Campé sur sa position d'opposant numéro un à la révision constitutionnelle, Gérard Larcher ne désarme pas. Après avoir bataillé contre l'interdiction du cumul des mandats dans le temps et l'introduction d'une part de proportionnelle, le président du Sénat a lancé, mardi 17 avril, une nouvelle offensive contre l'un des chantiers les plus importants de l'année pour Emmanuel Macron, le projet de réforme des institutions. Cette fois, M. Larcher dénonce un texte qui porte en son sein " une vraie réduction des pouvoirs du Parlement ", a-t-il déclaré sur RTL.
Aux sources de son courroux, la dernière version du projet de loi constitutionnelle telle qu'elle a été transmise au Conseil d'Etat avant sa présentation en conseil des ministres le 9 mai. Ce texte (
Le Mondedes 15-16 avril)
" n'est pas celui sur lequel nous avions il y a dix-sept jours arbitré sous l'autorité du président de la République ", a dénoncé le président du Sénat.
" La révision constitutionnelle ne pourra pas se faire sur l'abaissement des pouvoirs du Parlement ", a prévenu M. Larcher avant d'annoncer qu'il écrirait au chef de l'Etat pour demander que le texte soit
" réexaminé ". Selon son entourage, la lettre a été rédigée mardi.
Le patron du Sénat s'arc-boute notamment sur les propositions du gouvernement concernant l'accélération de la procédure législative. Principal point de crispation : le texte prévoit qu'en cas de désaccord entre le Sénat et l'Assemblée sur un texte de loi, et d'échec de la commission mixte paritaire à adopter une version commune,
" le gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement ",
privant le Sénat de nouvelle lecture.
" Même pas en rêve ! ", s'indigne-t-on dans l'entourage de Gérard Larcher où l'on ajoute
: " Ce serait la fin du bicamérisme ! " Deuxième point critiqué : le fait que le gouvernement puisse
" inscrire plus facilement à l'ordre du jour des assemblées certains projets de loi jugés prioritaires " dans les domaines économique, social ou environnemental.
" C'est une confiscation de l'ordre du jour par l'exécutif ", estime-t-on au Palais du Luxembourg.
Echo inédit au palais BourbonToutes ces propositions figuraient dans les premières pistes dévoilées par Matignon aux parlementaires début mars, mais l'entourage de M. Larcher assure qu'elles ne sont pas
" conformes " aux dernières négociations avec l'Elysée. Si, comme toujours, le président du Sénat s'est dit
" dans l'attitude de quelqu'un qui souhaite voir aboutir " la réforme,
" en l'état c'est compliqué ", constate un de ses proches.
L'opposition des sénateurs sur ces points risque en effet de faire capoter la révision constitutionnelle. Si les précédents points de crispation de M. Larcher (le cumul des mandats ou la proportionnelle) ne relevaient pas strictement d'une révision de la Constitution, c'est bien le cas pour la modification de la procédure. Celle-ci ne pourra donc être entérinée que par un vote à la majorité dans les deux assemblées – et donc avec les voix de la droite sénatoriale –, puis par les 3/5e du Parlement réuni en Congrès ou par référendum. Le blocage des sénateurs pourrait tuer dans l'œuf cet aspect de la réforme des institutions.
Surtout que les critiques de M. Larcher devraient trouver un écho inédit dans l'autre chambre parlementaire dès mercredi 18 avril. François de Rugy, qui n'a pas encore commenté publiquement la dernière copie du gouvernement, s'exprimera devant l'association des journalistes parlementaires en fin de matinée. Une invitation que le président de l'Assemblée a lui-même sollicitée la semaine dernière, au moment des premières fuites sur le projet gouvernemental, alors que le communiste Pierre Laurent devait initialement être l'invité de cette conférence de presse hebdomadaire.
L'entourage du président de l'Assemblée refusait, mardi, de dévoiler la teneur de son intervention mais une source parlementaire s'attendait le même jour à ce qu'il fasse
" des passages médias pour dire tout le mal qu'il pense de la révision constitutionnelle ". Le président de l'Assemblée sera aussi l'invité de Franceinfo jeudi matin.
" Lui et Larcher tentent d'exister, de se donner du contenu ! ", brocarde un député proche de Matignon.
M. de Rugy, qui aime se présenter comme un garant des droits du Parlement mais est aussi solidaire de l'exécutif, devrait, sauf surprise, émettre certaines réserves sur l'équilibre du texte. Dans une interview au
Monde, début mars, il avait déclaré que
" le Parlement doit être davantage respecté dans notre fonctionnement institutionnel ". A l'époque, il prévenait :
" Les parlementaires sont prêts à faire des efforts, mais le gouvernement doit aussi en faire. "
Evoquant un
" parallélisme des formes ", il se disait notamment favorable à ce que le temps de parole du gouvernement dans les débats soit limité, à l'instar de celui des parlementaires. Il avait également défendu la possibilité de rattacher
un organe comme
France Stratégie pour venir appuyer les parlementaires, ou encore la possibilité que le gouvernement présente un programme de travail sur plusieurs mois aux assemblées. Rien de tout cela ne figure dans la copie du gouvernement.
Sur quel ton lui en fera-t-il le reproche ?
" Rugy n'y trouve pas son compte non plus mais il est plus conciliant parce qu'il fait partie de la majorité ", croit-on savoir au Palais du Luxembourg. Le président de l'Assemblée devrait se reposer sur les travaux législatifs à venir, qui auront vocation à rendre le texte plus conforme à la volonté des parlementaires
. " Maintenant que les propositions sont sur la table, il faut discuter ",avançait prudemment le vice-président de l'Assemblée et député LRM, Hugues Renson.
" Cette réforme a pour finalité de renforcer les pouvoirs du Parlement ", poursuivait-il, estimant que les modalités du texte
" peuvent s'adapter pour atteindre cette finalité ".
Manon Rescan
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