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LA GRANDE GREVE DES MINEURS DE 1948
La grève des mineurs de l’automne 1948 est considérée comme l’un des grands épisodes du mouvement ouvrier français. En ce temps-là, la France a grand besoin de charbon. Les mineurs sont d’abord considérés comme des héros puisqu’ils ont résisté à l’oppresseur nazi (en 1941, ils avaient déjà mené une grève) et occupent un emploi clé dans le cadre de la reconstruction du pays. Mais voilà qu’en deux mois, ils deviennent des terroristes en puissance aux yeux du gouvernement et de la bien-pensance. La répression s’abat sur eux à titre d’exemple contre le communisme. La France comptait plus de 300 000 mineurs, dans les grands bassins du Nord, mais aussi dans le Sud. Le ministre de l’Industrie, Robert Lacoste, concocte en septembre 1948 une série de décrets qui vont mettre le feu aux poudres : baisse des salaires, transfert de la gestion des accidents du travail et des maladies des sociétés de secours minières à la direction des houillères (autrement dit, le néant), diminution de 10% des effectifs de jour avec la même exigence de rentabilité… Le 30 septembre, la Fédération nationale du sous-sol organise une consultation à bulletins secrets. Plus de 84% des mineurs optent pour la grève. Le 4 octobre, les mineurs sont en grève dans toute la France. Les CRS, créés en 1944 et successeurs des GMR (groupes mobiles de réserve, de sinistre mémoire sous l’occupation) sont envoyés par le ministre de l’Intérieur, Jules Moch, pour réduire à néant toute contestation. Un mineur est assassiné à coups de crosse. Puis, les CRS investissent et saccagent un camp de Lorraine où logent des travailleurs nord-africains et les conduisent de force à la mine. Cette brutale opération est reproduite un peu partout. Là-dessus, on envoie l’armée dans les bassins. Les forces de répression reçoivent l’ordre de tirer. Le gouvernement supprime les allocations familiales aux mineurs en grève. Il décrète également l’expulsion des mineurs immigrés en grève, dont les réfugiés espagnols antifascistes, et surtout ceux-là ! Une partie de la presse devient hystérique. Le journal « L’époque » déclare « Monsieur Queuille, Monsieur Moch : bombardez-les ! Atomisez-les ! ». C’est dans ce contexte, et non en 1968, que naît le slogan « CRS=SS » ! Il faudra plus de 60 000 hommes surarmés pour réprimer la grève. On déplorera 6 morts, des milliers de blessés et 3 000 mineurs arrêtés dont 1 500 emprisonnés. 3 000 seront licenciés et, outre leur logement perdu, ne retrouveront plus de travail dans la région. Malgré de multiples actions de soutien de la part de la population et de divers secteurs d’activité, le 28 novembre 1948, la grève prend fin sur un échec pour le monde ouvrier car les décrets Lacoste n’ont pas été abrogés. Par contre, en 1963, les grandes grèves des mineurs connurent un succès. Tout cela montre bien les très difficiles relations entre le monde du travail et un gouvernement socialiste, ou assimilé tel, dès lors qu’il est au pouvoir. Alors que le second fait sa profession de foi et établit son fonds de commerce sur la défense du premier. Hier comme aujourd’hui… Les aléas de la réhabilitation des grévistes : En 1981, une loi d’amnistie donne aux mineurs la possibilité de recouvrer les droits qui leur avaient été ôtés à l’époque des faits, dont le droit à l’allocation-chômage et le droit à la retraite. De plus, en 2011, la cour d’appel de Versailles donne raison aux mineurs en reconnaissant le caractère discriminatoire et abusif du licenciement de 17 mineurs et employés de la société publique Charbonnages de France. Elle accorde donc à chacun (donc aux familles) 30 000 euros d’indemnités. Mécontente, Christine Lagarde, alors ministre de l’économie et des finances, saisit la Cour de cassation. Suivant l’avis de l’ex-ministre, la Cour, en octobre 2012, casse l’arrêt sous le prétexte que les faits sont prescrits. On ne peut s’empêcher de rapprocher la somme de 30 000 x 17 = 510 000 euros, contestée par la ministre, à celle de 403 millions d’euros allouée par cette même ministre à un homme d’affaires sulfureux. Mais passons… En 2013, à la demande de Christiane Taubira, garde des Sceaux, Pierre Moscovici, ministre de l’Economie, octroie finalement aux familles les 30 000 euros qui leur sont dus. En 2014, Christiane Taubira précise les modalités d’un amendement reconnaissant le caractère non fondé du licenciement des mineurs de 1948. Le président, François Hollande, réintègre dans leurs grades militaires quatre mineurs grévistes de 1948, lors d’une cérémonie officielle, le 28 septembre 2016. Ci-dessous : Meeting tenu devant le puits de Couriot, 25 octobre 1948. Patrouille de la soldatesque, à Anzin près de Valenciennes, le 26 octobre. Occupation du puits Couriot, le 2 novembre. Le couple infernal, Robert Lacoste et Jules Moch. |
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