Le contraste est saisissant. Autant la grande rue qui traverse Aïn El-Héloué, le plus grand camp de -réfugiés palestiniens au Liban, est bruyante et animée, autant le quartier de Tiri a des allures fantomatiques. Pas un bruit, hormis le grésillement d'une radio provenant de l'unique commerce ouvert en ces lieux. Dans les ruelles trop étroites pour bénéficier d'un rayon de soleil, les murs sont criblés d'impacts de balles, traces des âpres combats (seize morts et une centaine de blessés) qui s'y sont déroulés en avril et août 2017, opposant plusieurs factions palestiniennes à un groupuscule islamiste armé.
Sur le sol jonché de douilles, les gravats s'amoncellent. Kalachnikov à la main, un jeune milicien de la Force conjointe palestinienne, chargée de la sécurité dans le camp, nous escorte, comme si des masures en -parpaing désormais vides pouvait encore jaillir une menace. Un homme plus âgé, revolver coincé à l'arrière de son pantalon, accourt, nerveux et colérique, réclamant un contrôle d'identité. Deux jours plus tôt, explique-t-il, un combattant extrémiste a tenté de faire le coup de feu au milieu de ces rues désolées. Le quartier de Tiri avait pourtant été déclaré " sous contrôle " par les responsables de la Force conjointe.
La plupart des habitants de Tiri ont été forcés de trouver refuge ailleurs.
" Mes jumeaux étaient tout petits. On était terrorisés. On s'est enfuis, en pensant revenir vite, se rappelle Amal Jomaa, une déplacée.
Mais notre maison a été détruite. Il n'y a jamais eu de sécurité dans le camp. Mais c'est la première fois qu'il y a eu de telles destructions à cause d'un conflit interne. " Pas un mot sur l'ex-caïd des lieux : Bilal Badr, au cœur des deux rounds des combats de 2017. Par peur de représailles de ses lieutenants encore présents dans le camp ?
L'Emblème de l'EIPlusieurs zones d'ombre entourent le parcours de Bilal Badr. Les uns le présentent comme un délinquant, une petite frappe ; les autres, comme un dangereux djihadiste, à la tête d'une vingtaine de combattants. Suspecté
d'avoir commandité des assassinats et caché des fugitifs,
il a longtemps figuré en haut de la liste des personnes recherchées par les autorités libanaises. La maison de ses parents, où il se serait retranché pendant les combats, est ravagée. Dans la pénombre de Tiri, on en entrevoit les ruines. La peinture noire de l'emblème de l'organisation Etat islamique (EI), sur le mur de l'entrée, a perdu de son éclat et a été troué de balles. Bilal Badr est parti : en janvier 2018, il a émis un communiqué confirmant sa présence en Syrie,
" pays du djihad et de la gloire ".
Dans la partie du camp dévastée, les travaux de reconstruction ont désormais -débuté. Leur coût, financé par le Japon, est estimé à 3 millions de dollars (2,5 millions d'euros). Des habitants ont pu rentrer chez eux, mais la plupart des quatre cents familles qui y vivaient devront attendre la fin de la réhabilitation, prévue cet été, avant de regagner leurs foyers.
A Aïn El-Héloué, un bidonville en dur de moins d'un kilomètre carré,abritant 21 000 réfugiés, selon les chiffres officiels libanais, mais 50 000 personnes d'après les sources locales, et situé en bordure de la ville portuaire de Saïda, la violence est endémique. Le plus souvent, elle s'apparente à des règlements de compte personnels. Mais, à la différence de ces vendettas à répétition, les affrontements de 2017 ont fait craindre aux Palestiniens une escalade dramatique, qui aurait pu mener à la destruction totale du camp. Même si les combats ne se sont pas limités au quartier de Tiri, ce scénario apo-calyptique n'a pas eu lieu. Aïn El-Héloué n'en a pourtant pas fini avec la violence.
Ce qui pourrait n'être que la chronique ordinaire des convulsions d'un camp palestinien miné par l'exclusion, la pauvreté et les luttes intestines prend, dans le contexte libanais, une autre dimension. Aïn El-Héloué est observé avec vigilance et inquiétude. En effet, le camp jouxte la route vers le sud, utilisée par les convois de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Le sud du pays, frontalier d'Israël, est par ailleurs un fief du puissant mouvement pro-iranien Hezbollah. Quand le camp s'embrase, c'est tout l'accès vers cette région
qui est menacé.
Si la violence devient incontrôlable, le risque d'une contagion dans d'autres camps pales-tiniens disséminés près des grandes villes libanaises n'est pas non plus à exclure. Souvent évoquée pour rappeler l'injonction faite au Hezbollah de remettre son arsenal militaire à l'Etat libanais, la résolution 1559, votée par le Conseil de sécurité de l'ONU en 2004, -appelle aussi les milices non libanaises – et donc palestiniennes – à désarmer. En vain.
A Aïn El-Héloué, la présence des armes est ancienne. Les récits des ex-combattants des années 1960, 1970 et 1980 en attestent. Lorsqu'ils évoquent les espoirs de retour longtemps cultivés et leur passé de fedayin en guerre contre Israël, ils retracent des années marquées par la fierté et le sang.
Dès la fin des années 1960, le camp était l'une des bases -militaires de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). De force de guérilla près de la frontière israélienne, le mouvement s'est rapidement imposé comme un puissant acteur dans le jeu politique libanais, un " Etat dans l'Etat ". Le combat palestinien va s'imbriquer dans les tensions interlibanaises croissantes. Lorsque la guerre civile éclate, en 1975, les factions palestiniennes, alliées à la gauche et aux partis musulmans libanais, prennent part aux affrontements contre les forces chrétiennes.
L'invasion israélienne du Liban, en 1982, reste une page noire de l'histoire du camp. Les bombardements causent de lourdes -destructions. Des hommes sont arrêtés et internés dans le camp d'Ansar, plus au sud, géré par l'armée israélienne. Avec l'expulsion de l'OLP du Liban, les réfugiés renouent avec la marginalisation.
Puis vinrent les accords de paix d'Oslo, en 1993. Pour les Palestiniens du Liban, y compris ceux d'Aïn El-Héloué, ce fut un coup de poignard dans le dos, après des années de sacrifices : ces accords donnaient la priorité à l'édification de structures étatiques dans les territoires occupés de Cisjordanie et dans la bande de Gaza, aux dépens du " droit au -retour " des réfugiés, sanctionné par une résolution de l'ONU.
S'ensuivit une inévitable remise en question du leadership palestinien. Celle-ci fut exacerbée par les manœuvres des services de sécurité syriens pour saper l'autorité de l'OLP au Liban. Dans ce contexte, les mouvements islamistes apparus, au début des années 1980, à Aïn El-Héloué ont gagné en puissance. Un réseau de salafistes djihadistes s'est aussi constitué, dont le chercheur Bernard Rougier a relaté la genèse dans
Le Jihad au quotidien (PUF, 2004). La Palestine passe au second plan d'une lutte plus globale. Des militants rejoignent le djihad en Afghanistan, puis en Irak.
L'absence de perspectives au Liban a aussi favorisé la radicalisation. Grands perdants de la guerre libanaise, les Palestiniens sont tenus pour responsables de l'éclatement du conflit, bien que de multiples facteurs aient contribué à la descente aux enfers du pays. Une fois la paix revenue, en 1990, Beyrouth multiplie les restrictions – comme l'interdiction d'accéder à la propriété et d'exercer un certain nombre de professions – et martèle son refus de " l'implantation " des réfugiés.
Au fil des années, Aïn El-Héloué s'est bâti une réputation de repaire d'extrémistes et de havre pour fugitifs de tout poil et de -toutes nationalités : criminels de droit commun, suspects de terrorisme ou d'attaques contre l'armée. Mais ses habitants détestent que leur camp soit assimilé à un " mini-Kandahar " (du nom de la principale ville pachtoune, dans le sud de l'Afghanistan) et rappellent que les extrémistes ne constituent qu'une infime minorité. C'est vrai, tout comme il est vrai que ces lieux attirent des personnages peu recommandables.
En 2007, c'est ainsi vers Aïn El-Héloué qu'avaient afflué les irréductibles de Fatah Al-Islam. Ce groupuscule extrémiste, longtemps manipulé
par Damas, avait combattu l'armée libanaise dans un autre camp, celui de Nahr El-Bared, près de Tripoli, dans le nord du Liban. Durant les premières années suivant la révolte syrienne contre le régime des Assad qui a éclaté en 2011, d'autres combats et frictions ont opposé les militaires à des Libanais, salafistes ou proches d'Al-Qaida, qui se sont repliés à Aïn El-Héloué, tout comme des militants des brigades Abdullah Azzam, qui revendiquèrent l'attentat contre l'ambassade d'Iran à Beyrouth, en 2013.
Dans l'autre sens, des départs de combattants ont eu lieu à partir du camp vers des groupes djihadistes en Syrie (l'ex Front Al-Nosra, émanation d'Al-Qaida, ou l'EI). Le -conflit syrien a contribué à renforcer les groupuscules les plus radicaux, attestant de liens avec les extrémistes en Syrie, et à exacerber les frictions entre factions palestiniennes pro et anti-Assad.
En 2016, l'armée avait arrêté Imad Yassine, un militant présenté comme le chef de l'EI à l'intérieur d'Aïn El-Héloué, suspecté de fomenter des attentats au Liban.
Un mur haut de 5 mètres
" La situation sécuritaire est aujourd'hui sous contrôle ", assure Abou Achraf Al-Armouchi, un chef militaire du
Fatah (parti du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, fondé par Yasser Arafat) et commandant local de la sécurité nationale palestinienne.
" Des extrémistes ont quitté le camp, et ceux qui pourraient représenter une menace ont peur. Seuls les hommes qui n'ont pas peur sont -dangereux ", dit-il dans un sourire, depuis le QG de la Force conjointe. Dans ce bureau, un écran affiche les images d'une dizaine de -caméras de surveillance, plantées devant l'entrée et dans les rues avoisinantes.
Pour contenir les risques d'une explosion de la violence, les autorités libanaises ont répondu par un plan sécuritaire et par des -contacts accrus avec les divers acteurs palestiniens. Les effets sont déjà visibles sur la géographie d'Aïn El-Héloué, naguère considéré comme la " capitale " des réfugiés palestiniens au Liban. Bordé au sud par les orangers et la végétation, le petit territoire où se -massent les réfugiés palestiniens, y compris plusieurs milliers qui ont fui la guerre en Syrie, est désormais en partie encerclé par un mur de béton, d'une hauteur de 5 mètres, construit par l'armée.
En vertu d'accords datant
de 1969, au début de la lutte armée de l'OLP contre Israël -depuis le pays du Cèdre, les forces de sécurité libanaises ne sont pas autorisées sur son territoire, ainsi que dans la majorité des camps palestiniens du Liban. Il a bien fallu chercher une alternative. Conçu en 2013 dans le but de
" stopper les passages clandestins d'islamistes ", selon une source informée, le mur a commencé à être érigé fin 2016, suscitant des réprobations au Liban.
La construction s'est poursuivie. Au final, il devrait s'étendre sur plus de 1 500 mètres de long sur les flancs ouest et sud du camp, avec une vingtaine de miradors. Certaines de ces tours sont déjà bien visibles. A l'entrée principale, les contrôles d'identité se sont intensifiés et le barrage de l'armée est devenu plus imposant, étalé sur plusieurs dizaines de mètres ; une barrière métallique mobile a été installée pour fermer le passage chaque fois que se produisent de nouveaux incidents.
Alors que d'autres camps palestiniens du Liban se sont fondus dans l'espace urbain, comme celui de Chatila aux portes de Beyrouth, Aïn El-Héloué ressemble à une enclave isolée, nourrissant un sentiment d'humiliation parmi ses habitants.
" Le mur n'est pas acceptable. C'est un signe de la discrimination qui sévit au Liban, contre les étrangers en général, et contre les Palestiniens et les Syriens en particulier ", juge Cheikh Jamal Khattab, un prêcheur respecté dans le camp, dont le discours emprunte au nationalisme palestinien et à l'islam radical. C'est par ailleurs un médiateur influent, dont chacun aime ici à rappeler qu'il est diplômé de l'un des établissements les plus prestigieux du Liban, l'Université américaine de Beyrouth.
" Si des fugitifs ont pu entrer dans le camp, est-ce la faute des Palestiniens, ou bien celle des responsables libanais ? ", s'interroge encore Cheikh Jamal Khattab, fondateur du Mouvement islamique combattant, l'une des multiples factions locales.
" Je peux comprendre que des mesures soient prises pour contrôler les mouvements de djihadistes, affirme pour sa part un journaliste palestinien résidant à Aïn El-Héloué.
Mais le camp ressemble désormais à une prison. C'est comme si la totalité des Palestiniens étaient assimilés à des terroristes ! "
Arguant de la volatilité de la situation, l'armée a restreint l'accès du camp aux journalistes. Les autorisations ont toujours été nécessaires pour y pénétrer. Dorénavant, elles sont accordées au compte-gouttes. Une fois à l'intérieur, il est impossible de ne pas constater la détresse des habitants dont l'horizon est condamné, faute d'avenir au Liban et de perspectives de retour sur les terres des anciens, chassés de Palestine.
Outre la violence endémique, plus d'un habitant sur deux est au chômage. Dans les rues, nombreux sont les hommes jeunes, assis sur des chaises en plastique, à fumer ou à tuer le temps. Ici, tout est étriqué. Des maux banals, comme la circulation, se transforment en véritables calamités. Chacun vit sous le regard de son voisin. La politique est partout, se mêlant des œuvres caritatives, et même des hôpitaux. Et puis il flotte ce sentiment que rien, jamais, ne s'améliore.
Les miliciens de la Force conjointeLes miliciens quadrillant le camp, arme à la main, sont aujourd'hui plus nombreux qu'il y a quelques années. Des hommes sont postés dans les rues. Pour eux, il s'agit d'un emploi comme un autre, avec un salaire de 300 dollars par mois. Ils appartiennent à la Force -conjointe palestinienne, déployée depuis le printemps 2017, après une précédente tentative infructueuse. Elle compte aujourd'hui 150 hommes. Sa mise en place a été accélérée par la montée du péril djihadiste dans le camp, lié à la guerre en Syrie. Sa mission, selon son chef, Bassam Saad, membre du Fatah, est de
" préserver le camp de la violence et des autres menaces, comme la drogue ", dont l'usage est en expansion, selon plusieurs interlocuteurs.
L'efficacité de cette force, en grande partie financée par l'Autorité palestinienne à Ramallah, et dont la formation a été approuvée par Beyrouth, dépend, sur le terrain, d'une nécessaire entente entre ses composantes disparates. Autour du Fatah, elle inclut notamment d'autres factions de l'OLP, le Hamas (mouvement islamiste palestinien qui contrôle la bande de Gaza) ou encore des mouvements islamistes radicaux tels qu'Osbat Al-Ansar (auteur d'actes terroristes au Liban dans les années 1990-2000), le mouvement de Cheikh Jamal Khattab (suspecté d'avoir recruté pour le djihad en Irak dans les années 2000) ou encore Ansar Allah (proche du Hezbollah)… Tous trois ont aujourd'hui une approche pragmatique : maintenir un statu quo pour préserver le camp.
Problème, la Force conjointe reste perçue comme une ramification du Fatah et, à Aïn -El-Héloué, les antagonismes sont multiples. Se jouent, entre Fatah et Hamas,
ou au sein même du Fatah, des luttes de pouvoir – reflet en miniature de celles qui déchirent les territoires palestiniens.
" Une faction unique ne peut pas contrôler le camp ", insiste Mahmoud Issa, alias " Lino ", aujourd'hui dissident du -Fatah et proche de Mohammed Dahlan, l'ex-chef du contre-terrorisme palestinien passé dans l'opposition à Mahmoud Abbas, qui l'a expulsé du Fatah en 2011 et obligé à s'exiler aux Emirats arabes unis. Son bureau est tapissé de portraits de Yasser Arafat et de cartes de la Palestine. Outre ces difficultés internes, la Force conjointe est aussi sous pression de l'armée libanaise, à qui elle doit remettre des fugitifs et autres fauteurs de troubles.
" Nous répondons à l'ambassade palestinienne à Beyrouth et nous nous coordonnons quotidiennement avec l'armée libanaise ", explique Bassam Saad. Face au défi posé par les groupes djihadistes, la stratégie consiste à les contenir plutôt qu'à les dissoudre.
" Prendre les armes des extrémistes, cela reviendrait à
détruire le camp, assure Abou Achraf Al-Armouchi.
De toute façon, ce sont aussi nos -enfants : ils font partie du paysage. " Selon les responsables palestiniens, Aïn El-Héloué compte une centaine de personnes soupçonnées d'appartenir à des groupes djihadistes, actuellement recherchées par les autorités libanaises.
" Il ne s'agit pas de chefs importants, plutôt de gens inspiré
s par l'idéologie - de l'ex Front -
Al-Nosra - l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaida -
ou de l'EI, sans appartenir directement à ces groupes ", affirme Bassam Saad.
Des limites à ne pas franchirMalgré des déclarations rassurantes de la Force conjointe, le territoire déjà exigu d'Aïn El-Héloué reste morcelé, cloisonné et, donc, sous tension. Chaque leadeur connaît les limites géographiques qu'il ne peut franchir, sous peine de se retrouver en danger de mort, et se déplace entouré de gardes du corps. A Tamir, un bastion extrémiste proche de son QG, la Force conjointe n'entre pas. Extension du camp, le quartier mitoyen ne fait pas strictement partie d'Aïn El-Héloué
et échappe donc à son autorité.
Ces violences latentes ont de lourdes répercussions sur le quotidien des habitants. Nisrine Ayoub, qui dirige une école de filles de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, est devenue malgré elle une " experte " en affaires militaires. Les mesures de sécurité, comme le plan d'évacuation, occupent cette femme joviale à la silhouette ronde autant que l'éducation de ses élèves.
" S'il y a un assassinat, les hostilités vont basculer de l'usage de l'AK 47 - kalachnikov -
à celui des RPG - lance-roquettes -
en trente minutes. C'est de ce laps de temps que l'on dispose alors pour évacuer les enfants vers une salle sécurisée, avant de les renvoyer chez eux ", dit-elle avec gravité.
Une multitude d'incidents se sont déroulés près de son école, située
" sur la ligne de front " : un assassinat, un règlement de compte, des combats…
" Entre août 2015 et août 2017, nous avons vécu dans un état d'urgence sécuritaire ", dit-elle
. En 2017, l'école a été fermée pendant près de trente jours. Après les violences, il faut panser les plaies, être à l'écoute des élèves sans jamais s'immiscer.
Un bon connaisseur du camp témoigne du désarroi des habitants :
" Les gens vivent dans une tension permanente. Ils aspirent à la -stabilité et à la sécurité. Ils ne pensent plus à réclamer de changement auprès des factions. Ceux qui n'en peuvent plus partent, quittent le Liban. Il y a aussi un problème généra-tionnel, poursuit-il.
La vieille garde gère le quotidien du camp au sein du comité populaire, qui n'est pas élu. Il n'y a pas de renouvellement, pas de place pour les jeunes, pas de place pour s'exprimer. "
A toutes ces difficultés, la réponse sécuritaire de l'armée libanaise n'apporte aucune solution. Et les discriminations demeurent un terreau fertile de la colère.
" Avec ou sans mur, le problème des Palestiniens, c'est la vie qu'ils mènent au Liban : les restrictions sur le marché du travail, sur l'accès à la propriété… même sans mur physique, les réfugiés sont -encerclés par des murs psychologiques ", -dénonce Cheikh Jamal Khattab.
Côté libanais, on trouve aussi des responsables qui s'inquiètent de ce mur, aux effets plus polarisants que sécurisants.
" Il n'empêche pas les infiltrations, et pour - lutter contre -
quelques centaines d'extrémistes, la dignité de toute une communauté - les Palestiniens -
est mise à mal ", estime Abdel Nasser Al-Ayyi, directeur exécutif du Lebanese Palestinian Dialogue Committee (LPDC). Placée sous l'autorité du premier ministre libanais, cette entité
créée en 2005, après la fin de l'occupation syrienne,
est chargée de définir une stratégie sur le dossier palestinien.
Selon M. Al-Ayyi, si les mesures de sécurités sont nécessaires,
" car la situation sécuritaire dans les camps ne va pas dans le bon sens ", il
" convient d'apporter une réponse globale, incluant l'amélioration des -conditions de vie ". Une formule répétée à l'envi par nombre de responsables libanais, mais qui ne s'est jamais concrétisée. Les efforts du LPDC pour ouvrir la voie à une amélioration des droits sociaux des Palestiniens peinent à se matérialiser. L'hostilité envers les Palestiniens reste diffuse, et le dossier a été sans cesse ajourné par la classe politique.
Tant que l'exclusion persiste, Aïn El-Héloué semble voué à subir d'autres cycles de violence, et les groupes extrémistes à continuer de recruter. Toutefois, pour Bassam Saad, le chef de la Force conjointe,
" la fin de la guerre en Syrie pourrait permettre une baisse des tensions ". Mais cet horizon semble encore lointain. Et le retour de Syrie de combattants aguerris s'annonce comme un autre défi.
Laure Stephan
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