite. " C'est une conséquence de “l'âgisme” dont est atteinte la société française ", estime Pascal Champvert, le président de l'AD-PA, l'Association des directeurs au service des personnes âgées. " Le jeune diplômé est convaincu que seuls les mauvais viennent travailler pour les vieux, c'est pareil pour les directeurs et les infirmières ", regrette-t-il, appelant l'Etat à " tenir un discours fort sur ce sujet "." Si on augmente le nombre de professionnels, il y aura moins de problèmes. Car s'il y a plus de professionnels, il y aura moins de réticences à entrer. "
Le choix de l'intérimAu Bois-Hercé, à Nantes, Vanessa, une aide-soignante de 27 ans, multiplie délibérément les CDD depuis trois ans sur plusieurs établissements. Elle n'a pas postulé au poste en CDI proposé ici. " Je suis épuisée quand je rentre chez moi, je ne veux pas finir ma carrière comme ça, je vais changer de métier ", explique-t-elle. En attendant, son CDD lui permet d'avoir les week-ends qu'elle souhaite. Les jeunes aides-soignantes " n'ont plus envie de travailler un week-end sur deux ou de travailler alternativement le matin ou le soir, elles font le choix d'être en -intérim pour avoir les week-ends, les vacances… ", confirme sa collègue Annick Rouillé, 54  ans, présente au Bois-Hercé depuis l'ouverture il y a vingt-huit ans.
Dans certains établissements, cette différence de situations peut être source de tensions, car les titulaires n'ont pas le droit de poser leurs congés quand ils le souhaitent. Et côté salaire, " avec les primes de congés payés et de pré-carité, les intérimaires sont payés comme des agents avec vingt ans d'ancienneté ", souligne M. Caillon. " Les intérimaires ont quasiment plus d'avantages que nous ", soupire Andhrew, un aide-soignant de 51 ans, dont vingt-sept au Bois-Hercé. Ce qui l'énerve, alors que le travail est déjà " minuté ", presque " à la chaîne ", au moment de faire la toilette des résidents le matin, c'est de devoir former aussi fréquemment de nouvelles intérimaires, particulièrement en été.
D'un établissement à l'autre, les réponses au manque de candidats diffèrent. On assiste souvent à un phénomène de glissement de tâches. " Les postes vacants peuvent se retrouver comblés par des agents de service hospitalier (ASH) faisant fonctiond'aides-soignants, constate-t-on à la Fédération hospitalière de France. Il n'y a pas forcément de postes vacants, les missions qui doivent être effectuées le sont au final. " " Dans un contexte où l'on manque déjà de personnel, cela ne fait qu'ajouter des difficultés aux difficultés ", estime Pierre Rioux, qui dirige trois Ehpad dans la région de -Rodez (Aveyron).
" Parfois, on n'a pas de solution,on dégrade la prise en charge de nos résidents, car on ne trouve personne, explique Michelle Santangeli, la directrice d'un établissement à Rognes (Bouches-du-Rhône), entre Aix-en-Provence et Avignon. Malgré les contacts dans les instituts de formation, nous n'arrivons pas à fidéliser les personnels qui en sortent. Dans un rayon de 30  kilomètres autour de nous, il y a 120 aides-soignantes qui sont formées tous les ans. On ne sait pas où elles vont. "
François Béguin
© Le Monde


12 mai 2018

Dans les instituts de formation, une baisse de 30 % des candidats

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Faut-il y voir un effetindirect de la reprise économique ? Alors que 95  % des personnes formées dans le secteur trouvent un travail dans les six mois, le métier d'aide-soignant, réputé contraignant, -pénible et mal payé, attire de moins en moins. Depuis deux ans, le nombre de candidats aux concours des instituts de formation d'aides-soignants (IFAS) baisse de près de 30  % dans plusieurs régions. -Récemment alertée sur cette situation " problématique " par l'Association des -régions de France, la ministre de la santé, Agnès Buzyn, a prévu de tenir en mai une réunion pour " objectiver précisément la réalité et l'ampleur de ce phénomène ", -annonce la direction générale de l'offre de soins.
Si aucune agence régionale de santé (ARS) n'a souhaité communiquer de chiffres sur ce sujet, cellede Nouvelle-Aquitaine fait état, dans une note interne dont Le Monde a eu connaissance, d'une baisse de 32 % du nombre de candidats dans les 44 IFAS de la région entre 2015 et 2017. " Il n'est pas exclu que l'on n'en soit qu'au début du phénomène ", relève l'agence, assurant que la situation est " sous surveillance " au niveau régional et national.
" Chute libre "A l'IFAS de Cahors (Lot), par exemple, on confirme avoir constaté, " depuis deux ans, une chute libre du nombre d'inscrits, avec 217 candidats cette année contre 300 ou 400 les années précédentes ". En région Occitanie, la baisse serait également d'environ 30  %, selon le rapport rendu le 14  mars par les députés Caroline Fiat (LFI) et Monique Iborra (LRM). A la Croix-Rouge française, qui gère 33  centres de formation, on annonce avoir enregistré 2 433 candidatures en moins (?  27  %) entre 2015 et 2017 (de 8 907 à 6 474 candidats). " Une perte énorme ", estime Marie-Luce Rouxel, directrice des formations sanitaires et sociales pour l'Ile-de-France.
Les autorités sanitaires relativisent toutefois les conséquences d'une telle baisse. Celle-ci conduirait à une réduction du nombre de personnes sur les listes d'attente pour intégrer les instituts de formation d'aides-soignants,mais n'empêcherait pas les quotas fixés par les ARS et les régions d'être atteints. " S'il y a moins de candidatures, il y a un risque que le niveau d'exigence baisse, ce qui serait catastrophique ", s'inquiète un bon connaisseur du dossier sous le couvert de l'anonymat.
Au ministère de la santé, on rappelle que plusieurs tables rondes réunissant tous les acteurs du secteuront été consacrées, au mois de mars, aux " difficultés d'attractivité des métiers de la prise en charge des personnes âgées ". Un groupe de travail sur la qualité de vie au travail des professionnels en Ehpad est par ailleurs " en cours " et doit" déboucher sur la mise en place d'un observatoire ".
Fr. B.
© Le Monde

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