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jeudi 19 avril 2018

Dans les Bouches-du-Rhône, les socialistes comptent leurs maux


19 avril 2018

Dans les Bouches-du-Rhône, les socialistes comptent leurs maux

Des adhésions en chute libre, des accusations de fraude, des débats stériles sur la ligne… La fédération locale reflète l'état du PS national

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Le compromis de vente est signé et la page, presque tournée. Le 31  août, la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône aura quitté le 58, rue Montgrand, à Marseille. Occupé depuis trente-six ans par le PS local, le bâtiment de six  étages, cédé pour 2,4 millions d'euros à l'ordre des avocats, sonne aujourd'hui terriblement creux. " Ce lieu marque une époque. En termes de surface comme d'identité ", concède Nora Mebarek, première secrétaire fédérale depuis moins d'une semaine.
Mandataire d'Emmanuel Maurel, cette conseillère municipale d'Arles, proche de Michel Vauzelle, au PS depuis 2002, a enlevé la fédération à la surprise générale. Elle-même ne s'y attendait pas. Arrivée en tête avec 32 % des voix le 15 mars, cette élue de 45 ans a bénéficié du soutien de l'ex-ministre Marie-Arlette Carlotti, mandataire de Stéphane Le Foll, pour résister à l'union des listes Faure-Carvounas. Un " mariage de la carpe hollandiste et du lapin frondeur " que n'ont pas manqué de critiquer ses opposants, agacés de voir la fédération passer à la gauche du parti.
Salariée d'une des dernières collectivités socialistes du département, Mme Mebarek assume ainsi la manœuvre." La tradition veut que l'on se retire devant la motion qui arrive en tête. Moi, j'ai vu le candidat arrivé quatrième s'unir avec le troisième,s'étonne-t-elle… Visiblement, une femme, non marseillaise et d'origine maghrébine comme première fédérale, c'était trop pour certains. "
Situation financière difficileLe poste n'est pourtant guère enviable. Boutés des présidences du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur, du conseil départemental et de la métropole de Marseille entre 2014 et 2015, les socialistes n'ont sauvé qu'une parlementaire sur onze sortants, la sénatrice Samia Ghali. Privée d'élus, la fédération vit une situation financière difficile qu'un audit doit clarifier avant l'été. Son dernier salarié permanent quittera ses fonctions le 30 juin. La participation aux élections du 15 mars a fixé le nombre officiel d'adhérents : juste sous la barre des 1 300.
La campagne du congrès a révélé une nouvelle génération symbolisée par Mme Mebarek et son dernier opposant, Yannick Ohanessian, cheminot de 37 ans, mandataire de Luc Carvounas. Mais elle a aussi perpétué les déchirements historiques : accusations mutuelles de triche, rivalités personnelles des derniers ténors locaux, opposition entre Marseillais et socialistes du reste du département… " Le parti ne peut garantir un vote clair et transparent dans les Bouches-du-Rhône ", a dénoncé M. Ohanessian, en retirant sa candidature la veille du second tour. Peu auparavant, dans un mail à la direction du PS, il égrenait les irrégularités présuméesrelevées par ses représentants, désignant nommément des élus longtemps proches de l'ex-patron du PS Jean-Noël Guérini. Par exemple, le conseiller départemental marseillais Rebia Benarioua " distribuant des enveloppes et des bulletins de vote préremplis ", ou le maire de la ville de Rousset, Jean-Louis Canal, passé à La République en marche, " présent lors du vote malgré sa démission du parti pour donner des consignes pour Stéphane Le Foll ", selon les termes du mail.
Grand écart politique" Finalement, le PV du département a été validé. Seules les sections d'Allauch ont été invalidées et c'est Olivier Faure qui y était arrivé en tête ", souligne Mme Mebarek. Pour mettre un terme à ce débat mortifère, le premier secrétaire national promet une mission de contrôle. " Elle aura pour fonction d'aller vérifier que tout se passe normalement, démocratiquement ", explique M. Faure, qui, le 2  mars, a lui-même allumé la mèche en dénonçant une " pratique industrielle des fausses cartes " au sein de la fédération. La création de cette mission, accompagnée d'un gel du poste de trésorier, a fait retomber la tension. Mais, à Marseille, beaucoup se rappellent qu'entre 2013 et 2014 la mise sous tutelle nationale de la fédération n'a rien réglé. " Je ne veux pas couper de têtes, je veux juste une fédé qui fonctionne normalement et donne envie à des militants de nous rejoindre, assure Benoît Payan, président du groupe PS au conseil municipal de Marseille et mandataire d'Olivier Faure. Mettre un terme au clientélisme, au clanisme, c'est le travail de Nora. "
" Les socialistes se battaient pour un beau gâteau, maintenant c'est pour une tartelette. Mais tout le monde doit, aujourd'hui, se rendre compte que la question de la survie passe par le fond politique ", alerte Laurent Lhardit. Lassé de " ne pas pouvoir débattre en interne ", notamment du sujet épineux de la métropole Aix-Marseille-Provence, ce conseiller d'arrondissement PS marseillais a lancé en février Le Mouvement, club de réflexion " se reconnaissant dans les valeurs de la social-démocratie ", agrégeant élus et sympathisants UDE, LRM, MoDem et PS… " Si Mme Mebarek veut imposer une ligne de gauche, je ne pense pas que cela m'ira ", se projette-t-il déjà.
" Quelle ligne une fédé dirigée par des maurélistes élus avec l'aide des soutiens de Stéphane Le Foll et d'Emmanuel Macron peut-elle tenir ? " interroge l'ancien député Patrick Mennucci. Tiraillé entre ses différentes lignes, le socialisme local se cherche. A l'image de la sénatrice Samia Ghali qui évoque l'idée d'un " ticket municipal " avec le président LR de la région Renaud Muselier pour " gagner Marseille en  2020 ", rares sont ceux qui voient aujourd'hui le PS comme un cheval porteur.
Nora Mebarek demande du temps mais assure qu'elle est là " pour remettre la fédé en ordre de bataille avec comme objectif les municipales "" Revenons aux fondamentaux. Nous sommes socialistes, notre place est du côté des précaires, des salariés qui luttent ", affirme-t-elle. Son premier acte a été d'appeler les militants à manifester le 14 avril à Marseille.
Gilles Rof
© Le Monde

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