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lundi 1 février 2016

"Ouverture du feu" facilitée pour les policiers : le gouvernement dégaine (et inquiète)

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"Ouverture du feu" facilitée pour les policiers : le gouvernement dégaine (et inquiète)



Le projet de réforme pénale, présenté mercredi en Conseil des ministres, prévoit notamment d'assouplir les règles d'ouverture du feu pour les forces de l'ordre en cas d'attaque terroriste.


Publié le 01-02-2016 à 13h18
                                 Un policier à proximité des lieux de l'attaque du commissariat de la Goutte-d'Or (Paris), le 7 janvier. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)
Un policier à proximité des lieux de l'attaque du commissariat de la Goutte-d'Or (Paris), le 7 janvier. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

A peine nommé second garde des Sceaux de la présidence Hollande, Jean-Jacques Urvoas aura la lourde tâche mercredi, pour son premier Conseil des ministres, de présenter un projet de loi qu'il n'a pas lui-même préparé : la réforme de la procédure pénale, censée être le gros morceau de la fin du quinquennat en matière judiciaire.
Le texte, qui vise entre autres à renforcer la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, est d'ores et déjà très critiqué dans les rangs de la magistrature, qui craint un virage sécuritaire de nature à inféoder la justice au ministère de l'Intérieur. Pour Céline Parisot, secrétaire générale de l'Union syndicale des magistrats interviewée par "l'Obs" le 7 janvier, c'est même "l'Etat policier" qui "s'instaure de manière pérenne".
"La lutte contre le crime organisé et le terrorisme oblige à évoluer en permanence", se justifie le gouvernement. "Ce texte vise à assurer la protection des Français." Parmi les dispositions les plus surveillées par les syndicats, l'actuel article 20 du projet de loi, qui entend modifier les règles "d'ouverture du feu" des forces de l'ordre - autrement dit leur permettre de dégainer de façon plus systématique.

Article 20 : un flou qui inquiète

Cette mesure répond à une revendication très forte du côté des policiers (les gendarmes ont légalement plus de garanties), qui estiment que le cadre actuel - celui de la "légitime défense" (Article 122-5 du code pénal) - est bien trop restreint pour faire face à toutes les situations... notamment en cas d'attaque terroriste. 
"Nous ne sommes pas forcément opposés à une extension", confiait d'ailleurs Céline Parisot à "l'Obs" début janvier.

Il faudra veiller, toutefois, à ce que le texte soit rédigé de manière claire et restrictive. On ne peut pas ouvrir la possibilité de tirer à n'importe quelle occasion."

Or, c'est bien le flou de la formulation qui inquiète associations, avocats et même certains policiers. Selon les informations de "Libération" dimanche, le Conseil d'Etat n'y a rien trouvé à redire et n'en aurait pas modifié la substance :
[...] permettre aux forces de sécurité d’endiguer l’action terroriste en abattant son ou ses auteurs".
Cependant, insiste "Libération", ces contours juridiques peu définis pourraient constituer "une couverture sur mesure en cas de bavure". Jugez-en plutôt :
[Le projet de loi prévoit d’étendre l’irresponsabilité pénale dans les cas où l’usage de l’arme est] "rendu absolument nécessaire pour mettre hors d’état de nuire l’auteur d’un ou plusieurs homicides volontaires ou tentatives […] dont il existe des raisons sérieuses et actuelles de penser qu’il est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin de ces actes".
Le but avoué, selon le ministère de l'Intérieur auprès de "Libé" :

Ne plus laisser le policier dans un 'cogito' infini lorsqu'il dispose de trois secondes pour chausser son arme."
Reste que des formulations comme "raisons sérieuses de penser", "temps très voisin" et même l'absence du mot "terrorisme" laissent libre cours à l'interprétation subjective des situations...

Garder leur arme en dehors du service

S'il veut laisser plus de marge de manœuvre aux forces de l'ordre, cet article fait aussi peser sur elles "une grande responsabilité", comme l'estime un syndicaliste auprès de "Libération". C'est même une "véritable révolution culturelle", pointe un policier dans un autre témoignage, citant l'exemple des frères Kouachi il y a un an : repérés le 8 janvier dans une station-service de l'Aisne, les meurtriers de "Charlie Hebdo" n'auraient pu être abattus avec l'ancienne loi : "Il fallait que l'arme se voie ostensiblement", ou "que les tirs soient déjà engagés par les suspects". Et avec la nouvelle ?

Les Kouachi ont déjà tué, ils sont armés, ils ne se rendront pas, et le but est d’éviter à tout prix un nouveau carnage deux heures plus tard. Donc oui, il sera permis, et même recommandé, de les abattre", s'avance un juriste.

Les policiers auront-ils la gâchette de plus en plus facile ? Des collectifs comme "Stop le contrôle au faciès" s'inquiètent d'ores et déjà d'un renforcement de l'impunité. D'autant plus que, répondant à une autre demande de la profession, la réforme s’accompagne d'un autre arrêté : celui-ci vise à autoriser les policiers à garder, pendant l’état d’urgence, leur arme en dehors de leur service. Dans la foulée de l'attaque avortée du Thalys, en août, Nicolas Comte, secrétaire général adjoint du syndicat Unité SGP Police FO, plaidait sur "Le Plus" en ce sens :

C’est une responsabilité très lourde que de devoir être tout le temps aux aguets et constamment mobilisable. [...] Si nous avons le devoir d’intervenir, nous devons avoir les armes pour le faire."
Timothée Vilars

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