Ason onzième jour, le mouvement de grève contre le Nouveau pacte ferroviaire lancé par le gouvernement depuis maintenant un mois montre des premiers signes d'essoufflement. Le taux de grévistes pour la journée du samedi 28 avril (50 % de conducteurs déclarés en grève, contre 77 % au premier jour du mouvement) confirme que la mobilisation marque le pas.
Côté syndical on reconnaît la baisse.
" C'est la fin du mois, les salaires tombent et c'est dur pour les grévistes, surtout pour les cheminots payés 1 200 ou 1 500 euros ",explique Erik Meyer, secrétaire fédéral de Sud Rail, l'un des syndicats représentatifs de la SNCF. A l'UNSA, deuxième syndicat de l'entreprise publique, on constate ce reflux
" assez fort chez les cadres " et on s'attend à des taux de grévistes plus faibles encore autour des ponts du mois de mai.
A ce stade du conflit, le fruit syndical serait-il suffisamment mûr pour que l'on puisse imaginer une sortie de mouvement ? Des signes le laissent penser depuis le vote du projet de loi le 17 avril à l'Assemblée qui a entériné les grands principes de la réforme tout en inscrivant dans le marbre législatif de vrais avantages pour les cheminots. Le discours des syndicats a évolué : on s'arc-boute moins sur les grands principes – refus de la -concurrence, statut – pour se concentrer sur la négociation du cadre social. Mais, la bataille n'est pas gagnée par le gouvernement. Les syndicats restent unis et mobilisés.
" Le deuil du statut n'est pas encore fait ", glisse un syndicaliste. Dans ce contexte, cinq prérequis se dessinent avant d'entrevoir une extinction du mouvement.
Concéder un geste, ne serait-ce que symbolique, le 7 mai Les quatre principaux syndicats de la SNCF (CGT, UNSA, SUD, CFDT) ont vécu comme une victoire de leurs revendications l'invitation par le premier ministre à venir les rencontrer le lundi 7 mai. Ils ont soif de symboles et attendent beaucoup de ces rencontres bilatérales à Matignon. Trop peut-être. Les déclarations du premier ministre sur Europe 1, jeudi 26 avril, n'ont guère laissé d'espace à un infléchissement de la réforme.
Pourtant, selon nos informations, des discussions informelles ont été entamées entre les équipes du premier ministre et certaines confédérations pour préparer les réunions. Un négociateur, côté cheminots, s'attend même à des déclarations qui pourraient intervenir quelques jours avant la rencontre du 7 mai.
Faire une annonce précise sur la dette de la SNCFParmi ces annonces, l'une des plus attendues concernerait des précisions sur la reprise de la dette de 46 milliards d'euros annoncée à partir du 1er janvier 2020 par Emmanuel Macron. A vrai dire, c'est le premier ministre lui-même qui a déclenché cette attente.
" Je souhaite pouvoir présenter les grands équilibres économiques à venir du système ferroviaire avant que ne commence la discussion au Sénat ", a-t-il écrit aux syndicats dans la missive où il les invite le 7 mai.
" Ce serait un vrai signal positif ", assure Florent Monteilhet, secrétaire général adjoint de l'UNSA Ferroviaire.
" La SNCF a besoin d'une large recapitalisation avant 2020,renchérit M. Meyer.
Sans cela, elle risque la faillite puisque la transformation en société, voulue par le gouvernement, menace l'existence même de l'entreprise si on ne la désendette pas. "
Associer l'Etat au grand chambardement de la branche ferroviaire C'est une revendication syndicale forte : relancer les négociations de la convention collective de la branche ferroviaire sous une forme tripartite : l'Etat venant s'ajouter aux syndicats et au patronat du secteur. L'enjeu est important pour les syndicats : créer un " pacte social ferroviaire " qui permettrait de ne pas regretter les avantages du statut.
Les représentants des salariés ont un allié objectif dans cette bataille : la direction de la SNCF, membre de poids de l'organisation patronale des transports, l'UTP, ne verrait pas d'un mauvais œil son différentiel de compétitivité avec ses futurs concurrents se réduire par la dégradation de la profitabilité de ces derniers. Reste à convaincre les autres adhérents de l'UTP à entrer dans cette logique. La ministre des transports, Elisabeth Borne, est en liaison constante avec les instances dirigeantes de l'UTP pour les amener à la table de négociation vite et dans le meilleur état d'esprit possible.
Amender un peu plus la réforme au Sénat Voté en première lecture par l'Assemblée nationale, le Nouveau pacte ferroviaire passera fin mai par le Sénat (le 23 en commission, le 29 en séance). Ce sera l'occasion pour la CFDT et l'UNSA (les syndicats réformistes de la SNCF) de faire porter de nouveaux amendements. Reste à voir quelles modifications acceptera le gouvernement. A l'Assemblée, en avril, les deux syndicats avaient été déçus par le petit nombre d'amendements votés qu'ils avaient inspirés.
Ne pas embourber les négociations à la SNCF Dernière strate de discussion lancée ces jours derniers, la négociation à l'échelle de l'entreprise publique ferroviaire qui débouchera sur un nouveau cadre social et managérial adapté à une ère nouvelle de productivité et de concurrence. Or, il ne faudrait pas que cette brique de négociation fragilise le reste de l'édifice.
C'est que des sujets délicats seront sur la table. Dont le nouveau contrat de travail de ceux qui intégreront la SNCF après la fin de l'embauche au statut de cheminot. Il sera
" différent, mais pas moins-disant ", assure le directeur des ressources humaines de la SNCF, Benjamin Raigneau. Parmi les autres dossiers chauds à traiter : une remise à plat de la grille des salaires, la polyvalence des salariés, et des remises en cause d'usages locaux.
Dans cette affaire, la voie est étroite pour la SNCF, entre les impératifs d'amélioration de sa performance et la nécessité à ne pas braquer davantage des syndicats déjà à cran.
" Le contact n'est pas rompu, observe M. Raigneau.
Tout le monde vient aux réunions et tout le monde y reste. "
Éric Béziat
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