Translate

dimanche 29 octobre 2017

Au Parlement catalan, une république " kafkaïenne "


29 octobre 2017.

Au Parlement catalan, une république " kafkaïenne "

L'indépendance a été votée à bulletin secret par crainte de poursuites

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Ala fin de la séance, chacun y est allé de ses selfies, afin d'immortaliser cette déclaration d'indépendance, aussi fugitive puisse-t-elle être. Vendredi 27 octobre, par 70 voix pour, 10  voix contre, et 2 votes blancs, les séparatistes catalans ont fini par adopter au Parlement de Barcelone une déclaration proclamant l'indépendance de la Catalogne et consommant leur rupture avec Madrid. Une victoire symbolique qu'ils savaient de courte durée avant la mise sous tutelle de la région par le gouvernement de Mariano Rajoy.
Dans l'enceinte, une certaine confusion régnait après ce vote. La joie l'emportait sur l'inquiétude parmi quelque 700 maires de l'association des municipalités indépendantistes, venus soutenir les parlementaires. " Où va-t-on ? Je ne sais pas. C'est ce que tout le monde se demande ", avouait Jordi Bou, le maire PDeCAT d'El Papiol, un petit village de la grande banlieue de Barcelone. " Personne ne le sait mais nous comptons sur le soutien de la rue ", a ajouté Josep Maria Bagot, membre de l'ERC et maire de la municipalité de Riells i Viabrea (province de Gérone). Il fallait surtout, affirme-t-il, " s'affranchir du joug de l'Espagne ".
Les députés indépendantistes s'étaient prononcés dans un hémicycle à moitié vide. Le vote a en effet été boycotté par les 52 élus du Parti socialiste (PSŒ), de Ciudadanos (centre) et du Parti populaire (conservateurs au pouvoir à Madrid), qui ont quitté la salle en signe de protestation.
La résolution adoptée par le Parlement catalan constitue " la République catalane, comme Etat indépendant et souverain de droit, démocratique et social ", qui doit défendre une nation " dont la langue et la culture ont plus de mille ans " et qui " durant des siècles a eu ses propres institutions ".
Le document accuse l'Etat espagnol de n'avoir accordé à la Catalogne qu'une " autonomie administrative " et d'avoir exercé une " discrimination linguistique et culturelle " dans la région. Il demande à l'exécutif catalan de négocier sa reconnaissance à l'étranger, alors qu'aucun Etat n'a manifesté son soutien aux indépendantistes.
" Maintenir l'élan "Le débat a été particulièrement dur. La chef de file de Ciudadanos, Inés Arrimadas, qui, la veille, avait qualifié la situation de " kafkaïenne ", a dit que la résolution était une " attaque aux valeurs européennes ". La porte-parole de la coalition indépendantiste Junts Pel Si (" Ensemble pour le oui "), Marta Rovira, a affirmé qu'un " nouveau pays "ne pouvait pas " se faire du jour au lendemain ".
La tenue d'un vote secret, afin que le parquet de Madrid ne puisse identifier les députés favorables à la déclaration et les accuser de rébellion, a renforcé le caractère improvisé et dramatique de la séance. Il a fallu dépouiller les bulletins à la main. A un moment donné, la présidente du Parlement, Carme Forcadell, s'est trompée en comptant un vote blanc qui était en fait " un oui écrit tout petit ". Certains élus de Catalunya Si que es Pot, la formation de la mouvance du parti de gauche radical Podemos, ont choisi de montrer le " non " de leur bulletin.
Le président de la Généralité, Carles Puigdemont, n'est pas intervenu lors de la séance, ce qui lui a été fortement reproché par l'opposition. Il a parlé après, du haut du grand escalier du Parlement, entouré des membres de son gouvernement, appelant les Catalans à rester " sur le terrain de la paix et du civisme ", afin de " maintenir l'élan " de la Catalogne. Le vice-président et chef de file de la Gauche républicaine (ERC), Oriol Junqueras, lui, s'est adressé aux citoyens " inquiets et préoccupés " pour leur demander " d'avoir confiance dans la nouvelle république ".
Dehors, les militants se sont à nouveau mobilisés pour fêter la république. Ils étaient 17 000 sur la place Sant Jaume, face au siège de la Généralité, selon les estimations de la police municipale, bien moins nombreux que le 10 octobre à la suite de la décision de Carles Puigdemont de " suspendre " la déclaration d'indépendance.
C'est à la Généralité que le président Carles Puigdemont a tenu une dernière réunion avec ses conseillers – la première de la nouvelle république selon les médias de la mouvance indépendantiste – quelques heures à peine avant l'annonce de leur destitution par le premier ministre Mariano Rajoy.
Les rassemblements se sont dispersés dans le calme, peu avant minuit. Un incident violent était tout de même à signaler. Lors d'une petite manifestation en faveur de l'unité de l'Espagne, trois personnes ont été blessées, agressées par des ultras qui étaient allés casser les vitres de la radio catalane.
Isabelle Piquer
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire