Après les longues heures partagées avec Emmanuel Macron, lundi 23 et mardi 24 avril, Donald Trump s'est contenté du minimum avec Angela Merkel, vendredi. Avant de recevoir la chancelière allemande à la Maison Blanche, en fin de matinée, il a fait mine de déplorer la brièveté de leurs échanges. " Tant de choses à évoquer, en aussi peu de temps ! ", a-t-il écrit sur son compte Twitter, comme s'il n'était pour rien dans le choix de ne consacrer que deux heures et demie à cette seconde visite à Washington de la chancelière depuis l'élection du président américain, en 2016.
Angela Merkel avait pour l'essentiel un agenda identique à celui d'Emmanuel Macron : rappeler l'attachement de Berlin à l'accord sur le nucléaire iranien dont l'Allemagne est signataire, comme la France, mais que Donald Trump pourrait dénoncer le 12 mai ; écarter la menace d'une guerre commerciale entre l'Union européenne et les Etats-Unis, alors que les importations d'acier européen pourraient être taxées à hauteur de 25 % et celles d'aluminium à 10 % à partir du 1er mai.
Sur ces deux points, aucune avancée n'a été manifeste au terme de cette brève visite, conclue par une conférence de presse commune. Sur l'Iran, Angela Merkel a convenu que l'accord en vigueur, signé en 2015,
" ne résoudra pas tous les problèmes qui existent ".
" C'est un des éléments d'une mosaïque, une pierre à partir de laquelle on peut bâtir une structure plus large ", a-t-elle estimé aux côtés d'un président des Etats-Unis marmoréen, qui s'est contenté d'affirmer avec force que les dirigeants iraniens
" n'obtiendront pas d'armes nucléaires, ça je peux vous le garantir ! "
" Besoin de réciprocité "Les échanges ont semblé aussi peu fructueux sur le commerce.
" La décision revient au président ", a constaté Mme Merkel après avoir pris acte de
" l'insatisfaction " de son hôte. Elle a ajouté que la réforme fiscale adoptée en 2017 a fait des Etats-Unis
" à nouveau une place très intéressante pour investir "." Nous avons besoin de réciprocité, que nous n'avons pas ", a évasivement indiqué pour sa part Donald Trump.
Le président a pris soin vendredi de rendre hommage à Angela Merkel, qualifiée de
" femme extraordinaire ". Il l'a également félicitée pour son maintien à la chancellerie après les élections du 24 septembre 2017. Enfin, après l'avoir accueillie en lui faisant la bise à sa sortie de voiture sur le perron de la Maison Blanche, il n'a cette fois pas manqué de lui serrer la main devant les photographes au début de leur entrevue dans le bureau Ovale. Le moment était scruté avec une attention particulière : le 17 mars 2017, à la même place, Donald Trump avait ostensiblement snobé Angela Merkel qui lui avait proposé une poignée de main… Vendredi, les compliments de circonstance du président américain à l'égard de la chancelière ont cependant contrasté avec les effusions parfois surjouées du début de semaine avec son homologue français.
Il faut dire que par rapport à Emmanuel Macron, Angela Merkel pâtit d'un double handicap : l'excédent commercial de l'Allemagne et le montant de la contribution de son pays au budget de l'OTAN, jugé insuffisant au même moment par le nouveau secrétaire d'Etat des Etats-Unis, Mike Pompeo, en visite au siège de l'Alliance à Bruxelles.
Sur ce point, le président américain n'a pas manqué de rappeler à la chancelière que l'Allemagne – comme d'autres Etats membres de l'Alliance atlantique – était loin d'avoir atteint l'objectif consistant à consacrer 2 % de son produit intérieur brut à la défense. Angela Merkel a précisé que son pays allait consacrer 1,3 % de son PIB aux dépenses militaires en 2019,
" une part en hausse par rapport aux années précédentes ". Elle l'a néanmoins reconnu :
" Nous sommes encore loin de l'objectif, et nous le savons. "
" Tandem "Avant cette brève visite à Washington, l'entourage de Mme Merkel avait prévenu qu'il ne fallait pas s'attendre à des avancées considérables.
" Ce serait déjà un succès, si le président américain écoutait et qu'il lui apparaissait clairement que les Européens font bloc ", avait notamment déclaré Peter Beyer, le délégué du gouvernement allemand pour les relations germano-américaines.
Dans un entretien à la
Frankfurter Rundschau, jeudi, M. Beyer avait également évoqué une sorte de répartition des rôles concertée entre Angela Merkel et Emmanuel Macron quant à leur attitude respective vis-à-vis du président des Etats-Unis :
" Leurs objectifs sont communs et leur action est coordonnée, même si Macron et Merkel jouent des rôles différents. Macron, sur le plan personnel, est plus proche de Trump. Merkel est celle qui, avec sa ténacité et son pragmatisme, sait particulièrement bien s'y prendre pour faire avancer les dossiers. Ce ne sont pas des oppositions, mais un jeu orchestré conjointement. Macron et Merkel savent très bien jouer en tandem. "
" Il y a parfois - entre nos deux pays -
des points de vue assez différents ", a concédé Angela Merkel, avec un art certain de l'euphémisme, vendredi, aux côtés de Donald Trump. En venant à Washington, elle a toutefois souhaité rappeler que
" les liens transatlantiques restent d'une importance existentielle " à ses yeux. Au vu de la teneur de ses échanges avec le président américain, il n'est pas certain que ses concitoyens soient rassurés sur l'avenir de la relation entre l'Allemagne et les Etats-Unis. Selon un sondage de l'institut Civey réalisé outre-Rhin entre le 20 et le 25 avril, 68 % des personnes interrogées estiment que cette relation va se dégrader.
Gilles Paris et Thomas Wieder
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